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La nouvelle utilité du dividende

Richard Guay|Édition de la mi‑février 2019

CHRONIQUE. L'anticipation des rendements des marchés boursiers et obligataires joue un rôle déterminant dans...

CHRONIQUE. L’anticipation des rendements des marchés boursiers et obligataires joue un rôle déterminant dans la répartition de l’actif d’un portefeuille diversifié. Prévoir correctement si le rendement du marché boursier sera supérieur ou inférieur à celui du marché obligataire permettra d’effectuer une meilleure répartition de l’actif, ce qui bonifiera la performance de votre portefeuille.

L’année 2018 fournit un bon exemple du phénomène. Avec le recul des marchés boursiers au dernier semestre de 2018, les portefeuilles qui ont affiché la meilleure performance sont ceux qui avaient une faible pondération en actions. Ceux qui avaient une forte pondération en obligations ont mieux performé. Par contre, au deuxième trimestre de 2018, c’était l’inverse. Les marchés boursiers ont été favorables et les portefeuilles affichant les meilleurs rendements ont été ceux avec une forte pondération en actions et une faible pondération en obligations. Le choix d’actions ou d’obligations par un gestionnaire a généralement beaucoup moins d’impact sur le rendement global. La répartition de l’actif fait plus souvent foi de tout.

Malheureusement, prévoir le rendement des obligations, et surtout celui des marchés boursiers, est très hasardeux. C’est bien connu.

Le prochain numéro du Journal of Portfolio Management propose cependant une stratégie simple et qui semble robuste pour modifier judicieusement votre répartition de l’actif. Il s’agit d’augmenter le poids des actions lorsque les rendements en dividende sur celles-ci ont augmenté par rapport au rendement à l’échéance des obligations. Et, inversement, de réduire le poids des actions lorsque le rendement en dividende a baissé dans la dernière année par rapport au rendement à l’échéance des obligations.

Le rendement en dividende des actions est en quelque sorte la partie du rendement prévue sur les actions qui repose sur le simple passage du temps. Par exemple, si vous achetez une action au prix de 100 $ et que le dividende prévu pour l’année est de 4 $, votre rendement en dividende sera alors de 4 % à la fin de l’année. Cette portion du rendement de l’action est facile à prévoir puisque les dividendes sont d’ordinaire assez stables. Évidemment, le rendement total de l’action sera aussi influencé par l’évolution du prix de l’action.

Justement, si le prix de l’action baisse à 80 $ dans l’année qui suit, que devriez-vous faire ? Il est certes décevant de voir le prix chuter de 20 %. Toutefois, selon les résultats de l’analyse, mieux vaut ne pas paniquer et vendre instamment. S’il s’agit d’une entreprise solide, le dividende sera maintenu et le dividende de 4 $ augmentera le rendement du dividende à 5 % pour l’année suivante.

Allons maintenant au fonctionnement.

La stratégie de répartition de l’actif qui est proposée ajuste le poids des actions une seule fois par année. Comme on l’a dit, celui-ci sera augmenté seulement si le rendement prévu des actions (qui repose essentiellement sur le rendement en dividende) a augmenté par rapport au rendement prévu sur les obligations. Inversement, le poids des actions sera réduit lorsque le rendement prévu des actions aura baissé par rapport au rendement prévu des obligations.

Cette stratégie, quoique simple, réussit apparemment à améliorer le rendement et à réduire le risque du portefeuille par rapport à deux stratégies passives reconnues. Celle qui consiste à maintenir systématiquement le poids des actions à 60 %, et celle qui consiste à laisser évoluer le poids des actions selon leur valeur boursière.

Concrètement

Si vous êtes un investisseur qui vous intéressez tout particulièrement au marché canadien, rappelons que le rendement à l’échéance des obligations est encore très bas au Canada. En effet, les obligations du gouvernement du Canada de dix ans sont présentement à moins de 2 %. Si vous voulez un peu plus, il y a les obligations du Québec de dix ans, à 2,7 %, ou encore celles d’entreprises comme Bell Canada, à 3,8 %.

Devez-vous prendre le risque d’augmenter le poids des actions de votre portefeuille en 2019 ? Selon les résultats de la recherche, on peut croire que oui puisque le rendement en dividende de plusieurs grandes entreprises est non seulement plus élevé, mais il a augmenté en 2018. Plus précisément, le rendement en dividende a plus augmenté que celui des obligations à long terme et est plus élevé que le rendement prévu sur les obligations pour 2019.

Si vous avez peu d’actions dans votre portefeuille, le moment semble propice pour augmenter leur poids. La baisse du prix des actions au dernier semestre de 2018 a fait augmenter leur rendement en dividende, ce qui les rend plus intéressantes. À long terme, le risque d’investir dans ces titres est limité puisqu’il y a de fortes chances que leur performance dépasse celle des obligations gouvernementales.

Il est toujours intéressant de se rappeler les propos de Graham et Dodd qui, en 1934, mentionnaient qu’un dividende fourni à l’actionnaire est «un rendement plus stable et une meilleure protection du capital».

CHRONIQUEUR INVITÉ. Richard Guay est professeur titulaire en finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.