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FNB géré activement: on plonge?

Sophie Stival|Édition de la mi‑novembre 2020

Le marché des FNB à gestion active est en pleine ébullition, et des firmes comme Placements Mackenzie, Placements...

Le marché des FNB à gestion active est en pleine ébullition, et des firmes comme Placements Mackenzie, Placements CI et plus récemment Guardian Capital ont ajouté à leur ligne de fonds communs de placement traditionnels des FNB à gestion active. Ces solutions sont-elles avantageuses pour l’investisseur ?

Les FNB purement passifs dominent encore les deux tiers du marché des FNB en actions. Les plus gros acteurs, que sont RBC iShares, BMO et Vanguard Canada, couvrent tous les grands indices. «Il n’est donc pas étonnant de voir des sociétés de fonds communs, des assureurs ou des gestionnaires d’actifs spécialisés tenter de tirer leur épingle du jeu en lançant des produits distinctifs ayant une méthodologie maison», indique Daniel Straus, chef de la recherche et de la stratégie FNB à Financière Banque Nationale. Plusieurs de ces FNB ressemblent carrément à de petits fonds de couverture (hedges funds), mais sont accessibles à tous les investisseurs.

Il est bien important de définir ce qu’on entend par gestion active, nuance Daniel Straus. Le spectre est relativement large et dépasse la gestion active pure liée au talent d’un gestionnaire discrétionnaire choisissant des titres individuels sans égard à un indice de référence. «Tout indice qui n’est pas basé sur la capitalisation boursière des titres qui le composent ne peut être considéré comme de la gestion passive indicielle pure. Il y a d’une manière ou d’une autre une stratégie sous-jacente», croit le chercheur de Financière Banque Nationale.

Par ailleurs, beaucoup de gestionnaires vont tenter de battre ou de répliquer des indices complexes à comprendre pour les investisseurs. «Il existe plusieurs zones grises entourant la gestion passive et la gestion active. Un indice construit selon un modèle quantitatif strict pourrait donc ajouter à son processus de sélection de titres une intervention humaine en s’adjoignant des analystes qui émettront des avis sur le choix de ces titres», explique Daniel Straus. Ce dernier donne l’exemple du FNB des entreprises familiales canadiennes (NFAM) géré par Banque Nationale Investissements. L’indice boursier qu’il reproduit est lié au rendement des actions d’entreprises familiales. Il a donc fallu déterminer quel pourcentage était approprié en matière de participation directe des membres de la famille afin d’entrer dans l’indice. Trouver cette information nécessite des recherches approfondies. On est alors bien loin de la simple réplication d’un indice comme le S&P 500.

 

Des mises en garde

Il va sans dire que les FNB en gestion active sont aussi plus coûteux. Après tout, on nous vend l’idée qu’on performera mieux que le marché dans son ensemble. Cette surperformance liée à la gestion active, appelée «alpha» dans le jargon financier, est un couteau à double tranchant puisqu’on pourrait très bien sous-performer le marché ou l’indice de référence. Les rapports SPIVA (pour S&P Indices Versus Active) montrent, bon an, mal an, que les gestionnaires actifs peinent à battre les indices après les frais de gestion. «Il y a également un problème de persistance. Ce ne sont pas toujours les mêmes qui ont de bons rendements», estime Guy Lalonde, conseiller en placement à Financière Banque Nationale.

«Lorsqu’on construit son portefeuille, on souhaite avant tout contrôler les coûts, et la meilleure façon d’y parvenir sera de miser sur des FNB passifs dans toutes les grandes catégories d’actifs, ajoute Daniel Straus. En ayant un portefeuille bien diversifié, on augmente considérablement nos chances de succès. On peut ensuite l’enrichir d’un volet stratégique avec des placements satellites ayant un mandat plus actif.»

Alors qu’un fonds indiciel révèle généralement l’ensemble de ses positions sur une base quotidienne, les fonds gérés activement le font plus rarement, ce qui soulève une question de transparence. «Seules les principales positions sont divulguées et la transparence est plus similaire à un fonds commun de placement. Le gestionnaire actif ne veut pas nécessairement révéler à ses concurrents ses stratégies», précise Mark Raes, chef des produits à BMO Gestion mondiale d’actifs.

 

Et l’investissement factoriel?

Avant de choisir un FNB en gestion active, il faut donc se renseigner sur les coûts, mais également bien comprendre la méthodologie d’investissement. Une catégorie qui gagne de plus en plus d’adeptes est celle des FNB factoriels ou à bêta judicieux. On souhaite profiter d’anomalies ou de facteurs qui vont générer un rendement ajusté au risque intéressant. Ces principaux facteurs sont : la valeur, le momentum, la qualité, les petites capitalisations, les dividendes élevés et la faible volatilité. Des recherches universitaires ont démontré que certains facteurs peuvent surperformer sur de longues périodes les indices de marché. Ces FNB factoriels sont aussi populaires, car ils coûtent moins cher qu’un fonds ayant une approche purement active.

Plusieurs gestionnaires, comme BMO Gestion mondiale d’actifs, proposent des stratégies de rotation factorielle afin de sélectionner les bons facteurs au bon moment du cycle économique. Ainsi, il pourrait être avisé d’opter pour un FNB à faible volatilité si on croit que la fin du cycle économique est proche et que les marchés boursiers sont chers, comme ce fut le cas en 2019.

«En choisissant explicitement de réduire le risque du portefeuille en optant pour une stratégie de faible volatilité, on peut s’exposer à d’autres types de risques, comme celui d’être concentré dans certains secteurs, parfois plus sensibles aux mouvements de taux d’intérêt. On veut donc évaluer l’efficacité de nos stratégies dans un marché haussier ou baissier», rappelle Daniel Straus.

On se méfie également d’une stratégie active qui se colle trop à un indice. En d’autres mots, la stratégie du FNB devrait diverger suffisamment d’un FNB à faible coût et reproduisant un indice global. Il serait peu avisé de payer trop pour un produit qui réplique pratiquement le marché alors qu’on peut se procurer, par exemple dans le cas du marché américain, le Vanguard Total Stock market ETF (VTI), dont le ratio de frais de gestion est de 0,03 % et ainsi détenir quelque 3 500 titres.

 

Le revenu fixe, classe à part?

Plusieurs arguments militent en faveur d’une gestion active pour le marché obligataire. D’abord, le revenu fixe est un marché hors cote (qui n’est pas coté en Bourse) relativement opaque. «Beaucoup de participants dans ce marché achètent des titres parce qu’ils y sont obligés. Ils sont agnostiques au rendement et cela rend certains de ces titres très chers», observe Daniel Straus. Pensons aux exigences de capital réglementaire pour les institutions financières ou encore, pour des raisons d’appariement, des passifs par un fonds de pension ou une compagnie d’assurance. Même les banques centrales ont des programmes de rachat d’obligations imposants afin d’injecter de la liquidité dans les marchés, comme on a vu au printemps.

Un gestionnaire actif évitera d’acheter ces obligations coûteuses et se tournera du côté des titres de crédit, comme les obligations de société. Il faudra alors une certaine expertise pour évaluer les écarts de crédit et la courbe de rendement afin d’ajouter de la valeur au portefeuille. «Il est aussi plus difficile de se distinguer dans le marché obligataire, remarque Mark Raes. On doit être réellement actif en bougeant la durée de son portefeuille et l’exposition au risque de crédit. Dans le cas des actions, il suffit de choisir quelques titres et d’être concentré pour se différencier des autres. L’investisseur doit donc s’assurer que le coût de cette gestion active offre une vraie valeur ajoutée.»

Les inconditionnels de la gestion passive vont s’en tenir à des FNB indiciels moins chers, comme des obligations à taux fixe, à taux variable, des obligations de qualité (investment grade), à rendement élevé, à rendement réel, de pays émergents et même, parfois, des actions privilégiées. C’est le cas de Guy Lalonde. «Je n’essaie pas de choisir le meilleur gestionnaire dans chacune des grandes catégories d’actifs ou des catégories de revenu fixe. Je souhaite plutôt profiter des faibles corrélations entre ces catégories d’actifs», souligne le conseiller en placement.