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Comment supporter ses pertes financières?

Morningstar|Publié le 29 septembre 2022

Comment supporter ses pertes financières?

Nous avons tous ressenti le pincement d’une perte financière, mais quand elle devient une douleur persistante, il faut y faire quelque chose. (Photo: 123RF)

«J’aurais fait, j’aurais pu, j’aurais dû» [ou une variation sur ce thème] est ce que mon père aime bien dire quand je lui relate une perte ou une occasion manquée. Cette réponse à moitié sarcastique, malgré tout gentille et sincère, est toujours ponctuée d’un sourire ironique, car il y a toujours quelque chose de thérapeutique dans cette déclaration.

Nous avons tous ressenti le pincement d’une perte financière, mais quand elle devient une douleur persistante, il faut y faire quelque chose, parce qu’alors on se sent beaucoup mieux — soi-même et son compte en banque.

Cette sagesse subtile de mon père a posteriori s’applique aussi aux investisseurs. Il s’agit d’aller de l’avant dans la bonne perspective. «N’oubliez pas que la “valeur” de votre portefeuille est toujours hypothétique jusqu’à ce que vous vendiez réellement», dit l’économiste comportementale de Morningstar Sarah Newcomb. Vous disposez d’un ensemble de titres qui pourraient vous rapporter un certain montant si vous les vendiez sur le marché. «Mais est-ce que vous comptiez tous les vendre aujourd’hui?», demande Mme Newcomb.

Et pourquoi ne les avez-vous pas vendus avant?

 

Les erreurs que nous commettons quand nous nous défaisons de notre argent

Ce qui vous a conduit à vendre ou ne pas vendre, à acheter ou ne pas acheter, est souvent frustrant, stressant et même effrayant pour peu que vous essayiez de le savoir. Ces émotions peuvent être un problème.

«Le problème, c’est que si on se met à chercher plus d’informations quand on a peur, on peut aisément en faire une montagne parce que notre perception du risque peut être affectée par certains aspects de l’information sur le risque elle-même, et par des indices contextuels comme la couleur, le graphisme et les effets sonores», dit Mme Newcomb. «Des études multiples ont montré que la peur elle-même peut faire apparaître des résultats négatifs comme étant plus probables, et se livrer à une recherche d’informations quand on a déjà peur peut amplifier — et pas réduire — la peur et l’angoisse.»

1. Première erreur: prendre des décisions sous l’emprise de la peur.

«Les pertes marquent beaucoup plus les esprits que les gains, note la chercheuse comportementale de Morningstar Samantha Lamas: subir une perte est généralement deux fois plus dur que recevoir un gain du même montant n’est agréable.» Si l’on combine ça à l’internet, il est facile de s’enfermer dans un cercle vicieux de peur, de crainte de rater quelque chose et de mauvaises transactions, surtout en cette ère d’informations en ligne.

Une opinion rapportée de la mauvaise source au mauvais moment peut facilement conduire à fonctionner à répétition contre son propre intérêt.

«Les informations sont précieuses, et, en tant qu’investisseurs, nous devons nous livrer à toutes les recherches nécessaires sur les produits et les services que nous achetons en amont, explique Mme Newcomb. Toutefois, il faut aussi faire attention à la manière dont nous ressentons la présentation des informations sur les placements et empêcher de rechercher en ligne les catastrophes et les sensations fortes à un moment où nous sommes émotionnellement vulnérables.»

2. Deuxième erreur: mettre en doute le plan original.

Un sentiment de perte peut facilement provoquer la remise en question d’une stratégie bien étudiée, et cela peut conduire à une vente précipitée de ses actifs risqués. On appelle cela l’aversion au risque, dit Mme Lamas: «ce penchant très affirmé peut conduire à toute une série d’erreurs financières, comme une réaction déplacée à la nouvelle d’une perte qui vous pousse à être beaucoup trop prudent la fois suivante ou à essayer d’assumer des risques supplémentaires pour rattraper vos mauvaises performances.»

Sortir notre argent d’investissements risqués pour réduire nos pertes peut nous donner à court terme une impression de calme et de sécurité plus grands, note Mme Newcomb, «mais à long terme, cela pourrait bien s’avérer de l’autosabotage, dit-elle. De nombreuses études montrent que les gens qui transfèrent des fonds à tort et à travers se sous-classent régulièrement par rapport au marché aussi bien qu’à leurs pairs plus sereins.»

 

Comment tourner la page sur ses pertes financières?

Si vous retrouver dans le rouge vous stresse ou vous effraie, réduisez donc au silence les experts et les oiseaux de mauvais augure, dit Mme Newcomb. «Il est très probable qu’ils ne vous aideront pas à vous trouver dans de bonnes dispositions d’esprit pour raisonner de la meilleure manière possible.»

Une façon d’acquérir l’état d’esprit qu’il faut est de changer le récit lui-même. «Quand il y a de la volatilité sur le marché et que mon portefeuille en prend du plomb dans l’aile, j’essaie de recadrer la situation, dit Mme Lamas. La volatilité boursière peut être périlleuse, mais cela peut aussi être l’occasion de se procurer des placements de qualité à bas prix.»

– Recadrez la situation

Même si vous adoptez une autre perspective sur vos pertes, cela ne vous empêche pas d’examiner le chemin parcouru. «Essayez de ne pas vous fixer sur la valeur estimée la plus élevée, dit Mme Newcomb. Vous attacher mentalement à la plus haute valeur hypothétique que ces avoirs eussent pu vous procurer si vous les aviez tous vendus d’un seul coup prête fondamentalement à la souffrance.» Cette valeur la plus élevée jamais atteinte est une estimation et pas une réalité, ajoute-t-elle, «et je pense que nous lui donnons trop de pouvoir sur notre bien-être.»

Si vous trouvez que vos problèmes financiers vous pèsent, vous désengager peut faire toute la différence. «Une autre chose que j’essaie de faire est de prendre du recul, dit Mme Lamas. Par exemple, je fais une petite marche, je fais du bénévolat dans ma communauté, ou tout simplement je prête assistance à un ami. Aider autrui peut aider à remettre les choses en perspective. Avec un état d’esprit rafraîchi et équilibré, même une perte financière peut paraître moins décourageante.»

– Allez-y, lamentez-vous

Reprendre le contrôle de votre santé affective, ça veut dire aussi savoir lâcher prise. «Allez-y, lamentez-vous, dit Mme Newcomb. Si vous ne pouvez pas recadrer la situation, peut-être faudrait-il au contraire que vous la ressentiez pleinement. Si vous devez vendre ou renoncer à des actifs pour moins d’argent qu’ils ne vous ont coûté, vous allez souffrir. Dans ce cas, éprouver cette souffrance et digérer cette perte est en fait important, car cela vous empêchera de laisser une peur ou un ressentiment non résolu affecter négativement vos décisions de placement futures. En fait, les pertes font partie du jeu, ajoute Mme Lamas, et les finances également. Même un portefeuille bien construit doté d’une participation substantielle aux actions perdra de la valeur pendant un tiers de sa durée de vie.»

– Fixez des limites

Nous devrions aussi fixer des limites entre le monde des placements et le monde réel pour garder toute notre tête. Mme Lamas aime bien garder un échéancier de vérifications après une perte: «disons que j’ai perdu un certain montant de mon portefeuille. Au lieu de le vérifier constamment, je me force à ne le vérifier qu’une fois par jour ou moins. Constamment vérifier son portefeuille après une perte ne va que conduire à plus de stress, et, peut-être plus tard, à des erreurs comportementales.»

– Ne confondez pas mauvais résultats et mauvaises décisions

Il est aussi important de fixer des limites mentales quand on investit, alors essayez de ne pas prendre les choses trop personnellement, surtout quand vous avez affaire à des calculs de probabilités. Annie Duke traite de cette question dans son ouvrage Thinking in Bets (Penser quand on parie), dit Mme Newcomb. «Toute décision que nous prenons en tant qu’investisseurs renferme la probabilité d’une issue mauvaise comme celle d’une bonne issue. C’est ça. Le risque. Si vous prenez une bonne décision, il y a quand même une certaine probabilité qu’elle va mal tourner, tout comme les mauvaises décisions peuvent parfois bien tourner. Une issue mauvaise ne veut pas dire que vous avez fait un mauvais choix. Si je pariais avec vous un million de dollars que des extra-terrestres atterriront demain, relever ce pari serait probablement pour vous une bonne décision, dit Mme Newcomb. Si par un caprice de l’histoire cosmique des extra-terrestres vous rendaient visite demain, cela ne ferait pas de votre décision de relever le pari une mauvaise décision. Cela voudrait dire simplement que ce résultat est tombé dans une catégorie de probabilité de 0,000 000 000 000 01%.»