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Il faut se préparer à une augmentation des taux d’intérêt

Mathieu D'Anjou|Édition de la mi‑octobre 2021

Il faut se préparer à une augmentation des taux d’intérêt

Sources : Statistique Canada, Bureau of Labor Statistics et Desjardins, Études économiques

SIGNAUX FORTS. La reprise de l’activité économique a dépassé toutes les attentes après le choc initial causé l’an dernier par la pandémie de COVID-19. Ce rebond économique s’accompagne toutefois d’une poussée de l’inflation qui force les banques centrales à revoir leur plan et laisse maintenant entrevoir une remontée généralisée des taux d’intérêt.

À l’amorce de la pandémie, les banques centrales, la Réserve fédérale en tête, ont joué un rôle essentiel pour limiter les conséquences négatives de la crise. Non seulement elles ont baissé leurs taux directeurs au niveau plancher, mais elles ont injecté massivement des liquidités dans les marchés financiers et même accepté d’acheter des titres relativement risqués pour assurer le bon fonctionnement des marchés et éviter une crise similaire à celle de 2008. Une fois les investisseurs rassurés, le maintien de conditions financières très favorables était vu comme essentiel par les banques centrales pour assurer une reprise vigoureuse de l’économie et limiter les risques baissiers sur l’inflation. Craignant une lente reprise comme celle qui a suivi la crise financière, les banques centrales se sont ainsi engagées à poursuivre longtemps leurs achats d’actifs et à ne pas remonter leurs taux directeurs tant que la reprise économique ne serait pas assurée.

L’engagement ferme des banques centrales à maintenir des conditions financières très favorables, combiné au soutien sans précédent des politiques budgétaires, a grandement appuyé le rebond de l’activité économique et a permis aux marchés financiers de traverser presque sans broncher les vagues subséquentes de la crise sanitaire. Ces facteurs ont aussi beaucoup aidé les entreprises et les ménages. Les actions des banques centrales et des gouvernements ont été tellement efficaces que les craintes de dépression économique ont rapidement disparu pour faire graduellement place à des craintes de surchauffe. L’inflation canadienne a ainsi bondi à 4,1 % en août, un sommet depuis 2003, alors que l’inflation américaine dépasse 5 %.

Cette poussée de l’inflation reflète en bonne partie des facteurs temporaires qui devraient progressivement s’estomper au cours des prochains trimestres. Toutefois, le déséquilibre entre une demande très forte, gonflée par les taux d’intérêt très faibles et l’épargne accumulée par les ménages depuis l’éclosion de la pandémie, et une offre limitée par la pénurie de main-d’œuvre et d’autres importantes contraintes de production augmente les risques d’une hausse plus durable de l’inflation. L’augmentation spectaculaire des prix des actifs financiers et immobiliers a également ramené à l’avant-plan des préoccupations concernant la stabilité financière.

Maintenant que la reprise économique est bien avancée et que les risques inflationnistes ont pris le dessus, il est tout à fait normal que les banques centrales amorcent une normalisation de leur politique monétaire. Les ménages et les entreprises doivent ainsi réaliser que les taux d’intérêt extrêmement faibles dont ils ont pu profiter au cours des derniers trimestres sont appelés à remonter graduel-lement vers les niveaux observés avant la pandémie, voire un peu plus haut si les pressions haussières sur l’inflation se montrent plus persistantes.

 

EXPERT INVITÉ
Mathieu D’Anjou
, CFA, est économiste en chef adjoint aux Études économiques du Mouvement Desjardins.