ANALYSE. Après avoir rebondi de 69 % en huit mois, le titre de Dollarama (DOL, 46,52 $) replie un peu l'échine...
ANALYSE. Après avoir rebondi de 69 % en huit mois, le titre de Dollarama (DOL, 46,52 $) replie un peu l’échine. Il faut dire que l’évaluation du titre est revenue à 27,6 fois le bénéfice prévu dans 12 mois, par rapport à la moyenne de 24 fois depuis sept ans.
C’est une démonstration que les investisseurs affectionnent les modèles d’affaires résilients pour se protéger d’un éventuel ralentissement économique. «Il ne fait aucun doute que Dollarama résisterait mieux que d’autres en Bourse à une récession, mais au cours actuel, ça reste un choix prudent chèrement payé», a confié un analyste sous le couvert de l’anonymat.
L’évaluation élevée reprend de l’importance parce que le détaillant adapte encore sa politique multiprix et sa mise en marché en magasin à la concurrence plus corsée que lui servent les Walmart (WMT, 120,08 $ US) et Canadian Tire (CTC.A, 144,18 $) de ce monde, au moment où la guerre commerciale nuit à l’offre de nouveaux produits attirants par les fabricants chinois.
Lutte des prix plus durable
Il est possible que l’incapacité de Dollarama de relever ses prix au-delà de 4 $ ne soit pas un phénomène passager, évoque Keith Howlett, de Desjardins Marchés des capitaux dans une note récente. Walmart et Canadian Tire offrent plus d’articles qu’avant à des prix équivalents à ceux de Dollarama.
Au printemps, la direction avait cité la décision de ces rivaux de ne pas refiler aux consommateurs la hausse de leurs coûts pour renoncer à l’offre prévue d’articles à plus de 4 $ dans ses magasins. Dollarama avait réagi avec une offre plus visible de produits de 1 $ à 1,25 $ dans chacune des catégories, une stratégie qui avait redonné un élan aux ventes par magasins comparables, sans trop nuire aux marges.
Par contre, au deuxième trimestre, la proportion des marchandises vendues à plus de 1,25 $ est passée à un sommet de 72 %, un sommet.
Selon M. Howlett, cela indique que le retour des plus bas prix dans certaines catégories de produit n’a pas accru suffisamment le «taux de roulement» des marchandises dont Dollarama a besoin pour compenser la baisse des marges. L’analyste de Desjardins surveille donc de près les prochains trimestres pour établir comment le commerçant compte moduler sa politique de prix pour préserver sa «proposition de valeur» et son profil de croissance «structurelle».
Pendant longtemps, le modèle du marchand reposait sur une offre unique de produits à bas prix, sans avoir recours à la publicité, aux circulaires ou à d’autres outils de marketing. Cette stratégie a alimenté de bonnes ventes par magasins comparables et de solides profits. Par la suite, Dollarama y a greffé l’ajout progressif d’articles à prix plus élevés. Le commerçant s’est donc retrouvé en concurrence plus directe avec les détaillants traditionnels qui, aujourd’hui, offrent plus d’articles à très bas prix et bonifient leur offre d’articles pour les fêtes.
M. Howlett se demande si les concurrents tentent délibérément de freiner l’incursion de Dollarama dans leur talle. Un nouveau magasin Walmart à Toronto, par exemple, consacre plus d’espace à la section Party Shop dédiée aux articles pour les anniversaires. Canadian Tire veut doubler les ventes de Party City Canada d’ici 2021.
Heureusement, Dollarama dispose de nouveaux outils analytiques pour adapter son modèle au nouvel environnement concurrentiel, croit M. Howlett. Malgré tout, un profil de croissance plus incertain qu’avant justifie une recommandation «neutre», au cours actuel.
Son action s’échange à un multiple de 27 fois sa prévision de bénéfices de 1,77 $ pour 2020. Ce n’est plus 33 fois, mais un «tel multiple n’est pas bon marché si, par exemple, la croissance annuelle venait à se modérer à 8 % pour de bon», illustre-t-il.
Des dirigeants très prudents
Pour sa part, Karen Short, de Barclays, s’est dite surprise par la prudence de deux hauts dirigeants lors d’une rencontre organisée à New York. «Nous aurions aimé nous montrer plus enthousiastes par rapport au titre de Dollarama. Nous ne sommes pas du tout réticents à recommander des titres plus chèrement évalués, mais le chef de la direction financière Michael Ross et le trésorier Jean-Philippe Durivage-Lachance ont tout fait pour rester prudents dans leurs commentaires», écrit-elle.
Les deux cadres ont modéré les attentes tant à l’égard de l’ajout éventuel d’articles de 4,50 $ à 5 $ qu’envers la capacité à refiler l’inflation aux prix de vente, l’amélioration de la marge brute et les autres gains de productivité, renchérit-elle.
Les dirigeants de Dollarama s’attendent à ce que Walmart Canada devienne encore plus déterminée dans sa politique de prix pour renverser le déclin de 1,7 % de la fréquentation des magasins, au deuxième trimestre.
Avec un nouveau PDG à la tête de Walmart Canada, «nous croyons que Dollarama a raison de vouloir avant tout protéger ses parts de marchés», ajoute l’analyste de Barclays.
Le détaillant augmente son assortiment, notamment dans les articles saisonniers, pour stimuler ses ventes comparables.
L’ajout de paniers près des caisses dans deux tiers des magasins vise aussi à accroître les achats impulsifs. Cette stratégie gonfle les profits bruts en dollars, mais rétrécit les marges.
La hausse des ventes comparables ne retrouvera pas le rythme de 4 % à 6 % d’avant 2019 si ses concurrents ne lui laissent pas l’espace pour augmenter ses prix, ajoute Mme Short. Après la rencontre, l’analyste a conservé son cours cible de 48 $ et sa recommandation «neutre».
Les analystes ne sont pas tous aussi pointilleux. Irene Nattel, de RBC Marchés des Capitaux, a haussé son cours cible de 53 $ à 56 $ le 12 septembre. À ses yeux Dollarama restera première de classe dans son industrie. La croissance se modère et la marge brute rétrécit à court terme, mais ces deux repères devraient retrouver leur erre d’aller en 2021. Les coûts de logistique augmentent à cause de la transition au nouveau centre de distribution, mais devraient aussi se rétablir en 2021.
Mme Nattel prévoit une hausse de 7 % du bénéfice à 1,79 $ par action en 2020, un rebond de 20,6 % à 2,16 $ en 2020, suivi par une progression de 15 % à 2,49 $ en 2022. Ses projections pour 2022 reposent sur l’ouverture de 70 magasins, la hausse prévue de 4 % des ventes par magasins comparables, l’amélioration de 30 points de pourcentage à 30,8 % de la marge d’exploitation, l’augmentation du bénéfice d’exploitation par magasin (de 888 600 $ en 2020 à 981 000 $ en 2022) et le rachat de 5 % des actions.