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Le CELI de Frédéric Huard : l’arbre devant la forêt

Jean Décary|Édition de la mi‑novembre 2024

Le CELI de Frédéric Huard : l’arbre devant la forêt

Âgé de 53 ans, le comptable mise sur les titres individuels. (Photo: courtoisie)

PLEINS FEUX SUR MON CELI. Après des études en génie forestier à l’Université Laval, cet investisseur de Québec d’une cinquantaine d’années a décidé de réorienter sa carrière vers les finances et la comptabilité. « Les débouchés étaient incertains en foresterie et j’ai opté pour la sécurité. Alors que pointe la retraite, je reviens à ma passion d’origine », explique celui qui siège aujourd’hui au conseil d’administration du Groupement forestier de Québec-Montmorency.

« J’ai toujours aimé travailler et me garder actif dans toutes sortes de projets. » C’est donc très jeune qu’il commence à travailler et à gagner un revenu. « Je voulais me débrouiller seul, avoir mon indépendance financière, car cela me rendait libre. C’est encore vrai aujourd’hui, l’épargne, c’est la clé de l’autonomie financière. »

Après un passage à la Fondation de l’entrepreneurship, il découvre les forces agissantes du Québec inc, qui vont plus tard influencer ses choix d’investissement. « J’ai réalisé tout le talent et le potentiel de gens comme Bernard Lemaire (Boralex ; BLX, 34,60 $) et Alain Bouchard (Couche-Tard ; ATD, 71,43 $). J’ai une grande admiration pour tous nos entrepreneurs. Nous sommes très innovants au Québec. »

Après voir rapatrié ses placements confiés à une tierce personne, il s’initie de façon autodidacte à l’investissement. « J’étais un peu spéculateur au début, je me suis assagi avec les années. » Il voit l’arrivée du CELI en 2009 comme une occasion en or. « J’ai tout de suite compris le potentiel de cet outil d’investissement formidable. »

Cela ne l’empêche pas de faire quelques bourdes à ses débuts. « Vendre mes actions de Couche-Tard, par exemple », dit-il à regret. Ou se laisser tenter par une occasion de placement risquée dans une société québécoise qui exploitait une mine de diamants en Afrique. « Des 10 000 $ investis, j’ai pu en sauver la moitié », dit-il avec amertume. Ses investissements dans des entreprises de construction, telles que Bird Construction (BDT, 30,77 $) et Groupe Aecon (ARE, 22,50 $), sont au nombre de ses bons coups. « Il y a tant à construire et à reconstruire en Amérique du Nord. »

Il garde à ce jour une certaine méfiance quant aux titres technologiques qui ne cadrent pas avec sa stratégie d’investissement. « Tout bouge et change si vite dans ce domaine. » ll mentionne que, de toute façon, il est investi dans « les sept magnifiques » par le truchement de ses fonds négociés en Bourse indiciels. « Je demeure cependant plus intéressé par la détention de titres individuels qui, à mon avis, offrent de meilleurs rendements à long terme. »

Il considère le CELI comme un véhicule de placement à long terme, mais il n’hésite pas à s’en servir pour financer des projets à plus court terme ou simplement pour faire face aux aléas de la vie. « J’ai notamment dû piger dedans pour financer l’achat d’une terre à bois et celui d’une érablière. C’est une autre manière de diversifier mes placements. »

Bien diversifier ses placements dans diverses catégories d’actifs, commencer tôt et être patient sont d’ailleurs les conseils qu’il prodiguerait aux nouveaux investisseurs. L’investisseur se rappelle d’ailleurs cette citation de Warren Buffett : « Quelqu’un peut s’asseoir à l’ombre aujourd’hui parce que quelqu’un d’autre a planté un arbre il y a longtemps. »

Dans l’œil du pro

« L’investisseur a manifestement bien compris le potentiel du CELI et pourquoi c’est l’un des premiers comptes à capitaliser et le dernier que l’on devrait songer à décaisser », évalue Alexandre Legault, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Allard Allard et Associés.

Comme c’est un compte avec un horizon à très long terme, le gestionnaire croit que l’investisseur a fait le bon choix dans ses produits d’investissement, soit celui des actions. « Il a va ainsi pouvoir, avec le temps, repousser les frontières de son espace CELI, dont les parois sont élastiques. »

Le professionnel voit la portion en espèces de 10 % du CELI comme un frein à son rendement potentiel. « Je ne sais pas si c’est une stratégie, mais à long terme, le cash, ça plombe le rendement, car ça travaille moins. »

Le professionnel est d’avis que l’investisseur devrait éviter le plus possible de se servir du CELI comme d’un fonds d’urgence ou pour financer des projets. « C’est un peu en contradiction avec la vocation à long terme de ce véhicule de placement. »

Alexandre Legault conclut que le candidat réunit les quatre conditions nécessaires que doit remplir tout investisseur qui souhaite gérer son portefeuille. « Avoir du temps, le goût de le faire, l’expertise et l’expérience. »

À l’approche de la retraite, le candidat semble avoir plus de temps. Il observe aussi qu’en sa qualité de comptable, il a l’expertise pour comprendre des états financiers et bien évaluer des entreprises. « Pour la plupart, celles qu’il détient sont solides et se négocient à des multiples raisonnables. Tu vois qu’on a affaire à quelqu’un de réfléchi. » Il mentionne aussi que Frédéric Huard a essuyé son lot de revers en Bourse, ce qui lui a permis d’acquérir de l’expérience.