Si l’on a 80% de placements à revenu fixe, alors oui, l’inflation est un problème. (Photo: 123RF)
L’inflation n’est pas près de s’arrêter, du moins pas pour le moment. La hausse du prix de l’énergie et l’engorgement de la chaîne logistique devraient créer une poussée des indices des prix à la consommation qui sera beaucoup plus élevée que ne s’y attendaient les banques centrales des économies avancées, notamment celles du Canada, de la zone euro, des États-Unis et du Royaume-Uni.
Les investisseurs se demandent comment l’inflation, qui est à son niveau le plus élevé depuis plusieurs décennies, pourra affecter leur portefeuille. «L’inflation affecte divers types de titres de différentes façons», dit Russell Kinnel, directeur de la recherche sur les gestionnaires au Siège de Morningstar aux États-Unis. «Le tableau général est que l’inflation est une plus grande menace pour un portefeuille surchargé d’obligations que pour un portefeuille d’actions. Si l’on possède 80% d’actions, on n’a probablement pas à s’inquiéter de l’inflation. Si l’on a 80% de placements à revenu fixe, alors oui, l’inflation est un problème.» Les détenteurs d’obligations en souffrent parce que cela érode leur pouvoir d’achat et réduit la valeur des obligations (si le marché intègre les hausses de taux attendues).
Mais ce n’est pas tout mauvais. Les investisseurs ont plusieurs moyens de couvrir les risques liés à l’inflation. Les couvertures directes sont les obligations indexées à l’inflation et les marchandises. Les couvertures indirectes sont par exemple les actions, l’or, et les fonds de prêts bancaires (dans les pays qui les autorisent).
Les obligations indexées à l’inflation ou couvertes contre ces dernières
Les obligations indexées à l’inflation et les fonds qui y investissent sont conçus pour protéger l’investisseur contre l’inflation en ajustant à la hausse la valeur de l’obligation sous-jacente quand l’inflation augmente, et à la baisse quand l’inflation baisse. Les investisseurs ne doivent pas oublier qu’avec les obligations indexées à l’inflation, la valeur du capital augmente (ou diminue) avec les attentes que l’on entretient vis-à-vis de ces changements. Ces attentes sont notoirement difficiles à prédire, et c’est donc un avantage essentiel de ce type de titre. Rappelons-nous aussi que les obligations indexées à l’inflation peuvent se comporter différemment selon la phase du cycle où l’on se trouve, et offrir une diversification, des facteurs de risque dans certains scénarios. Une considération importante est le risque lié à la durée, les inflations indexées à l’inflation étant souvent des titres d’une échéance plus longue, ce qui accroît la sensibilité aux taux d’intérêt. Cela peut parfois saper les avantages de la protection contre l’inflation.
Les marchandises
Une autre couverture contre le risque d’inflation est celle que présente un fonds de marchandises. Habituellement, les fonds de marchandises investissent dans des produits dérivés liés à un panier de marchandises. Les prix des marchandises ont une grande influence sur l’inflation, et sont généralement sensibles à cette dernière et à la croissance économique. Lorsque le prix du pétrole flambe, l’inflation lui emboîte souvent le pas, et c’est ce qui se passe depuis plusieurs mois. «Les prix des marchandises connaissent souvent des fluctuations bien plus importantes que l’inflation, mais cela fait d’elles une couverture plus efficace», dit Russell Kinnel. Les marchandises, à la différence des actions et des obligations, n’intègrent pas naturellement un rendement. Les probabilités de hausses sont aussi grandes que les probabilités de baisses. Par conséquent, ceux qui achètent des fonds de marchandises devraient le faire dans des proportions modestes — je dirais même à pas plus de 5%. »
L’or
L’or a toujours eu une réputation d’actif fiable pour protéger contre l’inflation, mais qui est maintenant contestée. Comme le prix de la plupart des marchandises, celui de l’or a eu une corrélation positive avec l’inflation au cours de différentes périodes historiques. Toutefois, il ne suit pas absolument le rythme de l’inflation. L’or peut perdre de son pouvoir d’achat (et en a perdu) sur des périodes de plus de 10 ans, comme il l’a fait entre août 1993 et décembre 2005. Les investisseurs qui ont acheté de l’or à son prix recors en janvier 1980 attendent toujours de récupérer leur argent après l’inflation. Au cours de la poussée inflationniste récente, l’or a représenté une de ces «couvertures ratées», comme les appelle John Rekenthaler, vice-président de la recherche à Morningstar. Selon lui, « la couverture traditionnelle contre l’inflation, bien sûr, est l’or : une marchandise dont les cours ont plus de 5 000 ans d’histoire. Depuis que le Bureau des statistiques du travail a publié sa déclaration sur la montée de l’inflation (le 12 mai 2021), le lingot d’or a peine à rester à flot. À simplement regarder un graphique sur le prix de l’or, personne ne saurait dire quand l’inflation a ressurgi ». Il est évident que l’or n’est pas une parfaite couverture contre l’inflation, bien qu’il puisse contribuer à stimuler les rendements aux périodes inflationnistes.
Les actions
Les actions et les fonds d’action sont des couvertures indirectes. Cela peut paraître surprenant à l’heure actuelle parce que les marchés sont volatils et réagissent par une liquidation aux nouvelles de hausses de l’inflation. Mais à long terme, les actions ont souvent de bons résultats quand l’inflation augmente. La première raison est simplement que l’inflation touche tous les actifs, y compris les actions. De nombreuses sociétés ont un pouvoir de fixation des prix qui leur permet d’augmenter leurs tarifs. Par exemple, les sociétés dotées d’une forte image de marque ou qui évoluent dans des oligopoles peuvent répercuter leurs prix sur les consommateurs. De plus, si les travailleurs reçoivent des augmentations de salaire, ils peuvent se permettre d’investir un peu plus d’argent dans les actions.
Les fonds de prêts bancaires
Les fonds de prêts bancaires sont des fonds communs de placement qui achètent des prêts consentis par des banques ou d’autres institutions financières aux sociétés. Ces prêts bancaires, qui sont habituellement des créances de premier rang garanties, sont principalement cotés de qualité inférieure parce que la capacité qu’a l’emprunteur de les rembourser peut être considérée comme spéculative. Dans certains pays, la loi les proscrit. Par exemple, de par le règlement européen, les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) ne peuvent pas octroyer d’emprunts, mais il y a diverses interprétations sur la façon dont les prêts directs remplissent les conditions d’éligibilité au sein des portefeuilles des OPCVM. Les fonds de prêts bancaires ne sont pas étroitement liés à l’inflation, mais ils s’ajustent aux hausses et aux baisses en modifiant leurs taux d’intérêt, ce qui les rend largement imperméables aux hausses de taux. Les prêts bancaires comportent plusieurs risques. Ce sont souvent des prêts de qualité inférieure ou non cotée, et le risque lié au crédit y est présent. De plus ils comportent aussi un certain niveau de risque lié à la liquidité.
Et les cryptomonnaies?
« Les cryptomonnaies sont souvent vantées comme une panacée pour tout ce qui va mal avec le dollar et la finance moderne, dit Russell Kinnel. Leur offre est limitée et on ne peut tout simplement pas en frapper davantage. Pourtant, jusqu’à présent, leur lien avec l’inflation n’a pas été très étroit. J’ignore totalement si les cryptomonnaies fonctionneront à long terme comme une couverture contre l’inflation ou comme réservoir de valeur. » Pour John Rekenthaler, les cryptomonnaies comptent parmi les « couvertures ratées » depuis que l’inflation a repris. « Les cryptomonnaies sont communément considérées comme des couvertures électroniques contre l’inflation. C’est logique. Historiquement, l’or s’est apprécié lorsque les devises stagnantes s’effondraient. Pourquoi dans ce cas les équivalents modernes de l’or se comporteraient-ils différemment? Or, c’est précisément ce qu’ils ont fait. À la différence de l’or, les cryptomonnaies n’ont pas retrouvé leur rentabilité depuis l’annonce faite par le Bureau. Elles ont perdu de l’argent. Beaucoup d’argent. »