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Le plan accéléré des épiciers canadiens

Simon Lord|Édition de la mi‑octobre 2020

ÉPICERIE EN LIGNE. La pandémie a forcé les grands épiciers du pays à précipiter le développement de leurs services...

ÉPICERIE EN LIGNE. La pandémie a forcé les grands épiciers du pays à précipiter le développement de leurs services de vente en ligne. En quelques semaines seulement, ils ont devancé de trois à cinq ans l’avancement de leurs projets. C’est maintenant l’heure de consolider les gains réalisés. Voici comment ils comptent y arriver.

«Chez nous, les derniers mois ont été rock and roll, raconte Carl Pichette, vice-président au marketing et aux solutions mobiles à Sobeys. En avril, nos volumes d’affaires en ligne ont grimpé à un niveau 10 fois supérieur à la même période l’an dernier.» Sobeys est la maison-mère de l’enseigne IGA, dont les services de commande en ligne offerts dans plus de 275 magasins au Québec lui permettent de couvrir de 90 % à 95 % de la population de la province.

Durant l’été, les volumes de ventes en ligne d’IGA ont reculé à un multiple de trois ou quatre fois ceux des années précédentes. En août, ils ont diminué encore un peu plus. Carl Pichette attribue toutefois une part de cette diminution à un effet saisonnier, notamment aux vacances et à la température plus clémente, et dit continuer de devoir gérer de «gros volumes».

S’il préfère ne pas révéler exactement quelle part de ses ventes totales représentent aujourd’hui les ventes en ligne, le dirigeant explique qu’elles représentaient 1 % des ventes totales avant la crise. «En Europe, il y a parfois plus de 10 % des ventes qui sont générées en ligne. Aux États-Unis, on parle plutôt de 5 % à 10 %. On se rapproche des chiffres des États-Unis. On prévoyait atteindre ces niveaux-là dans cinq ans.»

Naturellement, cette poussée de croissance fulgurante a amené son lot de défis. C’est d’autant plus vrai que l’augmentation des ventes en ligne n’a pas entraîné une diminution des ventes en magasin. Au contraire, celles-ci ont augmenté en raison, notamment, de la fermeture des restaurants.

Quel était le plus gros défi ? Les ajustements opérationnels, répond Carl Pichette. Sobeys a dû augmenter la capacité d’assemblage des commandes de jour, de soir et de nuit. De nouvelles ententes ont été signées pour augmenter la capacité de livraison. Par ailleurs, de nombreux magasins ont augmenté leur capacité d’entreposage afin de pouvoir réfrigérer les commandes effectuées un ou deux jours à l’avance. Certains marchands ont, par exemple, utilisé des camions réfrigérés pour entreposer les commandes.

Maintenant que l’effet de nouveauté est passé, Sobeys veut encourager la loyauté de sa clientèle. «Les consommateurs ont mis de côté leurs réticences, ils ont franchi la barrière, ils ont essayé le service et ils ont constaté qu’il y avait de la fraîcheur et de la qualité», dit Carl Pichette.

Le nerf de la guerre, selon lui, sera d’assurer la satisfaction de la clientèle. La première préoccupation des gens qui achètent en ligne, note-t-il, est de sauver du temps. Nombre d’entre eux sont jeunes et occupés. «Il faut donc s’assurer de respecter les horaires, dit Carl Pichette. Avec la pandémie, c’était difficile de livrer à temps, et les clients étaient compréhensifs, mais leur indulgence ne sera pas éternelle. On doit maintenant offrir un service exceptionnel.»

 

Embaucher et déployer

Aux Compagnies Loblaw, qui gèrent notamment les enseignes Provigo et Maxi, on a constaté le même engouement pour l’épicerie en ligne. Au plus fort de la crise, les ventes ont explosé de 500 % sur le Web par rapport à la période prépandémie. Au cours des derniers mois de l’été, ce chiffre était retombé à 280 %. Johanne Héroux, directrice principale des affaires corporatives et des communications, explique que les répercussions se sont fait sentir sur quatre fronts.

Premièrement, l’entreprise a dû recruter rapidement. «Au Québec, nous avons engagé environ 500 personnes et nous avons ajouté une équipe de nuit pour faire l’assemblage des commandes», dit Johanne Héroux. Deuxièmement, poussée par des pannes en début de pandémie, l’entreprise a dû investir pour renforcer son site web en plus d’ajouter de la bande passante. «Nous avons travaillé à l’échelle nationale avec des experts de Google qui nous ont aidés à déployer le « mode cyberlundi », mais à l’année, maintenant que l’on nage dans une nouvelle réalité.» Troisièmement, la société a dû acquérir de nouveaux équipements. Elle s’est notamment pourvue de réfrigérateurs supplémentaires en plus de munir ses employés d’iPhone leur permettant, au moyen d’une application spécialisée, de faire l’assemblage de commandes.

Enfin, la pandémie a forcé l’entreprise à adapter son offre en ligne. «À Provigo et Maxi, et aussi en bonne partie pour nos autres enseignes ailleurs au Canada, notre modèle était basé sur l’option « Cliquez et ramassez », dit Johanne Héroux. Étant donné la pandémie, on a instauré la livraison, que l’on est en train de structurer et de centraliser. À cet égard, la crise a accéléré nos plans de trois ans.»

Maxi est d’ailleurs en train de convertir cinq de ses épiceries en «magasins-satellites» dans la grande région de Montréal. Il s’agit de magasins dont une partie de la surface sera destinée à 100 % à l’assemblage des commandes, et qui pourront, au moyen de leurs propres équipes et de leurs propres camions, livrer dans un rayon de 30 kilomètres. Cela permettra ainsi à l’entreprise de couvrir l’ensemble de la région métropolitaine. «Pour 2021, on mise sur ce modèle, dit Johanne Héroux. On n’a pas encore un nombre cible de magasins, mais on veut continuer de le déployer ailleurs au Québec.»

Investissements prudents

Au début de la pandémie, Metro a aussi vu le trafic exploser sur son site web. Pour répondre à la demande, la chaîne d’épiceries a donc décuplé la capacité de ses infrastructures, ce qui lui a permis, entre les mois d’avril et de juillet, de multiplier par quatre son volume d’achats en ligne. «Nous avons également fait des centaines d’embauches en plus d’ajouter un quart de nuit pour faire l’assemblage des commandes. Cela nous a permis de satisfaire en partie les attentes des clients, compte tenu du contexte», dit Marc Giroux, vice-président exécutif et chef de la division du Québec et du commerce en ligne.

Le mot d’ordre est maintenant d’investir dans le commerce en ligne, mais d’agir avec «prudence». «La pandémie ne change pas notre stratégie, mais elle accélère sa mise en oeuvre, dit M. Giroux. Nous réfléchissons à nos prochains investissements, mais de façon générale, l’approche de Metro en est une d’investissements prudents. On gardera donc cette approche pour le commerce en ligne.»

L’entreprise compte maintenant, au cours des prochains mois, déployer le ramassage de commande dans une trentaine de nouveaux magasins au Québec et en Ontario. Le 26 août, elle annonçait avoir déployé son service d’épicerie en ligne dans un neuvième magasin, situé dans la région de Sherbrooke, permettant ainsi de desservir 73 000 foyers, ou 160 000 consommateurs. Au début septembre, l’épicerie en ligne de Metro atteint environ 61 % de la population québécoise.

Un déploiement qui ne fait que commencer. Selon M. Giroux, la pandémie aura entraîné un changement permanent des habitudes des consommateurs : «En raison de la pandémie, une plus grande partie des dépenses alimentaires des Canadiens se feront en ligne. On doit donc accélérer la mise en oeuvre de nos plans.»