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Ça se complique pour Magna International

Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑mai 2019

ANALYSE. Après des années fastes, le secteur automobile passe au neutre.

ANALYSE. Après des années fastes, le secteur automobile passe au neutre.

L’un des plus importants fabricants de pièces automobiles au monde, l’ontarienne Magna International (MG, 62,54 $), a raté la cible des analystes au premier trimestre et a réduit ses prévisions pour 2019, 2020 et 2021.

Résultat : son action a dégringolé de 13 % les 9 et 10 mai, coupant ainsi plus de moitié le gain de 20 % engrangé au cours des quatre premiers mois de l’année.

La grande diversité des marchés de Magna ne protège pas l’entreprise de l’essoufflement mondial des ventes d’autos. Magna compte 320 usines et 100 ateliers de mise au point de pièces dans quelque 30 pays. Ses revenus annuels dépassent 40 milliards de dollars américains.

La société est bien plus qu’un simple fournisseur puisqu’elle assemble des véhicules entiers, pour BMW entre autres. Elle participe aussi activement à la mise au point de nouveaux modèles.

Magna devient plus prudente parce que ses clients réduisent la production des véhicules. Ainsi, en 2019, le nombre de véhicules produits diminuera de 2 % aux États-Unis, de 3,5 % en Europe et de 8,5 % en Chine.

Cela se produit alors que ses coûts augmentent. Magna investit massivement dans de nouvelles technologies afin de conserver ses clients. Les dépenses consacrées à la mise au point de systèmes avancés d’aide à la conduite persisteront en 2019 et 2020, a aussi prévenu le fabricant.

Des clients secoués

Ses clients doivent eux-mêmes s’adapter aux nouvelles tendances du marché, comme l’adoption des voitures électriques et l’imposition de règles plus sévères en matière de pollution.

Magna attribue d’ailleurs à un client chinois une partie de la baisse de ses prévisions. Ce client a préféré le modèle de transmission d’un rival au lieu de celui de sa filiale Getrag afin de se conformer plus rapidement aux restrictions d’émissions de CO2 en Chine, explique Peter Sklar, analyste chez BMO Marchés des capitaux.

La menace de tarifs américains sur les importations de voitures européennes pèse aussi sur les attentes. Tous ces bouleversements créent un environnement difficile pour les fournisseurs à un moment où le meilleur du cycle des ventes de l’industrie est passé.

À cela s’ajoute un resserrement des conditions de financement en raison d’un taux de défaillance des prêts-autos plus élevé. Les taux sur ces prêts sont passés de 4 % en 2015 à 5,5 %, au premier trimestre, souligne Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.

Les investisseurs n’ont pas senti le vent tourner, tellement que le titre du fabricant de pièces a pu monter jusqu’à 76,11 $, le 24 avril dernier. Pourquoi ?

M. Roberge croit connaître une partie de l’explication : Magna a racheté le tiers de ses actions depuis 2011, masquant ainsi la détérioration de sa rentabilité par action.

La société a racheté 1,8 G$ US de ses actions en 2018. M. Sklar prévoit qu’elle y consacrera 1,2 G$ US en 2019 et 2020. L’analyste de BMO Marchés des capitaux prévoit néanmoins que le bénéfice de 6,57 $ US par action de 2020 sera inférieur à celui de 6,70 $ US dégagé en 2018. La baisse de son cours cible de 64 $ à 55 $, annoncée le 20 mars, laisse croire que Magna saura préserver ses profits.

Le piège de la fausse aubaine

Le dilemme à l’égard de Magna est le même que pour tous les titres qu’on dits «cycliques», dont les performances reposent sur une économie forte.

Le titre de Magna semble être une aubaine, mais son prix pourrait faiblir encore si les résultats de l’entreprise venaient à se détériorer davantage. Son action s’échange à un multiple raisonnable de 6,8 fois le bénéfice prévu dans 12 mois par l’ensemble des analystes.

Ce multiple s’apparente déjà à celui qui prévaut lors de récessions, mais si les profits reculaient, l’évaluation du titre deviendrait vite moins attrayante. «Un multiple qui se comprime en même temps que les bénéfices est le piège des fins de cycles», dit M. Roberge.

Le stratège reste neutre quant à l’industrie canadienne des pièces d’autos, dont les exportations bénéficient encore d’un taux de change favorable par rapport au dollar américain. Au mieux, M. Roberge s’attend à ce que le secteur fasse du surplace en Bourse pour un bon moment, prévient-il.

En abaissant son cours cible de 63 $ à 55 $, Kevin Chiang, de Marchés mondiaux CIBC, évoque la possibilité que Magna réduise encore ses marges au cas où ses gains de productivité n’arrivaient pas à compenser la réduction de sa production.

Selon l’analyste, on commence à peine à réduire les attentes à l’égard de l’industrie automobile. Elles continueront de se détériorer. Dans ces conditions, «il sera difficile pour le titre de s’apprécier», croit-il.

En revanche, les énormes flux de trésorerie que dégage Magna protégeront son action contre une chute brutale, ce qui pourrait profiter aux investisseurs les plus patients.

M. Chiang prévoit que Magna générera des flux de trésorerie libres de 6,5 G$ US entre 2019 et 2021. Selon lui, 2,7 G$ US seront versés aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions.