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David Nault: passionné par la création d’entreprises

Simon Lord|Édition de la mi‑juin 2022

David Nault: passionné par la création d’entreprises

David Nault (Photo: Eva Blue)

PROFIL D’INVESTISSEUR. David Nault compare l’entrepreneuriat à l’athlétisme : l’objectif ultime est le podium, et l’atteinte d’un but ne fait qu’en révéler un nouveau. Et à 55 ans, après être passé d’entrepreneur à investisseur avant de cofonder Luge Capital, un fonds de capital de risque en fintech, il veut toujours aller plus haut, plus vite, plus fort. Portrait d’un triathlonien d’affaires.

Le récit professionnel de David Nault commence comme celui de bien des entrepreneurs : par une série de petites entreprises lancées alors qu’il était ado.

« On était cinq enfants dans ma famille. On était confortables financièrement, mais nos parents nous donnaient peu d’argent. Si tu en voulais, tu devais travailler. Personnellement, j’ai toujours trouvé ça plus facile et payant de lancer des petites business moi-même que de me trouver un emploi », se remémore-t-il.

À 16 ans, passionné d’automobiles, il se lance dans le lavage de voitures et met sur pied son propre lave-auto, qu’il opère le jour. En même temps, il développe une autre entreprise de réparation d’asphalte résidentielle, qu’il opère le soir : « Je ne sais pas si je veux vraiment que ce soit écrit dans Les Affaires Plus [rires], mais ça s’appelait les Docteurs de l’asphalte. On allait de porte-à-porte pour reconditionner les entrées de maisons. »

Un peu sur le tard, son père lui conseille d’aller étudier en comptabilité pour réussir en affaires. Il s’inscrit à l’Université Concordia en 1991 en commerce, marketing et finance, à 22 ans. S’il réalise en cours de route qu’il n’a pas le profil d’un comptable, il ne regrette aujourd’hui pas la décision, puisque ses notions de comptabilité l’ont bien aidé par la suite.

 

Un sens inné de l’initiative

Même à l’université, c’est encore le côté entrepreneur-athlète qui a le dessus. « Je voulais d’abord un défi. Je voulais dire que j’avais étudié à l’université même si j’avais la capacité de faire mon chemin par moi-même », confie-t-il.

Et effectivement, le côté purement théorique, académique, n’a visiblement pas beaucoup d’intérêt pour lui. alors il essaie de transformer tous ses travaux en expérience pratique et entrepreneuriale. 

« Pour tous mes projets, j’allais voir les profs pour leur demander si je pouvais travailler avec une vraie entreprise plutôt que sur le cas abstrait assigné, dit David Nault. Les profs aimaient ça, et à la fin, on aidait une véritable entreprise à résoudre de vrais problèmes. »

Son attitude entrepreneuriale est d’ailleurs la même, lors de sa dernière année d’études, en 1994, quand il se trouve un emploi en comptabilité chez RCS. C’est là qu’il développera son amour pour le secteur de la technologie.

 

Un employé entreprenant

RCS était une société d’effets visuels. Elle a notamment travaillé sur la franchise Jurassic Park. 

« L’entreprise n’avait par contre pas beaucoup d’argent », se souvient David Nault. Constatant que celle-ci avait néanmoins un fort potentiel de croissance, il parle aux fondateurs pour les convaincre de le laisser les aider.

« Ils connaissaient davantage la techno que la business, alors j’ai écrit leur plan d’affaires et j’ai approché un investisseur en capital de risque », raconte David Nault. 

C’est à travers cette expérience qu’il a développé son amour pour la technologie. « Je n’étais programmeur, ou quelque chose du genre, alors ce qui me passionnait n’était pas son fonctionnement autant que ce qu’elle pouvait faire pour un client, et les revenus qu’elle pouvait générer, dit David Nault. Et c’est ça qui m’allume encore aujourd’hui. »

 

D’un poste à l’autre

Après RCS, David Nault a été attiré chez NetCorp. C’est l’investisseur qu’il avait courtisé chez RCS, Daniel Lambert, qui l’a repêché pour l’intégrer dans l’équipe de NetCorp, une entreprise qui était dans son portefeuille.

David Nault a d’abord été vice-président de l’entreprise, qui développait la vidéoconférence et la Voix sur IP (VoIP), avant d’être nommé président. Au total, il y est resté de 1995 à 2001. Il est ensuite passé chez Nuvei (NVEI, 42,23$), qui s’appelait à l’époque Paiements Pivotal, où il a travaillé pendant cinq ans comme directeur du marketing, du développement d’affaires et des partenariats. 

Entre 2006 et 2012, il occupe deux postes consécutifs chez Callio Technologies et 180 Degree Management. Dans le premier cas, il aide à restructurer et vendre l’entreprise, alors que dans le second, il aide les entrepreneurs à faire croître leur entreprise.

« C’est peu après que Chris Arsenault, associé directeur à iNovia Capital, m’a dit « Tu as de l’expérience en tant qu’entrepreneur, tu as vu c’est quoi d’obtenir un financement en capital, et tu sais gérer une entreprise. Viens avec nous comme VC [investisseur en capital de risque]. » »

Il a d’abord hésité, car il se voyait davantage comme un entrepreneur qu’un investisseur. Il s’est donc joint à iNovia comme entrepreneur en résidence, l’idée étant qu’il lance éventuellement une entreprise dans laquelle iNovia aurait l’option d’investir. 

Le moment n’est jamais vu.

« J’ai réalisé que j’avais le vécu et l’expérience pour être un bon investisseur, dit David Nault. Chris m’a pris sous son aile, et après réflexion, je suis tombé en amour avec le capital de risque. J’ai fait de l’investissement mon prochain défi. »

 

Lancement de Luge Capital

David Nault est resté chez iNovia pendant six ans, de 2012 à 2018. Mais comme un sauteur à la perche qui bat un record, il a rapidement commencé à penser à relever la barre.

« Comme un athlète, je me cherche toujours un nouveau défi, dit-il. La prochaine étape était donc naturellement de partir mon propre fonds. »

Au printemps 2018, il a donc lancé Luge Capital avec Karim Gillani. « Il est ingénieur informatique, alors il amène une compréhension de l’aspect technique de la technologie. Pour ma part, j’amène mon expérience en ventes et en marketing, explique-t-il. On se complète. »

Luge Capital se spécialise dans la fintech. David Nault estime qu’il s’agit d’un créneau qui n’était pas suffisamment exploité au Québec ni au pays dans son ensemble, d’ailleurs.

Le fonds est aussi relativement singulier, puisque les sept investisseurs de la société – qui ont ensemble contribué au montant sous gestion de 85 M$ – sont toutes des institutions financières : Beneva, iA Groupe financier, Financière Sun Life, Desjardins, la Banque de développement du Canada (BDC), la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ.

« La raison pour laquelle ils ont investi chez Luge, c’est qu’ils veulent être proches de l’innovation et des sociétés dans notre portefeuille. C’est stratégique pour elles, car les sociétés en portefeuille pourraient éventuellement devenir des partenaires ou des clients », explique David Nault. La moitié des vingt entreprises en portefeuille a d’ailleurs déjà des partenariats avec ces investisseurs.

Une situation qui amène aussi de la valeur ajoutée au fonds, puisque ces institutions financières partagent leurs besoins et leur perspective de l’industrie, ce qui contribue, estime le fondateur, à un meilleur développement des jeunes pousses en portefeuille.

 

Un autre défi?

Quatre ans après la fondation de Luge Capital, David Nault prépare-t-il son prochain défi?

S’il répond par l’affirmative, il n’a toutefois pas l’intention, pour l’instant, de quitter le fonds qu’il a lancé.

Il veut d’abord, à travers Luge, aider à développer l’écosystème fintech au Québec. « Beaucoup de sociétés sont parties à Toronto dans les dernières années, observe-t-il. Nous, on veut solidifier l’écosystème ici, et également préparer la prochaine génération d’entrepreneurs. »

En ce qui a trait à son fonds, Luge, David Nault veut préparer la relève, et se fixe deux défis pour les dix années à venir.

Le premier est de développer des innovations pour les institutions financières du Québec. « On veut les aider à se moderniser, à être à jour dans leur offre de service. Elles doivent être plus compétitives pour mieux servir les clients », dit David Nault. 

Le second défi, et le plus ambitieux, est de faire de Luge « le » premier investisseur de choix des compagnies de fintech en Amérique du Nord. 

« Comme un athlète, on vise le podium. »