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Le ratio VE/BAIIA, un substitut sensé au cours/bénéfice

Simon Lord|Édition de la mi‑juin 2021

Le ratio VE/BAIIA, un substitut sensé au cours/bénéfice

Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et premier vice-président à la Financière Banque Nationale (Photo: courtoisie)

INDICATEUR CLAIR. Le ratio VE/BAIIA, ou valeur de l’entreprise divisée par le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement, est un indicateur de valeur d’entreprise que certains analystes préfèrent au ratio cours/bénéfice. Voici pourquoi. 

Le ratio VE/BAIIA se calcule en effectuant une simple division, soit en divisant la valeur de l’entreprise par le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA). Dans le contexte de l’évaluation d’une société publique, la valeur de l’entreprise représente l’addition de ses dettes avec sa capitalisation boursière (le nombre d’actions en circulation multiplié par la valeur du titre) et les actions privilégiées auquel on soustrait l’encaisse. 

Une des raisons pour utiliser ce ratio est d’amenuiser les erreurs d’interprétation liées aux écritures comptables, plus spécifiquement à la dépréciation des actifs et de l’amortissement, explique Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et premier vice-président à la Financière Banque Nationale. 

Selon l’analyse avec le ratio cours/bénéfice, l’entreprise A, par exemple, qui n’a aucune dette et qui a amorti la valeur de ses bâtiments, pourrait sembler moins attrayante que l’entreprise B, qui n’amortit pas ses actifs. C’est que l’entreprise A semble avoir des dépenses supérieures à l’entreprise B en raison des amortissements. « En fait, peut-être que l’entreprise A tire de meilleures marges de profit et comporte un meilleur potentiel de croissance, dit Cimon Plante. En calculant le ratio VE/BAIIA, on vient exclure la structure du capital de l’entreprise de notre analyse, ce qui réduit certains bruits. » 

Le ratio VE/BAIIA limite aussi les distorsions liées aux rachats d’action massifs, qui vont influer sur le ratio cours/bénéfice en faisant augmenter le profit par action.

 

Rajouter les dépenses en capital 

Chaque indicateur comporte les défauts de ses qualités. C’est certainement vrai pour le ratio VE/BAIIA. En excluant l’amortissement, ce ratio donne un portrait partiel de la rentabilité de l’entreprise.

Dans le cas d’un transporteur ferroviaire, par exemple, l’infrastructure demande beaucoup d’entretien, ce qui implique des coûts, explique Cimon Plante. « Pour une analyse plus fine et granulaire, l’étape suivante consiste donc à estimer les dépenses en capital nécessaires au maintien des actifs de la société, un coût pouvant être estimé en conservant une partie des dépenses en amortissements, et à les soustraire du BAIIA. »

Cela peut cependant représenter un gros travail pour un investisseur individuel, consent toutefois le gestionnaire de portefeuille. Il peut donc être plus commode d’opérer avec une règle empirique et de tenir pour acquis que les industries plus intensives en capital, comme celles du transport ferroviaire ou aérien, doivent assumer des coûts de maintien des actifs plus élevés que ceux dans des industries qui sont moins intensives en capital, comme celles des services, par exemple, ou des technologies.

 

Attention aux comparaisons

Même si le ratio VE/BAIIA ne tient pas compte de la structure du capital de l’entreprise, l’analyste individuel devrait autant que possible limiter ses comparaisons à des entreprises du même secteur, conseille François Bélanger, conseiller en placement chez BMO Nesbitt Burns.

François Bélanger, conseiller en placement chez BMO Nesbitt Burns (Photo: courtoisie)

« Parmi les banques canadiennes, par exemple, le ratio oscille normalement entre 20 et 25, dit-il. Par contre, même au sein d’un même secteur, on peut voir des écarts justifiables. En technologie, par exemple, on voit certaines entreprises avec un ratio de 2, et Amazon qui tourne plutôt autour de 29. »

Ce ratio sera également bien différent pour une jeune entreprise et une firme plus mature. Si une entreprise est en pleine croissance et réalise des pertes durant un ou deux trimestres, par exemple, le dénominateur du ratio — le BAIIA — sera négatif. « Le ratio n’a alors plus vraiment de sens, note François Bélanger. C’est pour cette raison qu’on va s’en servir davantage pour les entreprises plus matures, et que l’on regardera plutôt la croissance du chiffre d’affaires, par exemple, pour les entreprises en pleine croissance. »

Le conseiller en placement met un dernier bémol au sujet de cet indicateur : même si deux entreprises ont un ratio identique, elles ne sont pas nécessairement aussi attrayantes.

Admettons, pour prendre un exemple simplifié au maximum, que l’entreprise ABC a une capitalisation boursière de 10 millions de dollars (M$) et aucune dette, alors que l’entreprise XYZ a plutôt une capitalisation de 5 M$ avec un endettement qui est également de 5 M$. Les deux entreprises ont la même valeur, et peut-être un ratio VE/BAIIA similaire, remarque François Bélanger, mais la réalité de chaque firme est bien différente. « Aimeriez-vous mieux acheter une entreprise avec ou sans dettes ? L’endettement peut être justifiable, mais c’est important d’examiner les chiffres de près pour le déterminer, et finalement, s’assurer de faire une bonne analyse. »