Finances personnelles: le virus force à planifier à long terme
La Presse Canadienne|Publié le 12 mai 2020La durée de cette gueule de bois économique n’est connue de personne, mais elle ne sera pas courte.
Le choc économique initial de la crise de la COVID-19 pourrait commencer à s’atténuer alors que les provinces entament leur déconfinement, mais des experts estiment qu’il est important, pour les plus endettés, de penser à plus long terme, puisqu’il reste encore beaucoup d’inconnu quant à la durée des effets de la pandémie.
La durée de cette gueule de bois économique n’est connue de personne, mais elle ne sera pas courte. La première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Wilkins, a affirmé la semaine dernière que la banque centrale s’attendait à une contraction d’entre 15 % et 30 % pour le deuxième trimestre de l’année, par rapport à la fin de 2019. En outre, la banque n’a pas publié de prévisions , car de trop nombreux facteurs restent incertains.
« Même dans le meilleur des cas, la perte de production ne sera compensée que graduellement avec la levée des mesures contre la propagation du virus, le retour des gens au travail et l’augmentation de la production », a affirmé Mme Wilkins.
La gestion d’un budget et de l’endettement à long terme est essentielle même pour les gens aux prises avec des difficultés immédiates, a expliqué Doug Hoyes, syndic autorisé en insolvabilité et cofondateur de Hoyes, Michalos & Associates.
« Une situation urgente est celle pour laquelle il faut agir aujourd’hui, mais il faudrait également réfléchir à la façon dont on pourra s’en remettre une fois que la crise sera passée. »
Même avant la crise, l’endettement des ménages canadiens était près de niveaux record et la Banque du Canada l’avait identifié comme un risque clé pour l’économie. Le ralentissement de l’économie attribuable à la pandémie n’a fait qu’augmenter la pression sur les budgets des ménages, alors que les pertes d’emplois s’accumulent et que le pays s’enfonce dans une récession.
Une grande partie de cela consiste à être proactif avec les factures ou les dettes qui n’ont pas été payées, ou les créanciers qui n’ont pas encore été contactés, ou ceux qui ont peut-être été remboursés jusqu’à présent, mais pour lesquels il pourrait être difficile de continuer à le faire à l’avenir.
« Je crois fermement qu’il faut parler au téléphone à son propriétaire, à sa société de carte de crédit, à propos de son véhicule automobile, de son prêt, de son hypothèque, peu importe, parce que tout le monde comprend ce qui se passe », a estimé M. Hoyes. « Ne rien faire serait une grosse erreur. »
Avant de contacter les créanciers et les autres personnes à qui des sommes sont dues, il faut penser à sa situation à court ou à long terme — sera-t-il possible de gérer les paiements différés lorsqu’ils arriveront à échéance? Peut-être faudrait-il réfléchir aux paiements qui pourraient ne pas avoir de sens.
Dans l’ensemble, pour les créanciers, c’est une bonne idée d’essayer de répartir ce qu’il est possible de payer en évitant de se placer dans une situation trop précaire, a-t-il souligné. « Il est préférable que tous les créanciers soient frustrés de façon égale. »
M. Hoyes recommande également d’ouvrir un nouveau compte dans une nouvelle banque, puisque lorsque des sommes d’argent sont dues à l’institution financière où l’argent est conservé, celle-ci peut le retirer directement de ces comptes.
Et bien sûr, il est important de mettre fin aux dépenses non essentielles.
« Je crois que plusieurs d’entre nous seront plus frugaux à l’avenir. Nous serons plus susceptibles de cuisiner à la maison et, vous savez, trouver des moyens de nous divertir qui ne coûtent pas autant d’argent », a-t-il estimé.
Se méfier des emprunts
Bien que le stress financier soit immédiat, il y a un peu de répit quant aux conséquences puisque les évictions, les dépôts de bilan et les tribunaux sont en grande partie suspendus.
Cela signifie que les personnes aux prises avec de graves problèmes n’ont pas encore à se soucier du dépôt de propositions de créancier ou de la faillite, mais qu’elles doivent commencer à réfléchir à des options ou à en parler à des experts si elles se sentent coincées.
Comme les effets économiques de l’épidémie ne sont pas encore clairs, il est également important pour ceux qui n’ont pas encore été touchés financièrement de se préparer, a observé Michelle Pommells, chef de la direction de Conseil en crédit du Canada.
« Pour les personnes chanceuses dont l’emploi n’a pas été directement affecté par la COVID-19, mais qui ont un problème d’endettement, ce serait le moment de développer une stratégie pour s’occuper de cela. »
Mme Pommells recommande de se méfier de la tentation des taux d’intérêt bas et des emprunts, particulièrement en l’absence d’un plan financier pour sortir de l’endettement. Au final, les prêts sur salaire entraîneront plus de maux de tête.
Adopter une vision à plus long terme est un défi, en particulier lorsque plusieurs se trouvent déjà dans une situation financière aussi fragile, mais réfléchir en vue d’une période de plusieurs mois peut entraîner des résultats très différents, a ajouté Mme Pommells.
« Je sais que c’est très difficile à faire quand on s’en sort, en quelque sorte, d’un mois à l’autre (…), mais il faut prendre du recul autant que possible et penser un peu plus à long terme parce que les décisions prises à court terme auront une incidence sur l’évolution de la situation dans six mois. »
Dans l’ensemble, il est important de garder à l’esprit qu’on détient un certain contrôle et qu’on peut faire certains choix sur la voie à suivre et qu’on n’est pas contraint de prendre certaines décisions, a souligné M. Hoyes.