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Le nouvel avantage des petites capitalisations

Stéphane Préfontaine|Édition de la mi‑septembre 2019

EXPERT INVITÉ. L'environnement économique et financier évolue constamment. Il est donc important de remettre en...

EXPERT INVITÉ. L’environnement économique et financier évolue constamment. Il est donc important de remettre en question les idées reçues ainsi que celles qui ont fonctionné dans le passé pour réfléchir à l’impact que ces changements peuvent avoir sur nous, investisseurs.

Depuis quelques années, un changement structurel important s’opère dans les marchés financiers, un mouvement qui favorise les sociétés de grande capitalisation au détriment des petites capitalisations :

1. Montée en force des fonds indiciels

2. Consolidation des gestionnaires de fonds

3. Accroissement des investissements algorithmiques

Fonds indiciels

L’idée initiale qui était d’offrir une solution peu coûteuse aux investisseurs par l’investissement dans quelques indices boursiers génériques s’est transformée en une industrie monstre de fonds négociés en Bourse (FNB), où il y a un nombre excessivement élevé de fonds (environ 5000 aux États-Unis par rapport à environ 3500 entreprises cotées en Bourse). Une des conséquences de cette mode, à mon avis, est une distorsion en faveur des sociétés de grande capitalisation, car les fonds indiciels, en général, investissent de façon automatique dans les plus grandes capitalisations ; cela crée un cercle vicieux qui renforce la valorisation de ces entreprises. Les petites capitalisations sont généralement délaissées.

Consolidation de l’industrie de la gestion de fonds

Devant les géants de l’industrie indicielle «passive», les gestionnaires de fonds «actifs» doivent trouver des façons de réduire leurs coûts pour rester concurrentiels. Une des façons est la consolidation de ces entreprises de gestion pour augmenter leurs économies d’échelle. Cette consolidation est créée par de très gros investisseurs qui sont plus limités à n’investir que dans des sociétés de grande capitalisation. Cela aussi renforce la valorisation des grandes capitalisations.

Algorithmes

Une portion de plus en plus grande des investissements se fait par des algorithmes, c’est-à-dire des formules préétablies gérées par des ordinateurs. L’idée derrière cela est de soustraire de l’investissement les émotions humaines. On peut débattre de la pertinence et de la viabilité à long terme de ce phénomène, mais une des conséquences, selon certains, est d’accentuer l’effet d’élan («momentum») des marchés. Cela accentuerait les hauts, mais aussi les bas. Il faudrait donc s’attendre à des valorisations très hautes suivies de valorisations très basses.

Investir dans les petites capitalisations

Les petits investisseurs indépendants doivent se servir de leurs deux avantages concurrentiels principaux : leur petite taille et leur patience. La petite taille permet d’investir dans de solides petites entreprises sans en affecter le prix, car le volume de transactions est souvent faible. De plus, les petites entreprises sont moins suivies par l’industrie financière et offrent donc plus de possibilités d’anomalie de prix : il y a moins d’investisseurs aguerris qui se font concurrence. L’indépendance permet de ne pas subir de pressions externes ou institutionnelles et d’être plus patient : pas d’évaluation trimestrielle de la performance, pas de bonis de fin d’année, pas de risque de perte d’emploi, etc.

Nous avons souligné trois phénomènes institutionnels qui provoquent, selon nous, une certaine distorsion dans les marchés, mais ce n’est qu’un départ à l’analyse. Bien sûr, la perspective d’une fin de cycle et d’une récession a aussi fait pression sur la valorisation des petites capitalisations, ce qui est un phénomène normal.

L’investissement dans de petites capitalisations requiert plus de suivi, plus de patience et plus de tolérance par rapport à leur plus grande volatilité en Bourse. Cependant, lorsqu’on porte son attention sur les progrès d’affaires réels de nos entreprises, la volatilité plus grande est un avantage, car elle permet d’acheter à meilleur prix lors des périodes de grande peur. Lorsque ces investissements sont faits à un prix offrant une marge de sécurité suffisante (c’est la clé), en général un portefeuille bien diversifié offrira des rendements à long terme de loin supérieurs aux rendements des grandes capitalisations.

Je suis d’avis que nous avons présentement une belle fenêtre pour investir dans des titres de petites capitalisations, dans la mesure où nous choisissons des entreprises :

> Solidement positionnées dans leur niche et spécialisées dans un secteur stable et porteur ;

> Avec un niveau de dette sous contrôle et qui pourront bien supporter la prochaine récession et d’autres vents de face ;

> Dont les dirigeants sont fortement alignés sur les intérêts à long terme des actionnaires, préférablement déjà eux-mêmes très investis dans l’actionnariat de l’entreprise ; nous portons une grande attention sur leur mode de rémunération et la dynamique de leurs incitatifs ;

> Dont l’équipe de direction ne dépend pas trop d’un seul dirigeant qui approche de la retraite, avec un plan de relève offrant une bonne visibilité sur les dix prochaines années ;

> Dont le conseil d’administration est vraiment indépendant et de bonne qualité.