Être un consolidateur est un point commun de bien des succès boursiers de Québec inc. Que ce soit pour diminuer ses ...
Être un consolidateur est un point commun de bien des succès boursiers de Québec inc. Que ce soit pour diminuer ses coûts, agrandir ses parts de marché ou encore éliminer la concurrence, les raisons pour une entreprise de faire des acquisitions sont nombreuses. Nous faisons le point sur la stratégie de quatre entreprises qui consolident leurs industries.
CGI PEUT SURVIVRE SANS ACQUISITIONS, MAIS…
Réputé comme étant un titre de qualité, le consolidateur CGI (CGI, 102,63 $) peut continuer son chemin sans acquisitions, mais les actionnaires seront récompensés davantage si la société technologique montréalaise trouve des cibles pour accélérer sa croissance.
Ne pas faire d’acquisitions ne serait pas dans l’intérêt de l’entreprise, juge Mario Mainelli, gestionnaire de portefeuille chez Caldwell Investment Management. Il explique que CGI peut se concentrer sur la croissance interne. Par contre, cela limiterait sa progression au rythme de l’industrie, soit un rythme inférieur à 10 %. De plus, il pense que les acquisitions lui permettraient d’agrandir son arsenal de propriété intellectuelle, ce qui devient de plus en plus nécessaire dans le domaine des technologies de l’information.
Il y a encore un potentiel de croissance du côté des fusions et acquisitions à moyen terme, anticipe Paul Steep, de la Banque Scotia. Comme ses concurrents européens sont en voie de réaliser ou d’intégrer des acquisitions transformatrices, l’analyste pense qu’il y a de grandes chances que la société montréalaise réalise des acquisitions importantes.
Une entreprise de qualité
CGI devance ses concurrents en Europe et en Amérique du Nord grâce à «une exécution hors pair et à une très efficace allocation de capital qui crée de la valeur pour les actionnaires», affirme Steve Bélisle, gestionnaire de portefeuille chez Gestion d’actifs Manuvie. Il ajoute que la société réussit à livrer ses projets en respectant les échéances et les budgets dans 95 % des cas.
La consultation représente environ 60 % des activités de l’entreprise, contre 40 % pour la sous-traitance. La direction souhaite que cette proportion s’inverse. M. Bélisle appuie cet objectif, qui apporterait plus de stabilité aux revenus et les rendrait plus résilients en cas de ralentissement économique.
CGI dispose d’outils qui lui permettent de réduire les impacts d’un ralentissement économique, poursuit M. Mainelli. «Parmi ces facteurs, il y a le grand potentiel de développement dans le conseil technologique, et le fait qu’une grande partie de ses revenus est récurrente. Le segment conseil peut montrer des signes de faiblesse en temps de difficultés économiques, car les entreprises sont plus réticentes à investir. Par contre, le segment où la société agit à titre de sous-traitants est très résilient.»
CGI, qui dévoilera ses résultats du quatrième trimestre le 6 novembre prochain, se trouve donc dans une bonne posture. La majorité des experts que nous avons interrogés ne pense toutefois pas qu’il s’agit d’un bon moment pour acheter le titre.
«Bien que, historiquement, CGI a pu compter sur les fusions et acquisitions pour enregistrer de la croissance, nous croyons que la croissance interne pourrait avoisiner les 4 % à 5 % dans les prochains trimestres, ce qui rapprocherait la croissance de CGI à celle d’Accenture», déclare Maher Yaghi, Desjardins.
COUCHE-TARD : ENCORE BEAUCOUP DE PLACE POUR DU DÉVELOPPEMENT
Si Alain Bouchard, cofondateur et président exécutif du CA d’Alimentation Couche-Tard (ATD.B, 39,17 $), estime que l’acquisition de Provi-Soir en 1997 a été un de ses meilleurs coups en carrière, bien des experts pensent que le meilleur reste à venir pour la chaîne de dépanneurs et de stations-service de Laval.
«Alimentation Couche-Tard a démontré être un intégrateur pouvant profiter de la consolidation de l’industrie fragmentée des dépanneurs», affirme Patricia Baker, de la Banque Scotia. L’analyste ajoute qu’avec les acquisitions, la société parvient à augmenter le rendement des capitaux propres et qu’elle affiche un haut taux de conversion des bénéfices avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) en flux de trésorerie.
Mme Baker salue la capacité de l’entreprise à maintenir la progression des coûts inférieurs à l’inflation, de partager ses bonnes pratiques dans tout le groupe et de réaliser des synergies à partir d’acquisitions grâce à son efficacité opérationnelle.
Eddy Chandonnet, gestionnaire de portefeuille et associé chez Medici, estime que le modèle d’acquisitions a fait ses preuves. «Couche-Tard cherche à accroître son réseau, ce qui augmente son pouvoir d’achat auprès des différents fournisseurs, explique-t-il en entrevue. Surtout, elle cherche toujours à acquérir de nouvelles expertises et de nouvelles façons de faire pour les intégrer au reste de ses magasins.»
Le gestionnaire de portefeuille croit que le grand axe de croissance pour les 10 ou 15 prochaines années va venir de l’Asie. «Elle n’y est pas présente, mais la direction a mentionné que la situation actuelle en Asie renvoyait à la situation des années 80 ou 90 en ce qui concerne le développement des réseaux de dépanneurs. Il y a énormément de potentiel d’acquisitions dans cette région. Il s’agit de trouver le bon partenaire ou la bonne équipe de direction qui sera responsable d’y gérer les activités.»
Steve Bélisle, gestionnaire de portefeuille chez Gestion d’actifs Manuvie, n’est cependant pas convaincu de la viabilité de l’entreprise. «Le marché donne beaucoup de crédit à Couche-Tard en ce qui concerne les acquisitions, dans le sens où le titre est évalué selon les acquisitions que l’entreprise continuerait potentiellement à faire. Quand on regarde le prix qu’elle a payé pour ses dernières acquisitions, on constate que celles-ci n’ont pas créé énormément de valeur.»
M. Bélisle cite la diminution du rendement sur le capital investi, qui tournait autour de 20 % il y a quelques années, mais qui a diminué depuis en dessous de la barre des 10 %. «L’évaluation du titre non plus n’est pas très attrayante, le rendement des flux de trésorerie étant de 4,2 %, ce qui n’est pas une très bonne évaluation vu ses difficultés. Nous sommes très réticents à accorder de la valeur à leur stratégie d’acquisition dans le futur. Si Couche-Tard paie en haut de 10 fois le BAIIA les prochaines acquisitions, nous pensons qu’elle créera très peu de valeur pour les actionnaires.»
WSP GLOBAL S’EST DIVERSIFIÉE POUR RÉDUIRE SON RISQUE
Il est difficile de parler du consolidateur WSP (WSP, 80,70 $) sans mentionner le fait qu’il porte le nom d’une acquisition. Au fil des transactions, l’ancienne Genivar est devenue un chef de file en ingénierie.
L’acquisition d’Orbicon, l’une des plus récentes transaction effectuée par l’entreprise (cinquième cette année), montre son intérêt de conquérir des pays où elle n’est pas présente. Elle donne plus de crédibilité à ses plans et à sa capacité d’augmenter sa présence dans les pays nordiques ainsi que dans les pays de l’Amérique latine, selon Magnus Meyer, directeur général de la division suédoise de l’entreprise.
Steve Bélisle, gestionnaire de portefeuille chez Gestion d’actifs Manuvie, aime la stratégie d’acquisitions menée par WSP depuis des années. «Avant, c’était Genivar. Elle a acheté une entreprise qui est plus grande qu’elle pour prendre son nom, ce qui était assez ambitieux et l’a amenée à un niveau plus élevé. Elle est passée d’un joueur local ou national à un joueur international. Ça lui a ouvert plusieurs portes, et elle continue à déployer des montants substantiels chaque année afin de faire de petites acquisitions qui donnent des rendements très attrayants et qui créent de la valeur. Sur le plan de l’exécution, ces acquisitions sont sans faille.»
Cette stratégie basée sur une sélection rigoureuse des pays où investit l’entreprise ne manque pas d’impressionner Mario Mainelli, gestionnaire de portefeuille chez Caldwell Investments Management. Il est particulièrement rassuré par le choix de WSP de s’établir dans des pays qui ont des programmes d’infrastructure à long terme, comme le Canada, les États-Unis et l’Australie.
Vulnérable à une récession ?
L’exposition de WSP à l’international la met-elle à risque en cas de récession ? WSP est bien positionnée en cas de ralentissement, pense M. Bélisle, parce que, contrairement à ses concurrentes, l’entreprise ne fait pas de construction, comme SNC-Lavalin (SNC, 17,95 $); elle fait purement de l’ingénierie.
Après le ralentissement dans le secteur énergétique en 2014 et 2015, WSP s’est diversifiée en dehors de cet environnement cyclique, souligne M. Mainelli. La société a développé les créneaux en croissance, comme le transport et l’infrastructure, qui représentent maintenant une grande partie de ses revenus.
Il pense d’ailleurs que la combinaison de croissance interne et d’acquisitions devrait permettre à WSP d’enregistrer une croissance des revenus supérieure à celle de l’industrie et d’offrir à ses investisseurs des rendements exceptionnels.
Benoît Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, ne manque pas de souligner les facteurs positifs qui permettront à l’entreprise de renforcer son image de chef de file. «Nous continuons d’aimer ce nom de qualité, déclare-t-il, car nous croyons que les occasions de création de valeur contenues dans le plan stratégique 2019-2021 sont de taille et réalisables vu le profil de flux de trésorerie de l’entreprise, la performance de l’équipe de direction et la prévisibilité de l’industrie.»
Les résultats du troisième trimestre seront dévoilés le 6 novembre prochain.
MTY : LE TEMPS DE SE CONCENTRER SUR LES ACTIVITÉS EXISTANTES
Pour Groupe MTY (MTY, 53,06 $), le temps pourrait être venu de se concentrer davantage sur les enseignes qu’elle détient plutôt que sur les cibles d’acquisitions potentielles. Si la stratégie de croissance par acquisitions du propriétaire de Tiki-Ming et de Valentine a remporté son lot de succès dans le passé, la faiblesse des ventes comparables, une mesure clé pour mesurer la croissance interne, inquiète certains experts.
C’est le cas de Steve Bélisle, de Gestion d’actifs Manuvie, qui croit que le franchiseur montréalais devrait prioriser l’amélioration de la performance de ses enseignes. «Le portefeuille de franchise n’est pas tellement bon, dit le gestionnaire de portefeuille. Ce n’est pas un jugement de valeur [sur le produit]. Si on regarde les chiffres, les ventes par magasins ont été négatives depuis plusieurs années, ce qui veut dire que la croissance interne est très mauvaise. Elle a plusieurs concepts qui sont essoufflés et qui perdent des parts de marché auprès des consommateurs.»
À 3,8 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) au 31 août, les dettes contractées par l’entreprise dans le cadre de récentes acquisitions limitent la capacité de MTY de réaliser des acquisitions à court terme, pense Elizabeth Johnston, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. «Nous ne pensons pas que la société va procéder à de larges acquisitions, quoique de petits ajouts demeurent possibles, commente-t-elle. D’ici la fin de l’exercice 2020, nous croyons que le ratio d’endettement reculera à 2,4 fois.»
Retarder les acquisitions «ne serait pas plus mal», ajoute M. Bélisle. «Lorsqu’on regarde l’allocation du capital, nous ne pensons pas que l’entreprise devrait en déployer davantage, surtout pas dans de plus grandes acquisitions, explique-t-il. Donc, avant d’aller dans cette direction, on aimerait qu’elle fasse un nettoyage de son portefeuille et qu’elle amène les franchises qui sous-performent à un taux de performance plus acceptable, et de démontrer qu’elle est capable de bien gérer ces franchises-là en plus de générer de la croissance. Lorsqu’on regarde l’évaluation, on comprend que le marché est d’accord avec cette idée, et il ne veut pas donner de capital à MTY pour de nouvelles acquisitions avant de voir une meilleure performance de celles qu’elle a déjà faites.»
S’il reconnaît que les ventes comparables ont été décevantes, Eddy Chandonnet, gestionnaire de portefeuille chez Medici, aime beaucoup l’équipe de direction, qui a fait preuve de discipline dans le passé, selon lui. Il croit que la société a encore du potentiel de croissance pour les investisseurs patients.
M. Chandonnet a une opinion favorable du nouveau PDG, Éric Lefebvre, arrivé en poste en novembre 2018 après le départ à la retraite du fondateur Stanley Ma. M. Lefebvre, qui était auparavant le chef des finances, a souligné qu’il souhaitait un regain des ventes comparables. «M. Ma a toujours été caractérisé comme étant très discipliné sur le prix qu’il paye, mais on ne voyait pas nécessairement une grande croissance sur le plan opérationnel, commente le gestionnaire de portefeuille. M. Lefebvre semble vouloir accorder de l’importance à cette croissance, surtout des ventes comparables. Je crois qu’il est fort possible de voir, dans les prochaines années de meilleures ventes comparables, ce qui n’est pas leur point fort pour l’instant.»
Les visées du nouveau dirigeant ne se sont pas encore concrétisées, comme en témoignent le recul des ventes comparables et la contraction des marges au troisième trimestre. Derek Lessard, de Valeurs mobilières TD, anticipe que la croissance interne sera nulle en raison de la croissance modeste des ventes en magasin au Canada, le risque et l’incertitude entourant le redressement de la franchise Papa Murphy’s, un taux élevé de fermetures de restaurants dans le réseau, ainsi que des coûts croissants. «Une amélioration opérationnelle concrète et un allègement du bilan seront la clé d’une évaluation plus généreuse.»