Campbell: «Nous avons vendu Shopify, mais racheté Lightspeed»
Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑octobre 2019MARCHÉS EN ACTION. Nous sommes des investisseurs actifs qui mettons l'accent sur la croissance des entreprises...
DOMINIQUE BEAUCHAMP – Comment décrivez-vous votre démarche de placement ?
BRUCE CAMPBELL – Nous sommes des investisseurs actifs qui mettons l’accent sur la croissance des entreprises à l’aide de recherche quantitative et technique. Nos divers portefeuilles sont assez concentrés et contiennent de 25 à 40 titres répartis à peu près également. La croissance rapide nous mène la plupart du temps vers la technologie et les titres de petite capitalisation. Aucun secteur ne représente plus du quart du portefeuille. Nous détenons nos placements neuf mois en moyenne.
D.B. – Comment la conjoncture influence-t-elle votre démarche fonceuse ?
B.C. – Notre point de vue du moment sur les perspectives économiques et boursières dicte la position générale de nos fonds. Actuellement, par exemple, de 15 % à 20 % de nos portefeuilles sont en encaisse parce certaines données économiques telles que les sondages ISM, aux États-Unis, se détériorent. Les indicateurs avancés perdent aussi de l’élan par rapport à leur propre moyenne mobile. En même temps, d’autres indicateurs sont extrêmes. Le taux de chômage américain, par exemple, est au plus bas en 50 ans, donc peut-être à son meilleur. Ce portrait incertain nous pousse à rester plus neutres que d’habitude, mais il peut basculer vite. L’an dernier, nous étions pleinement investis en début d’année. À l’automne, l’encaisse avait grimpé à 45 %. Au début de 2019, nous étions redevenus plus optimistes. L’environnement est périlleux, car il peut connaître des renversements à tout moment.
D.B. – Quels titres avez-vous vendus pour augmenter votre encaisse ?
B.C. – Au cours des deux derniers mois, nous avons vendu notre placement dans Shopify (SHOP, 435,37 $). Le spécialiste du commerce électronique a toujours été chèrement évalué, mais après un gain de 637 % en trois ans, le multiple d’évaluation a atteint 384 fois les bénéfices prévus, un niveau extrême, même pour une entreprise qui croît aussi vite. Nous pourrions le racheter à nouveau dans l’avenir. C’est ce que nous avons fait avec le fournisseur montréalais de solutions de commerce en ligne pour les PME Lightspeed POS (LSPD, 35,30 $). Nous l’avons acheté après son entrée en Bourse, en mars. Nous avions ensuite revendu nos actions dans la poussée qui a propulsé l’action à près de 50 $ au début d’août. Nous l’avons racheté à nouveau récemment après une chute de 43 %. Certains investisseurs ont mal réagi à la vente d’actions par ses actionnaires d’origine après le record d’août. À nos yeux, le potentiel de croissance des revenus est élevé et le marché visé est énorme.
D.B. – Il n’y a pas qu’en technologie où les titres s’apprécient un peu trop vite ?
B.C. – Après dix ans de marché haussier et de taux encore modestes, les excès sont parfois où on s’y attend le moins. Nous avons aussi vendu nos parts du fonds immobilier à capital fermé Summit Industrial Income REIT (SMU.UN, 12,70 $). Son cours a été soulevé par la rechute des taux, qui gonfle la valeur de tous les titres qui versent des dividendes élevés, et par l’engouement pour les immeubles à vocation industrielle. Summit a grimpé de 45 % depuis un an. Le fonds a d’ailleurs profité du sommet de son titre du début d’octobre pour émettre 230 millions de dollars de parts à 12,90 $ chacune et financer l’achat de 37 propriétés en Alberta pour 588 M $. Son évaluation atteint 19 fois le bénéfice d’exploitation attendu dans 12 mois.
D.B. – Vous gérez aussi deux fonds de cannabis. Comment percevez-vous la chute de moitié du secteur depuis le mois de mars ?
B.C. – C’est une industrie très volatile qui a connu huit cycles de gains et de rechutes depuis 2014. Nous avons d’ailleurs acheté et revendu des titres à plusieurs reprises au fil des années. Nous avons notamment racheté des titres en juillet, mais ça s’est révélé prématuré. Nous conservons un peu d’encaisse pour sauter sur les occasions qui se présenteront puisque toute l’industrie bouge en fonction de la nouvelle du jour.
D.B. – Comment vous positionnez-vous ?
B.C. – Comme l’indique le lancement par Hexo (HEXO, 3,85 $) de la marque Original Stash à prix plus abordable, la fleur séchée devient une simple commodité dont les prix doivent baisser pour concurrencer le marché noir. Les producteurs qui ont des coûts élevés ne seront jamais rentables. Nous préférons donc des entreprises qui se distinguent dans l’industrie, soit les sociétés d’extraction, les fournisseurs américains ou les producteurs nichés, par exemple. Nous avons récemment ajouté à notre placement Village Farms International (VFF, 9 $), un maraîcher de vocation qui cultive le cannabis à faible coût (de 0,65 $ le gramme), en partenariat avec Pure Sunfarms, dans une serre de 1,1 million de pieds carrés en Colombie-Britannique. Village Farms a aussi conclu deux ententes pour cultiver le chanvre, une plante cousine du cannabis, au Texas.