Innergex possède des participations dans 32 parcs éoliens. (Photo: 123RF)
PLAN DE MATCH. À l’heure actuelle, Innergex possède des participations dans 40 centrales hydroélectriques, 32 parcs éoliens et sept parcs solaires. Au fil des dernières années, l’entreprise basée à Longueuil s’est affairée à développer son portefeuille d’actifs. Ainsi, de 1576 mégawatts (MW) de puissance installée brute en 2016, elle est passée aujourd’hui à 3801 MW [voir graphique].
«Et d’ici 2025, on vise à avoir 5555 MW de capacité», dit Michel Letellier, PDG d’Innergex. Comment y arriver?
Jusqu’ici, la croissance de capacité de l’entreprise s’est réalisée par le développement et l’acquisition d’un certain nombre de sites de production un peu partout dans le monde. Par rapport à 2016, elle a par exemple ajouté 11 centrales hydroélectriques, 15 parcs éoliens et 6 parcs solaires à son portefeuille. C’est d’ailleurs ce dernier secteur, la production d’énergie solaire, qui a crû le plus vite dans la puissance installée brute d’Innergex : de 1,7 % de la capacité totale de l’entreprise en 2016, la puissance installée d’énergie solaire est passée à 15,7 % cette année.
«Ça fait 31 ans qu’on est dans l’énergie renouvelable, dit Michel Letellier. On a commencé avec de l’hydroélectricité, puis on a ajouté l’éolien et le solaire. Aujourd’hui, on a même du solaire thermique et on installe du stockage sur batterie. Là, on veut déployer l’hydrogène vert.»
L’hydrogène à l’horizon
Innergex est actuellement en pourparlers avec des fournisseurs d’électrolyseurs en vue d’acquérir un tel appareil, qui permet de produire de l’hydrogène. L’entreprise a déjà quelques projets préliminaires à l’étude. Elle aimerait d’ailleurs déployer rapidement un premier projet pour se familiariser avec le cycle de production, de fourniture, de développement et d’obtention des permis spécifiques à ce type de production d’énergie.
«C’est un secteur de notre activité qui va croître assez rapidement, explique Michel Letellier. On n’atteindra pas la vitesse grand V demain, mais c’est un secteur d’avenir et on veut y être présent.»
Questionné au sujet de l’échéancier plus précis du déploiement de ce type d’énergie, le PDG note que la demande augmente pour ce type de processus industriel. Il explique que la conception et la fourniture d’un électrolyseur peuvent à elles seules prendre de 13 à 24 mois. Au-delà de cela, il faut également compter plusieurs mois pour l’obtention des permis requis et la négociation d’ententes d’achat et de vente.
«Je dirais qu’il faut prévoir un horizon de deux ou trois ans avant qu’Innergex puisse potentiellement lancer sa production d’hydrogène, estime Michel Letellier. Même si on commandait un électrolyseur dès le début de 2022, c’est le plus tôt qui pourrait être envisagé.»
Ce premier électrolyseur aurait une capacité de 5 MW, mais Innergex souhaite développer d’autres possibilités et vise une capacité d’approvisionnement en hydrogène vert de 200 MW d’ici 2025.
Alliance avec Hydro-Québec
Pour soutenir sa croissance, Innergex compte également sur son alliance stratégique avec Hydro-Québec. Formée en février 2020, cette alliance prévoit que les deux sociétés vont explorer ensemble, et exclusivement, des occasions d’investissement dans des secteurs ciblés hors du Québec pour une période de trois ans.
Plusieurs possibilités ont été évaluées au cours de la première année de cette alliance. Ce n’est toutefois que le 21 octobre dernier que les deux sociétés ont annoncé leur première acquisition conjointe. Il s’agissait de celle du portefeuille d’actifs hydroélectriques de 60 MW de Curtis Palmer — deux centrales hydroélectriques au fil de l’eau — dans l’État de New York. D’autres occasions d’investissement sont présentement à l’étude.
Grâce à cette alliance, les deux entreprises visent à réduire les coûts et les efforts liés à la réalisation d’une acquisition, en partageant leur expertise, en plus d’en réduire le risque, explique Michel Letellier.
«Innergex est une moyenne entreprise privée, agile, flexible, réactive et près de ses projets. Hydro-Québec, elle, est une grande entreprise avec des connaissances et une capacité d’innovation incroyables. Cette collaboration nous permettra de développer de nouveaux vecteurs de croissance.»
Le PDG explique que l’acquisition de Curtis Palmer est un bel exemple des avantages liés à sa collaboration avec la société d’État. «On fait une équipe du tonnerre. Innergex a plusieurs petites centrales et on est experts pour les opérer efficacement et les entretenir à faible coût. Hydro-Québec est toutefois moins spécialisée dans ce domaine.»
La société d’État, par contre, est mieux positionnée pour valoriser la valeur économique de l’énergie dans un marché ouvert comme celui de New York, note Michel Letellier. «Hydro-Québec est en relation directe avec la ville de New York pour les contrats à long terme, dit-il. Ils vont nous aider à maximiser la valeur de l’électricité produite dans l’État de New York. C’est vraiment un partenariat gagnant-gagnant.»
Croissance internationale
Au troisième trimestre de 2021, les revenus d’Innergex étaient en hausse de 13 %, à 184,6 millions de dollars (M $), comparativement au même trimestre l’année précédente. En 2020, les revenus avaient également connu une croissance, passant à 613,2 M $ alors qu’ils étaient de 557,0 M $ en 2019.
Quant au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (le BAIIA ajusté), il a également connu une hausse entre 2019 et 2020, passant de 516,9 M $ à 560,3 M $, de même qu’entre les troisièmes trimestres de 2020 et de 2021, passant de 151,4 M $ à 155,9 M $.
Qu’en est-il de la croissance à venir?
Innergex s’attend à ce que son bénéfice augmente à un taux de croissance annuelle composé d’environ 9 % d’ici 2025, pour s’établir à 870 M $.
C’est que plusieurs projets devraient démarrer au cours des prochaines années. Quatre installations solaires, par exemple, devraient être mises en service à Hawaï entre 2022 et 2023, pour une puissance installée brute totale de 80 MW.
Déjà très active à l’international [voir graphique], l’entreprise désire d’ailleurs maintenant établir les États-Unis comme son marché principal, et prendre également de l’expansion au Canada, au Chili, et en France.
« Cela ne veut pas dire que l’on ne pourrait pas s’étendre ailleurs en Europe, par exemple autour de la France, où nous focalisons beaucoup d’efforts, mais pour l’instant, ce sont ces régions particulières qui nous occupent », précise Michel Letellier.
L’entreprise s’attend plus spécifiquement à aller chercher 50 % de sa croissance aux États-Unis, 20 % en France, 20 % au Chili et 10 % au Canada.
Investissement responsable
Dans la foulée de la COP26, Innergex aimerait profiter de la mouvance de l’investissement responsable.
«C’est un sujet qui me tient beaucoup à coeur ; on doit se rappeler de l’importance des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)», dit Michel Letellier. Il note cependant que la popularité des critères ESG entraîne avec elle un risque associé d’écoblanchiment qui peut à son avis désavantager des entreprises comme la sienne. Il raconte par exemple avoir souvent rempli des questionnaires pour des agences de notation, qui évaluent les entreprises quant à leur respect de ces critères, et avoir été «découragé» par les méthodes utilisées.
«On nous demandait, par exemple, ce que l’on allait faire pour réduire nos émissions de C02. Sauf qu’on n’en émet pratiquement pas ! C’est terrible de penser qu’une entreprise comme Suncor, qui avait une cible de réduction de 10 %, avait une note de 4/5, alors que nous, on avait 0/5», dit le PDG. Il dit espérer que les autorités financières mettront de l’ordre dans ces méthodes.
«Ça va faire en sorte que les entreprises qui sont réellement engagées envers les énergies renouvelables, comme nous, soient reconnues à la hauteur de leur contribution.»