Véronique Gagnon est passée par l’immobilier avant de faire le saut vers les valeurs mobilières. (Photo: courtoisie)
PLEINS FEUX SUR MON CELI est une rubrique où des investisseurs individuels partagent avec nous leurs bons et mauvais coups en investissement tout en soumettant leur portefeuille à l’analyse d’un pro.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Âge : 31 ans
Occupation : blogueuse et entrepreneure
Valeur du CELI : 7 500 $
Stratégie : FNB et titres individuels
Bon coup : avoir systématisé ses cotisations
Mauvais coup : avoir misé sur certains titres spéculatifs
Objectif : laisser croître ses avoirs à long terme
Son conseil à l’investisseur qui commence : commencer à investir peu importe le montant
Cette investisseuse de Gatineau de 31 ans aux multiples chapeaux (mère, responsable des finances et du marketing dans l’entreprise familiale et blogueuse à Gère ton bacon) est passée par l’immobilier avant de faire le saut vers les valeurs mobilières. « J’ai investi dans un triplex à 23 ans alors que je venais de terminer un baccalauréat en criminologie à l’Université d’Ottawa. »
Elle est extrêmement redevable pour cela à son grand-père qui, de son vivant, à cru bon de lui léguer une part de l’héritage – pre-mortem. « Ç’a été la bougie d’allumage, c’est ce qui m’a mis sur les rails », dit celle qui loue maintenant des chalets après avoir suivi un cours en évaluation et gestion immobilière. Tels des vases communicants, ses investissements en immobilier vont stimuler son intérêt pour l’épargne et les finances personnelles. « Comme beaucoup de monde, j’étais autrefois assez dépensière. » Et c’est ce même fil conducteur qui l’amènera naturellement à l’investissement boursier.
À 25 ans, elle ouvre son CELI et place ses premiers montants par l’intermédiaire des robots-conseillers de la plateforme en ligne Wealthsimple, propriété du conglomérat montréalais Power Corporation. Elle y automatise ses cotisations et, conformément à son profil d’investisseuse, investit dans une gamme de fonds négociés en Bourse (FNB). À l’heure actuelle la valeur de son CELI sous gestion avoisine les 44 500$. Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle décide d’investir par elle-même une partie de son pécule avec la plateforme Trade du même fournisseur. « Je me sentais plus à l’aise. J’avais lu sur le sujet et j’en avais aussi discuté avec mon entourage. »
À l’instar de bien d’autres boursicoteurs, elle va céder à l’euphorie contagieuse de la hausse fulgurante du titre de Gamestop (GME, 128,46$US), qui fut le terrain d’un affrontement opposant des fonds de couverture (Hedge Funds) de Wall Street à de petits investisseurs. « J’avais cru que le même scénario [Short Squeeze] se répèterait pour Blackberry (BB, 7,62$), mais non…» Si elle tente quelques autres coups de circuit, notamment avec Nouveau Monde Graphite (NOU.V, 6,87$)(« que j’ai trop tardé avant de vendre »), elle s’avoue aujourd’hui plus sage et souhaite migrer ses nouvelles cotisations vers des FNB à gestion passive. Plus de 60% de son portefeuille autogéré, d’une valeur totale de 7 500$, est d’ailleurs investi dans trois FNB de Vanguard (VGRO, 28,92$ | VSP, 67,81$ et VFV 92,26$).
Elle garde malgré tout confiance dans les titres individuels qu’elle détient. « J’aime toujours Shopify (SHOP, 473,59$), que j’ai racheté récemment, car c’est un produit auquel je crois, tout comme Tesla (TSLA, 726,00$US) et son PDG, Elon Musk. » Véronique Gagnon aimerait augmenter avec le temps la proportion de l’actif qu’elle gère versus ce qui est géré par Wealthsimple. « Je prends confiance en moi et je me verrais croître cette proportion à 50%. Peut-être davantage avec le temps. »
Elle continue d’en apprendre sur l’investissement, notamment grâce à l’appui de sa communauté de blogueurs et les livres d’auteurs comme Pierre-Yves McSween et Jean-Sébastien Pilote. Elle mentionne aussi le bouquin Invested de Daniel Town et celui de Marc Fisher, Le millionnaire paresseux, comme des lectures incontournables. Aux néophytes, elle recommande de bien se renseigner avec les multiples ressources disponibles en ligne et ailleurs. « Il faut voir l’investissement à long terme. Ça peut être déprimant à court terme quand les marchés baissent, mais ce sont en fait des occasions d’achats. Comme un Black Friday! » Quand son horaire du temps lui permet, cette native de l’Abitibi, qui a conservé le goût des grands espaces, aime les sorties en plein air avec sa famille, particulièrement les randonnées pédestres.
Dans l’œil d’un pro
«Automatiser son épargne et ses investissements nécessite beaucoup de discipline, mais c’est aussi la clé de la réussite», fait remarquer Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale. Il félicite l’investisseuse et souligne que les personnes qui ont accumulé de la richesse considèrent souvent l’épargne et l’investissement comme des dépenses. «Tu ne vois pas l’argent passer et tes dépenses discrétionnaires s’ajustent en conséquence. C’est une façon de pirater le système, si on veut.»
De la même manière, mettre son portefeuille CELI sur le pilote automatique, comme le fait Véronique Gagnon, en investissant régulièrement dans des FNB peu coûteux, lui apparaît être une très bonne idée. «La gestion indicielle représente environ deux tiers de son portefeuille autogéré. Ce sont des fonds diversifiés, même si le secteur technologique pèse plus lourdement (environ 35%) dans l’indice du S&P 500.» Ce qui est souvent le plus difficile pour un investisseur autonome c’est la gestion des émotions. «Elle semble savoir faire preuve de sang-froid et sait reconnaître les occasions d’achat lors de marchés baissiers.»
Le professionnel de la Banque nationale la met toutefois en garde contre l’achat de titres spéculatifs. Il rappelle que l’environnement des deux dernières années a été propice à la propagation d’histoires boursières dont la trame narrative était souvent contagieuse (et toxique) pour les petits et les nouveaux investisseurs. Il cite l’exemple de Gamestop. «C’est bien d’investir dans ce que l’on connaît, comme le répétait le célèbre investisseur Peter Lynch, mais il faut aussi être capable d’évaluer adéquatement une entreprise. Il faut investiguer afin de payer un prix raisonnable.»
Il croit que c’est cette partie du puzzle qui manque encore à l’investisseuse. «Les pertes qu’elle a subies c’est un peu ses frais de scolarité qu’elle a payés. C’est le métier qui rentre.» Il mentionne l’exemple du titre de Shopify qui se négociait à plus de 45 fois les ventes et qui s’est fortement replié depuis un an. «Si tu as 15% dans un titre et que tu te plantes royalement, tes autres placements vont devoir cartonner pour venir palier le manque à gagner.» C’est pourquoi en phase d’apprentissage il est préférable selon lui d’être bien diversifié, avec plus de titres que pas assez, car ça risque de faire moins mal au portefeuille en cas d’erreur.
S’il salue les lectures qu’elle a faites, Cimon Plante lui propose d’approfondir davantage ses connaissances avec les enseignements d’Aswath Damodaran, professeur de l’Université de New York. Les cours du professeur de la Stern School of Business sont mis à la disposition de ses étudiants et du public. On y retrouve des cours de finances d’affaires, un cours d’évaluation d’actions et plusieurs autres. « Si j’étais un investisseur autonome et que je voulais apprendre à évaluer une société, dans un langage clair et de calibre élevé, ce serait le bon endroit où aller. »
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Le portefeuille de Véronique Gagnon (valeur approximative de 7 500$)