Les contrats à terme et les swaps sur rendement total font partie intégrante de plusieurs fonds négociés en Bourse ...
Les contrats à terme et les swaps sur rendement total font partie intégrante de plusieurs fonds négociés en Bourse (FNB). Leur utilité est indéniable, mais ils exigent un effort de compréhension. Voici quelques éléments à retenir.
Le prix des matières premières a fait la manchette en 2020. Le cours du pétrole brut a plongé en territoire négatif alors que celui de l’or a franchi un sommet historique de plus de 2 000 $ US l’once. L’épargnant qui souhaite investir dans ces marchés peut acheter un FNB d’actions qui regroupe des sociétés produisant, transportant ou entreposant ces marchandises. Par contre, on risque d’avoir un rendement différent de celui du cours au comptant (spot) de la marchandise.
En achetant un FNB qui investit directement dans une matière première, choisira-t-on la détention réelle ou par des contrats à terme ? Pour les métaux précieux, la question se pose, mais pour le pétrole, le gaz naturel et les céréales, on ne voudra pas entreposer des barils de pétrole ou des boisseaux de maïs et de blé. Dans le cas de l’or, certains vont opter pour un FNB détenant physiquement les lingots, par l’entremise d’une fiducie, comme le très connu FNB SPDR Gold Trust (GLD). Le rendement du FNB sera alors calculé net des frais de livraison, d’entreposage dans une chambre forte et des coûts d’assurance du métal jaune. L’avantage sera d’avoir un rendement qui mime généralement bien celui du cours au comptant de l’or. Au printemps, le confinement généralisé dans certaines villes, comme Londres, a toutefois créé des perturbations dans les prix de ces FNB physiques puisque les livraisons de lingots ont été arrêtées.
Dans le cas des FNB liés à des contrats à terme, cela se complique. «Il s’agit d’un engagement financier nous obligeant à prendre livraison d’une marchandise à une date future. Cette livraison par le vendeur du contrat (contrepartie) peut être faite en argent ou physiquement», explique Andres Rincon, chef de la stratégie et des ventes FNB et des produits dérivés à Valeurs mobilières TD. Dans les faits, ces FNB basés sur des contrats à terme ne prendront jamais livraison de la marchandise, mais vont plutôt rouler des contrats en les reconduisant d’un terme à un autre selon un calendrier. On évite alors les coûts de détention et d’entreposage. D’autres risques sont toutefois à considérer.
Risques des contrats à terme
D’abord, le simple fait de rouler des contrats dans le temps peut être favorable ou non au détenteur d’un tel FNB. Le prix à terme du contrat sera rarement égal au cours au comptant d’une marchandise. Pour un contrat mensuel, cela signifie qu’il faut racheter tous les mois les contrats, ce qui engendre des risques. Lorsque le prix d’un contrat futur est plus élevé que le prix actuel, on parle alors d’un effet contago, ou «report», ce qui est assez commun dans l’univers des contrats à terme de marchandises puisque le propriétaire (qui vend le contrat à terme) veut être rémunéré, pour le stockage notamment. L’incertitude sur les marchés et les déséquilibres entre l’offre et la demande sont aussi pointés du doigt. «Cet effet de roulement négatif des contrats peut largement dépasser le frais de gestion et il va réduire directement le rendement du fonds», remarque Andres Rincon. C’est pourquoi certains gestionnaires de FNB vont mettre en place des stratégies d’échelonnement ou d’optimisation des contrats afin de minimiser ces risques. «Pour éviter ce roulement coûteux, il est préférable, dans le cas des métaux précieux, comme l’or et l’argent, de miser sur un FNB physique», estime Daniel Straus, chef de la recherche et de la stratégie FNB à Financière Banque Nationale.
Bien que la situation ait été plus rare ces dernières années, il arrive que le prix des contrats à terme soit inférieur au cours au comptant. En rachetant des contrats moins chers, cet effet de backwardation, ou «déport», engendrera un gain pour le FNB de marchandise. «Ce pourrait être le cas si le marché anticipe que l’offre pour une marchandise sera excédentaire dans le futur ou encore, si on prévoit que la demande sera faible», précise l’expert de Valeurs mobilières TD.
Quant au risque de contrepartie lié à l’obligation de prendre livraison (physique ou en argent) par l’acheteur et celle du vendeur de livrer la marchandise à une date future, il est minime. «C’est le rôle de la chambre de compensation de garantir les paiements et de protéger les participants en plus de protéger l’intégrité du marché. Il n’y a jamais eu de défaut de ce côté», précise Andres Rincon.
En raison du rendement négatif lié à la reconduction des contrats à terme, les FNB de marchandises ne devraient occuper qu’une «petite portion d’un portefeuille», souligne sur le site du Morningstar sa directrice finances personnelles, Christine Benz. «Même s’ils sont accessibles à tous, ces FNB demeurent des produits complexes destinés aux investisseurs avertis», ajoute Andres Rincon.
Et les swaps de rendement total ?
Une autre catégorie de FNB utilise des produits dérivés, qu’on appelle «swaps de rendement total». Ce type d’entente permet notamment au manufacturier du FNB de répliquer le rendement d’un indice ou d’un panier de titres sans détenir directement les actifs sous-jacents. Il existe une vingtaine de ces FNB au Canada, tous de la firme Horizons.
Avant toute chose, il faut comprendre ce qu’est un swap. Il s’agit d’un contrat généralement conclu entre deux institutions financières où l’acheteur et le vendeur conviennent d’échanger des flux financiers entre le rendement de liquidités (taux fixé d’avance dans l’entente) et celui d’un sous-jacent, qui est dans notre cas le rendement total d’un indice boursier.
Quels sont les risques d’une telle structure ? D’abord, le risque de contrepartie lié à l’entente swap. Par exemple, si l’institution financière fait défaut à son devoir de verser le rendement de l’indice à la compagnie de fonds. Contrairement aux contrats à terme boursiers expliqués précédemment, les swaps sont des ententes de gré à gré. Aucune chambre de compensation n’intervient ; le montant nominal échangé dans l’entente sera toutefois placé chez un dépositaire, ou gardien de valeur. «Le risque de contrepartie est limité au rendement à recevoir pendant une période donnée, et c’est le cas seulement si l’indice a un rendement positif. Si ce rendement est négatif, c’est alors le FNB qui doit des montants à l’institution financière», précise Andres Rincon. «Il y aura aussi des ententes entre les contreparties afin de verser du collatéral, ce qui permet d’atténuer ce risque au jour le jour lorsque les marchés sont très volatils», ajoute Daniel Straus.
Les frais de gestion de ces FNB peuvent sembler bas. Par exemple, ceux du FNB Horizons S&P 500 Index (HXS) sont de seulement 0,10 %. Ce coût ne tient toutefois pas compte des dépenses supplémentaires liées à la transaction swap, qui peuvent s’élever à 0,3 % de la valeur du fonds. Ces frais présentés en marge des frais de gestion dans l’aperçu du fonds vont réduire directement le rendement du FNB.
Optimisation fiscale
Il est vrai que beaucoup d’investisseurs vont adopter cette structure d’investissement pour des raisons fiscales. «Le principe de base d’un swap de rendement total pour le détenteur du FNB, c’est qu’il n’y a aucune distribution versée à l’investisseur ; elles sont plutôt réinvesties», précise Andres Rincon. Pensons à des revenus d’intérêt ou de dividende. «Ce réinvestissement automatique des revenus permet aux rendements de se composer, sans oublier la possibilité de reporter de l’impôt», ajoute Daniel Straus.
Jusqu’au printemps 2019, les investisseurs achetaient de tels FNB, car les revenus d’une telle structure, même dans le cas de titres obligataires (revenu d’intérêt) étaient traités comme du gain en capital dont 50 % seulement sont imposables, faut-il le rappeler. De plus, ce gain en capital n’était payable qu’à la vente des parts du FNB. Le budget fédéral de mars 2019 a jeté un pavé dans la mare en proposant des modifications législatives afin de resserrer les règles, permettant de requalifier de tels revenus en gain en capital. Cela doit toucher l’année d’imposition 2020 et les suivantes. On ne peut donc pas minimiser l’impact de tels changements réglementaires qui surviennent de temps à autre, souligne l’expert de Financière Banque Nationale.
Depuis ce temps, Horizons a entrepris de réorganiser ses fonds en catégories de sociétés, permettant de maintenir les avantages structurels de ses FNB à indice de rendement total. Essentiellement, les détenteurs ont échangé leurs parts contre des actions d’une nouvelle société de placement à capital variable. Il ne devrait donc pas, selon la firme, y avoir d’impôt déclenché pour les résidents canadiens. L’avenir le dira. «Chaque investisseur doit bien comprendre sa situation fiscale, car les avantages, comme le report d’impôt après déduction de tous les frais, ne seront pas identiques d’un investisseur à l’autre», met en garde Daniel Straus.