(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Plus je discute avec des investisseurs, plus je constate que certains conseillers donnent des conseils qui manquent de rigueur. Mon échantillon est probablement biaisé, car les investisseurs qui me contactent sont possiblement déjà insatisfaits des conseils qu’ils reçoivent et je ne doute pas que la majorité des conseillers offre de bons conseils. Néanmoins, les exemples ne manquent pas, en voici un.
La vente axée sur le rendement historique
Récemment, un client qui négociait une hypothèque avec une grande banque a dû fournir ses relevés de placement afin de documenter ses actifs. Afin d’inciter le client à transférer ses placements avec cette banque, le conseiller a créé un document comparatif «démontrant» qu’il pouvait lui offrir une meilleure solution en lui recommandant un fonds commun avec un meilleur rendement. Dans ce cas, l’exercice de vente était excessivement biaisé. Voici pourquoi.
Tout d’abord, aux fins de la comparaison, ce conseiller a agrégé les actifs de plusieurs comptes du client qui avaient des profils bien distincts. En effet, ce client avait une partie de ses actifs gérés de façon plus conservatrice pour des projets à court terme et détenait aussi un compte comptant géré de façon à reporter l’impôt et minimiser l’impact fiscal à long terme. Exit ces distinctions dans l’analyse du conseiller de la banque.
Ainsi, il lui a proposé un fonds 100% en action, alors que ce client a un profil de risque équilibré avec une tolérance au risque limitée. Après des années de marchés haussiers, rien de plus facile que de choisir un fonds exclusivement d’actions, avec prédominance américaine de surcroît, pour biaiser une présentation. Il y a des milliers de fonds au Canada suivant une distribution de rendements qui s’apparente à une loi normale (une distribution en cloche). Chaque année, certains fonds se démarquent alors que d’autres pâtissent. D’une année à l’autre, les fonds qui ont offert la meilleure performance sont ceux qui seront davantage recommandés. C’est un peu normal, car c’est plus facile de vendre un fonds qui a généré de bons rendements récemment que l’inverse, mais ce n’est pas nécessairement à l’avantage de l’investisseur.
Ainsi, il sera toujours possible pour un conseiller de trouver un fonds, une action, un produit quelconque qui aura mieux fait que votre portefeuille dans le passé pour vous convaincre qu’il vous offre une meilleure solution. Ce n’est toutefois pas très pertinent. La majorité des investisseurs et des conseillers savent que les rendements passés ne sont pas garants de l’avenir. Toutefois, ces mêmes investisseurs sont trop souvent obnubilés par la présentation de rendements historiques et s’en servent comme élément principal pour évaluer un placement. C’est une approche qui risque de vous faire acheter un placement au pire moment.
Les comparaisons de rendement devraient être prises avec un grain de sel, et surtout, ne pas constituer l’élément de décision le plus important. Mieux vaut comprendre l’investissement proposé et essayer de déterminer si c’est un bon choix pour les années à venir. Ce n’est pas un exercice facile et c’est pourquoi plusieurs investisseurs et conseillers se rabattent malheureusement sur les rendements passés pour prendre des décisions ou convaincre des clients.
L’importance des frais.
Lorsqu’il a été questionné sur les frais de plus de 2% par année de ce fonds, le conseiller de la banque a habilement esquivé la question en mentionnant que ce n’était pas important, car les rendements étaient plus élevés. Un autre argument fréquemment utilisé dans l’industrie afin de tenter de justifier des frais élevés. Je vous garantis que si les frais avaient été plus faibles, le rendement de ce même fonds aurait été plus élevé! Mais peut-être que la commission du conseiller, pour un produit moins cher qui aurait procuré une exposition aux marchés similaires, aurait été plus faible…
Le plus important dans une stratégie de placement est l’allocation d’actif, beaucoup plus que la sélection de titres. Puisque l’on peut s’exposer à la majorité des classes d’actifs avec des fonds négociés en bourse (FNB) à faible coût, il y a très peu de raisons (probablement aucune) qui peuvent justifier des frais de plus de 2% (même 1%) pour la gestion d’un portefeuille.
Bref, si vous doutez de la qualité des conseils que vous recevez, vous avez tout à gagner à valider le tout avec un autre professionnel. La majorité des gestionnaires de portefeuille ou conseillers financiers seront heureux de vous donner leur point de vue.
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