Quand les investisseurs canadiens tournent leur attention vers le sud, leur regard se porte rarement plus loin que les ...
Quand les investisseurs canadiens tournent leur attention vers le sud, leur regard se porte rarement plus loin que les États-Unis. Pourtant, il existe plusieurs secteurs qui profitent de conditions favorables au Mexique, selon les experts. Les Affaires en présente quelques-uns.
Le Mexique n’est pas si loin, mais il échappe au radar de la plupart des investisseurs canadiens. Malgré les attaques répétées de Donald Trump, la 15e économie mondiale se porte relativement bien, ce qui pourrait fournir des occasions à ceux qui s’aventureront dans ce pays émergent industrialisé.
Le bras de fer entre Washington et Mexico n’a pas fait dérailler l’économie mexicaine. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que le produit intérieur brut (PIB) augmentera de 1,6 % en 2019, puis de 1,9 % en 2020. À titre de comparaison, aux États-Unis, l’économie progressera respectivement de 2,3 % et de 1,9 %.
Comme le destin économique du Canada, celui du Mexique est fortement lié à celui des États-Unis puisque 80 % des exportations mexicaines sont expédiées chez son puissant voisin du nord. Quand l’économie américaine va bien, l’économie mexicaine se porte bien.
D’ailleurs, les analystes de la multinationale française de l’assurance-crédit, Coface, soulignent dans une note que la proximité géographique de l’économie américaine figure parmi les principales forces du Mexique, tout comme sa base industrielle importante (32 % du PIB) et les récentes améliorations de sa situation budgétaire.
Autre force du Mexique : l’inflation est maîtrisée et la consommation demeure forte dans ce pays de près de 130 millions d’habitants, selon l’équipe économique de J.P. Morgan. « Les conditions des consommateurs sont restées robustes – en particulier les salaires réels. Cela nous permet de minimiser la faiblesse observée de la fin de 2018 et de continuer à prévoir que la croissance sera tirée par la consommation cette année », écrivent ses analystes.
Le portrait est toutefois moins rose du côté de la Bolsa Mexicana de Valores, la Bourse de Mexico. Son indice phare, l’IPC, est en retrait de 15 % depuis son sommet de juillet 2017. Durant la même période, le S&P 500 à New York a progressé de 20 % et le S&P/TSX à Toronto a monté de 9 %.
La correction sur le parquet mexicain s’explique en partie par les menaces de l’administration Trump, à la fin de mai, d’imposer des tarifs de 5 % sur les importations mexicaines si le pays n’arrive pas ralentir les flux migratoires aux États-Unis en provenance de l’Amérique centrale. Pour ne pas subir de représailles, les Mexicains ont conclu en juin un accord avec les Américains dans lequel ils s’engagent à contrôler davantage les mouvements de migrants provenant de ces régions. La menace de tarifs est donc écartée, du moins pour l’instant.
D’autres facteurs sont susceptibles de peser sur l’économie mexicaine, selon Art Woo, directeur et économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux.
Il pointe du doigt « l’incertitude politique persistante » entourant le nouveau gouvernement de gauche d’Andrés Manuel López Obrador, le renforcement du protectionnisme aux États-Unis ainsi qu’un ralentissement modéré de l’économie américaine.
Malgré tout, plusieurs secteurs de l’économie mexicaine se portent relativement bien, selon Erick Vega, directeur des investissements, gestion d’actifs, chez HSBC au Mexique, de même que Hugo Ste-Marie et Jean-Michel Gauthier, respectivement stratège associé chez Scotia Capital et stratège associé, services bancaires et marchés mondiaux à la Banque Scotia.
1. La consommation
Le consommateur mexicain a le vent dans les voiles et les entreprises du secteur en récoltent les fruits, constate Erick Vega. « L’ensemble des entreprises affichent une croissance durable, elles améliorent leur rentabilité et elles ont des valorisations toujours raisonnables », dit-il.
La consommation, qui représente les deux tiers du PIB, a d’ailleurs été l’un des principaux moteurs de l’économie mexicaine depuis deux ans.
Les transferts de fonds des Mexicains travaillant aux États-Unis, la révision à la hausse des salaires dans plusieurs secteurs ainsi que l’intention du gouvernement de créer de nouveaux programmes sociaux favoriseront la consommation, selon M. Vega.
Arca Continental (EMBVF., 5,05 $US) est un exemple d’entreprise qui profite de la bonne tenue de la consommation. La société produit, distribue et vend notamment des boissons non alcoolisées sous la marque Coca-Cola. Arca Continental est le deuxième embouteilleur de Coca-Cola en Amérique latine et l’un des plus importants au monde.
Des 19 analystes qui suivent le titre, 16 émettent une recommandation d’achat et trois proposent de le conserver.
Lucas Ferreira, analyste chez J.P. Morgan, pense que les revenus devraient progresser de 13 % en deux ans, passant de 158,9 milliards de pesos (8,3 G$ US) en 2018 à 179,7 milliards de pesos (9,4 G$ US) en 2020.
Plusieurs facteurs sont favorables à Arca Continental, juge Felipe Ucros, de Banque Scotia. Par exemple, la baisse du prix de l’aluminium réduit les coûts de production de l’entreprise « La direction souligne que le prix de l’aluminium sera bénéfique pour les marges en 2019 », précise l’analyste.
Signe que le manufacturier de boissons gère bien ses coûts, la profitabilité s’améliore aux États-Unis et en Amérique latine, même si les volumes au premier trimestre ont diminué de 0,7 % au Mexique et de 4,3 % aux États-Unis, selon l’équipe économique Grupo Bursatil Mexicano (GBM). Ainsi, le bénéfice net progressera de 20,2 % en 2019 et de 12,5 % en 2020, prévoit l’équipe de GBM.
2. L’immobilier
Le marché immobilier se porte bien au Mexique alors que le prix des maisons a augmenté de 4,73 % au premier trimestre 2019 par rapport à la même période l’an dernier, selon Global Property Guide.
La santé des entreprises du secteur et la continuation du libre-échange en Amérique du Nord sont également de bons augures pour l’immobilier, selon Erick Vega de HSBC.
« Une exposition à l’immobilier commercial est désirable, car la plupart des sociétés procurent un rendement du dividende attrayant (de 5 % à 8 %) et elles devraient bénéficier du nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique », explique-t-il.
L’analyste souligne que l’on pourrait aussi assister à une baisse des taux d’intérêt au Mexique dans les prochains mois. D’ailleurs, le consensus des analystes s’attend à ce que la Banque du Mexique réduise son taux directeur dans les 12 prochains mois, selon un sondage réalisé par la banque centrale mexicaine. Le cas échéant, cela pourrait améliorer les évaluations des sociétés immobilières.
L’immobilier peut aussi être vu comme un secteur défensif, ajoute Jean-Michel Gauthier, stratège associé, services bancaires et marchés mondiaux à la Banque Scotia. « En cas de replis supplémentaires du marché, ces secteurs pourraient mieux performer que leur indice de référence, surtout qu’ils sont moins exposés au commerce avec les États-Unis », affirme-t-il.
Fibra Prologis (FBBPF., 2,06 $US) est un des fonds de placement immobilier appréciés des analystes. Ainsi, six analystes recommandent d’acheter le titre de l’acquéreur et exploitant d’immeubles industriels au Mexique, trois suggèrent de le garder et deux proposent de le vendre. La société gère des actifs de 2,3 G$ US. Ceux-ci comprennent 192 établissements logistiques et manufacturiers, pour un total de 34,9 millions de pieds carrés.
En 2018, Prologis a réalisé des revenus 192 millions de dollars américains. Cette année et en 2020, ils devraient respectivement atteindre 211 et 220 M$ US, prévoit Vanessa Quiroga, de Credit Suisse.
Parmi les facteurs favorables, elle souligne le taux d’occupation très élevé de ses bâtiments au premier trimestre. « Prologis a encore rapporté un taux remarquable de 97,5 %, soit un niveau supérieur à nos prévisions de 95,4 % », précise-t-elle.
Pour sa part, Pablo Monsivais, analyste chez Barclays, affirme que l’entreprise continue de surpasser son industrie qui va déjà bien, notamment grâce à une bonne gestion de ses opérations.
3. Les services financiers
Ce secteur présente plusieurs signes d’amélioration, selon le modèle d’analyse quantitative de la Banque Scotia (Quantitative Strategy), que l’institution publie chaque mois sur les principales économies de la planète.
Ce modèle mesure divers indicateurs par secteur économique tels que la valeur (le dividende, le ratio cours-bénéfice, etc.), la croissance (les ventes, le bénéfice par action, etc.) ou la qualité (la volatilité des revenus, le rendement de l’investissement).
Or, depuis six mois, le score du secteur financier en percentile s’est grandement amélioré, passant de 35 à 68, une situation « largement positive », selon Hugo Ste-Marie, stratège associé chez Scotia Capital.
Erick Vega fait remarquer, quant à lui, que les sociétés financières mexicaines sont bien capitalisées et affichent une croissance des revenus supérieure aux autres secteurs de l’économie.
Le directeur des investissements, gestion d’actifs, chez HSBC, souligne d’ailleurs que les Mexicains utilisent encore relativement peu de services financiers. « À plus long terme, nous prévoyons une plus grande pénétration du secteur bancaire, le Mexique affichant l’un des taux les plus bas en Amérique latine. »
Les analystes ne partagent pas le même degré d’enthousiasme pour toutes les banques. Par exemple, ils sont plus optimistes pour la Banco del Bajio (BBAJF., 1,99 $ US) que pour Santander Mexico (BSMX., 7,89 $ US), la division mexicaine de la banque espagnole Santander.
Dans le cas de Banco del Bajio, 10 analystes proposent d’acheter l’action, un suggère de la garder et deux recommandent de la vendre. Quant à Santander Mexico, trois analystes recommandent d’acheter le titre, 10 proposent de le garder, et aucun ne suggère de le vendre.
Philip Finch, analyste chez UBS, reste sur les lignes de côté. Santander Mexico aura une autre année de coûts élevés, alors que l’institution finalisera en 2019 son programme de transition numérique dans un contexte où 80 % des transactions au Mexique sont faites avec de l’argent comptant, prévient-il. Cette situation « pèsera probablement sur la croissance des revenus ».
L’analyste Carlos Gomez-Lopez de HSBC est plus optimiste, car il recommande d’acheter le titre. Il prévoit que l’action de Santander Mexico s’appréciera de 15 % d’ici un an. Le bénéfice par action était de 2,85 pesos en 2018 (0,15 $ US). Carlos Gomez-Lopez indique qu’il grimpera à 0,19 $ US en 2021, selon le consensus des analystes.
Les analystes apprécient davantage Banco del Bajio. C’est le cas de Jorge Kuri, de Morgan Stanley. Il souligne que les revenus nets de la banque ont bondi de 3 % au premier trimestre de 2019 et de 22 % depuis un an.
C’est pourquoi l’analyste anticipe une hausse constante du bénéfice par action d’ici décembre 2021, et ce, de 4,19 pesos (0,22 $US) en décembre 2018 à 5,14 pesos (0,27 $) en décembre 2021.
L’analyste Jason Mollin, de la Banque Scotia, souligne, quant à lui, la « robustesse du rendement de l’investissement et de la croissance » de l’institution financière mexicaine.
Selon lui, cette situation tient notamment à l’amélioration de sa gestion des opérations. Par exemple, son ratio d’efficience (la part des dépenses par rapport aux revenus ; plus il est faible, plus l’entreprise est efficace pour générer 1 $ de revenu) a glissé de 44,7 % à 42,8 % entre le premier trimestre de 2018 et celui de 2019, soit un plancher historique.
4. Les opérateurs de routes à péage
Les entreprises de cette industrie disposent d’importantes liquidités, de sorte qu’elles sont prêtes à tirer parti des occasions offertes par le nouveau plan d’infrastructures du gouvernement mexicain, selon Erick Vega.
« Nous restons positifs dans le secteur des infrastructures, compte tenu de leurs importantes liquidités et de leur faible endettement », dit le directeur des investissements, gestion d’actifs, chez HSBC au Mexique.
Et même si la croissance s’avère modeste, la valorisation des opérateurs de routes à péage demeure attrayante, car l’industrie se négocie en dessous de la valeur liquidative avec un rendement de dividende supérieur à la moyenne, souligne Erick Vega.
Dans le secteur, Pinfra (PUODY., 194,96 $ US) compte parmi les sociétés populaires auprès des analystes. Ainsi, 11 analystes recommandent d’acheter le titre de la société qui construit, exploite et entretient des routes, quatre suggèrent de le garder et un seul propose de le vendre.
Mauricio Serna, chez UBS, estime que l’action de Pinfra s’appréciera de 25 % dans les 12 prochains mois. Il souligne que la société a des projets d’investissement totalisant 15,7 milliards de pesos (833 M$ US) de 2019 à 2021.
De plus, les routes à péage existantes de Pinfra, au Mexique, devraient générer une croissance du trafic de 3 à 4 % par année.
Par conséquent, le bénéfice par action continuera de croître dans les prochaines années, ajoute Fernando Abdalla, analyste chez J.P. Morgan. Cette année, il devrait s’établir à 12,73 pesos (0,66 $ US), pour atteindre 14,93 pesos (0,78 $ US) en 2021.
5. Les services publics
Tout comme l’immobilier, les sociétés offrant des services publics (par exemple, les distributeurs d’énergie) au Mexique peuvent aussi être vues comme des secteurs défensifs pour les investisseurs qui investissent dans ce pays, selon Jean-Michel Gauthier, stratège associé chez Scotia Capital.
Pourquoi ? Parce que ces entreprises sont moins exposées au commerce avec les États-Unis et qu’elles pourraient continuer de bien performer si jamais le marché mexicain subissait un revers.
Dans le secteur de l’énergie, ces sociétés pourraient notamment bénéficier d’un coup de pouce du nouveau gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador, estime Julyana Yokota, directrice de la notation pour les infrastructures chez S&P Global.
« Nous pensons que le nouveau gouvernement va être enclin à attirer des investissements dans les centrales thermiques, les éoliennes, le solaire, dont la production soutiendrait la cible de croissance du PIB du gouvernement », écrit-elle dans une analyse portant sur les services publics de l’énergie en Amérique latine.
IEnova (IENVF, 3,9 $ US), qui développe, construit et exploite des infrastructures énergétiques au Mexique, est un autre exemple de société qui attire l’attention des analystes.
Neuf d’entre eux recommandent d’ailleurs d’acheter le titre, cinq suggèrent de le garder et un seul estime qu’il faut se départir de l’action.
En 2018, la société gérait des actifs de 8,8 G$ US, ce qui fait d’IEnova l’une des plus grandes sociétés énergétiques privées au Mexique.
Marissa Garza, analyste à la banque d’affaires Banorte, émet une recommandation d’achat sur le titre d’IEnova. « La société a eu un début d’année positif, mais sans surprises. »
Les revenus ont bondi de 32,2 % au premier trimestre de 2019 comparativement à la période correspondante en 2018 pour atteindre 381 M$ US, tandis que la marge du BAIIA ajusté a augmenté de 8,3 % et est passée à 229 M$ US.
Les perspectives sont également bonnes d’ici 2020, souligne l’analyste. En 2018, les revenus annuels ont totalisé 1,4 G$ US. En 2019, Marissa Garza les voit atteindre 1,7 G$ US, soit un bond de 21,4 %. C’est pourquoi elle estime que le titre s’appréciera de près de 16 % dans les 12 prochains mois.
Pour sa part, Nikolaj Lippmann, analyste chez Morgan Stanley, demeure prudent par rapport à IEnova. « Malgré de solides résultats et de nombreuses occasions de croissance, les défis dans le domaine abondent », dit-il.
Or, selon lui, le marché sous-estime les vents de face, notamment en ce qui a trait à l’incertitude concernant la vision long terme du gouvernement dans le secteur de l’énergie. « Les actions d’IEnova ont davantage été échangées à la suite de manchettes sur les politiques macroéconomiques et énergétiques que sur les fondamentaux ou les occasions de croissance. Et, sans une vision claire du programme énergétique du gouvernement, cela devrait continuer à être le cas à court terme », affirme-t-il.