Joël Godin, un enseignant au primaire à Trois-Rivières, a toujours été économe. (Photo: courtoisie)
PLEINS FEUX SUR MON CELI est une rubrique où des investisseurs individuels partagent avec nous leurs bons et mauvais coups en investissement tout en soumettant leur portefeuille à l’analyse d’un pro.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Âge : 30 ans | Occupation : enseignant au primaire
Valeur du CELI : 33 000 $ | Stratégie : titres individuels
Bon coup : avoir toujours été responsable financièrement
Mauvais coup : avoir investi juste avant le déclenchement de la guerre en Ukraine
Objectifs : à moyen terme («dépendra de la grosseur de la famille»)
Son conseil à l’investisseur qui commence : s’éduquer et éviter les tuyaux
Cet enseignant au primaire à Trois-Rivières a toujours été économe. «J’ai terminé mes études sans aucune dette.» Lui et sa conjointe réussiront même le tour de force d’épargner plus de 40 000 $ durant la période où ils travailleront au Nunavik, dans le Grand Nord québécois. «Je n’aime pas consommer inutilement. J’ai longtemps été sans voiture et je préfère manger sainement des plats préparés à la maison.»
Ses parents, complémentaires dans leur style d’investissement, ont été des modèles financiers pour lui. «Ma mère, économe, était plus conservatrice ; mon père, qui a privilégié les placements privés et l’immobilier, avait une approche, disons plus dynamique de l’investissement.» Joël Godin dit avoir trouvé le juste milieu entre ces deux conceptions de l’enrichissement personnel.
À trente ans, il était déjà propriétaire d’une maison et d’un immeuble à revenus, mais le marché des valeurs mobilières se faisait toujours attendre. «J’avais tâté le terrain il y a six ans, mais j’ai vite retiré mes billes par manque de connaissance.» Ce n’est que tout récemment, au début de février, qu’il décide d’investir à la Bourse de façon autonome. «J’avais épargné une somme importante et je souhaitais l’investir moi-même.» Fidèle lecteur de la lettre financière Cote 100 et des écrits de Philippe Le Blanc, le boursicoteur a aussi peaufiné sa stratégie sur le site Internet Simply Wall St, où il peut glaner de l’information financière sur de nombreuses entreprises publiques.
Guidé par son intérêt pour les questions d’environnement, d’éthique et de gouvernance, l’investisseur néophyte a arrêté sa sélection sur quinze titres pour son portefeuille. «J’ai procédé à tous mes achats à l’intérieur de deux semaines.» S’il est hésitant à investir dans des FNB (en raison d’entreprises qu’il souhaite éviter), il constate leur croissance grandissante et c’est ce qui a motivé l’achat d’actions de la firme BlackRock (BLK, 734, 53 $US), le géant de l’investissement et premier gestionnaire d’actifs au monde. «Le titre battait de l’aile un peu depuis quelque temps ; les ratios étaient bons et leur dividende croissant.»
Il fait la même lecture pour le titre de Visa (V, 221,77 $US) qui offre des solutions de paiement et qui a été écorché pendant la pandémie. «La compagnie a une position dominante avec de bonnes barrières à l’entrée.» Cet avantage concurrentiel est aussi ce qui le motive à ouvrir une position dans le Canadien National, l’une des deux principales compagnies de chemins de fer au pays. «Un tel réseau de rails est pratiquement impossible à dupliquer. On a un escompte en achetant l’action.» D’autres titres viendront garnir son CELI, dont les unités de deux fiducies immobilières, Dream Industrial REIT (DIR-UN.TO, 16,14 $) et Canadian Appartment REIT (CAR-UN.TO, 53,65 $), axées respectivement sur le secteur industriel et résidentiel.
Sa stratégie d’investissement alterne entre les titres valeurs et les titres de croissance. Il aime acheter des compagnies de qualité qui se négocient au rabais. «J’aime bien cette citation de Warren Buffett : c’est nettement mieux d’acheter une compagnie extraordinaire à un prix ordinaire qu’une entreprise ordinaire à un prix extraordinaire.» [It’s far better to buy a wonderful company at a fair price than a fair company at a wonderful price.] Quand il ne supervise pas un groupe d’enfants, les siens et ceux de l’école, le jeune investisseur aime jouer au basketball, faire du camping et visiter ses proches. «Tout gravite pas mal autour de la famille.»
Dans l’œil d’un pro
Martin Lalonde, président et gestionnaire de portefeuille chez Rivemont, salue l’intérêt renouvelé du jeune enseignant pour l’investissement en Bourse. «Il semble motivé à apprendre.» Par contre, il se demande si avec son emploi à temps plein et sa famille grandissante l’investisseur ne trouvera pas ardu de suivre assidûment les quinze titres qui composent son portefeuille. «Je trouve que sa diversification est bonne, il ne s’égare pas. Mais ça nécessite néanmoins un bon suivi. C’est beaucoup de titres pour un investisseur individuel autonome qui commence.»
Il remarque que l’investisseur a fait le choix d’accorder ses placements pour qu’ils soient en harmonie avec ses convictions personnelles. «C’est bien, car ultimement tu dois être à l’aise avec les positions que tu détiens.» Par contre, le gestionnaire de portefeuille constate le peu de titres de grandes capitalisations et l’absence de positions dans des secteurs en forte croissance, comme les biotechnologies et les technologies (notamment les entreprises de semi-conducteurs). «Le secteur financier canadien avec une des grandes banques — qui font partie d’un monopole — aurait été un choix facile. J’aurais aussi préféré une des grandes technos américaines à la place de la chinoise Alibaba, en raison du risque politique inhérent.» Il souligne que la hausse des taux d’intérêt pourrait aussi représenter un vent de face pour les fiducies immobilières dans son CELI.
Il ne croit pas que le fait d’avoir bâti son portefeuille avant que les marchés ne traversent des zones de turbulence en raison de la guerre en Ukraine soit une erreur. «À long terme, ça ne fera aucune différence, mais pour s’éviter des tracas à court terme, il aurait pu envisager de procéder par des achats progressifs. Sur trois ou six mois, par exemple.» Martin Lalonde souligne que, de toute manière, s’il continue d’investir sur une base régulière il profitera à la fois des hauts et des bas du marché. «C’est aussi le métier qui rentre. La meilleure façon d’apprendre c’est de se tromper.»
Dans l’état actuel, le gestionnaire de portefeuille se demande si la composition du CELI va lui permettre de battre les principaux indices. «C’est une impression, mais il n’y a pas d’inclinaison forte vers un secteur en particulier.» C’est pourquoi il s’interroge si la détention d’un ou deux FNB (par exemple des FNB nord-américains qui calquent le TSX ou le S&P 500) ne faisait pas aussi bien, sans être prenante en termes de temps et d’énergie. Enfin, il note que l’investisseur n’a pas beaucoup d’argent en encaisse. «Puisqu’il est un admirateur de Warren Buffett, il remarquera que le grand investisseur a tendance à conserver beaucoup de liquidités pour profiter d’occasions que lui présentera le marché.»
Si vous souhaitez vous aussi partager avec les lecteurs de Les Affaires votre stratégie d’investissement dans votre CELI et faire analyser votre portefeuille par un pro, écrivez-nous à denis.lalonde@groupecontex.ca
Le CELI de Joël Godin (valeur approximative de 33 000$)
Titres | Symboles | % du portefeuille |
FISV | FISV | 9,45% |
Next Era Energy | NEE | 8,59% |
Chemin de fer Canadien National | CNR.TO | 8,06% |
VISA | V | 7,90% |
Versabank | VBNK.TO | 7,82% |
AES | AES | 7,55% |
CGI | GIB-A.TO | 7,40% |
Anthem INC. | ANTM | 7,36% |
Alibaba group holding | BABA | 5,85% |
Intact financial corp | IFC.TO | 5,79% |
Blackrock | BLK | 5,53% |
Dream industrial REIT | DIR-UN.TO | 5,24% |
Canadian appartment REIT | CAR-UN.TO | 4,97% |
AMERCO | UHAL | 4,63% |
Vontier | VNT | 3,78% |
Espèces | *** | 0,11% |
Total | *** | 100% |