La première option que suggère Olivier Giroux est de faire travailler les liquidités du couple en ouvrant un CELIAPP aux enfants lorsqu’ils auront 18 ans. (Photo: Dea Andreea pour Unsplash)
« J’ai 42 ans. Mon épouse a 40 ans et son salaire est de 95 000$. Nous avons deux enfants ensemble. Je suis cadre avec un salaire de 113 000$ et j’aurai droit à ma pleine pension à 58 ans avec le RRPE (Régime de retraite du personnel d’encadrement). Ma femme, à 62 ans, aura une pension du fédéral. Je suis également chargé de cours à l’Université où je cotise 9% et mon employeur 9% dans un régime. Mon salaire annuel y est de 45 000$. Nos CELI sont au maximum et les REEE des enfants aussi. Le REER nous fait peur, car le report de l’imposition se fera à notre retraite lorsque nous aurons une belle rente. Le REER reste-t-il la solution? — Sébastien »
Cher Sébastien,
Le revenu à la retraite est un sujet encore plus chaud en 2024 qu’il ne l’a été depuis le début du siècle (et même avant pour les plus expérimentés). La période inflationniste des deux dernières années a laissé des traces, et même ceux qui mettent beaucoup d’argent de côté à un âge assez jeune (maximiser son CELI à 42 ou 40 ans avec une famille, ce n’est quand même pas de la tarte, et je parle en connaissance de cause) veulent être sûrs d’en tirer profit le plus possible pour s’assurer de beaux jours après 65 ans ou encore parer aux éventuels problèmes de santé (merci, espérance de vie qui s’allonge!).
Tout le monde préfère ne pas survivre à son argent. Le hic, c’est que la Faucheuse n’envoie pas d’alerte à votre calendrier Outlook ou Google pour vous annoncer quel sera votre dernier jour sur Terre.
Une partie des gens préfère donc la version «fourmi» en vue de leur retraite à celle «cigale» pour s’assurer de ne pas manquer de carburant à cinq ou dix ans de la ligne d’arrivée.
REER ou pas REER?
Cela dit, Sébastien devrait-il avoir peur du REER? Ou, plus précisément, peur d’un montant supplémentaire d’impôt à assumer à la retraite?
«Rien ne démontre que le REER ne serait pas avantageux, estime le directeur régional principal chez Gestion de patrimoine TD, Émile Khayat. C’est mieux qu’un autre véhicule de placement qui ne procure pas d’avantage fiscal.»
Ce qu’il faut garder en tête, rappelle-t-il, c’est qu’avec le REER, on reporte de l’impôt à un moment ultérieur où on suppose que le taux d’imposition sera plus bas.
«Il n’y a pas de régime de retraite à prestation déterminée qui paye plus de 70% des meilleures années salariales, souligne-t-il. En partant de ça, ses revenus seront inévitablement inférieurs à la retraite.»
De plus, dans son cas, il n’aura pas à ajouter un montant en provenance de la Régie des rentes du Québec (RRQ) à son régime de retraite, dont la rente est diminuée pour tenir compte de celle payée par la RRQ. La somme du bas de laine des Québécois est coordonnée aux régimes du secteur public à l’âge de 65 ans, et le montant total reçu sera donc le même.
Rien ne sert de courir
Il pourrait par contre être intéressant d’être la tortue plutôt que le lièvre avec ses REER, note Olivier Giroux, conseiller en sécurité financière chez Services financiers O. Giroux Inc., un cabinet affilié à la Sun Life.
«De ce que je vois, son taux marginal d’imposition (TMI) se situe à environ 47%, calcule-t-il. Il n’a que 42 ans, son salaire devrait encore augmenter au cours des prochaines années. Il pourrait attendre de tomber avec un taux de 50% pour maximiser sa cotisation REER.»
Il est permis de penser que Sébastien ne devrait quand même pas attendre dix ans avant de changer de bracket et cotiser à son REER. Il perdrait alors tout le rendement qu’il pourrait accumuler au fil du temps.
Le REER demeure donc un excellent véhicule de placement pour Sébastien, malgré son revenu et l’impôt qu’il aura à payer à la retraite.
«Il faudrait de bonnes augmentations de salaire dans le futur pour que l’impôt soit plus élevé à la retraite que maintenant», tranche Olivier Giroux.
À moins que…
Autres revenus
À moins que Sébastien ne décide d’aller baigner dans l’immobilier à revenu. Si c’est le cas (malheureusement sa question n’en fait pas mention), il devra alors songer à investir dans un autre véhicule que le REER.
La raison est fort simple, explique Émile Khayat. À la retraite, il pourrait se retrouver avec plus de revenus que lorsqu’il était sur le marché du travail.
«Quelqu’un qui est dans la quarantaine, qui achète un ou deux immeubles à revenus et qui, au début, déclare beaucoup de dépenses pour rénovations et déductions pour amortissement, pourrait arriver avec un revenu zéro dans la déclaration d’impôt pour ces édifices, indique-t-il. Une fois à la retraite, par la force des choses, les dépenses vont avoir diminué, et des revenus imposables qui proviennent des immeubles vont s’ajouter à ses revenus imposables et mettre un peu de trouble dans sa planification fiscale.»
À ce moment-là, avec des revenus plus importants à la retraite qu’avant, le REER n’est pas la solution. Le hic? Les solutions de rechange n’offrent que peu de répit en matière de report ou de maximisation fiscale.
Investir dans des actions revient à imposer le gain en capital à 50% au moment de la vente, et tout revenu d’intérêt le sera à 100% (notamment les populaires certificats de placement garanti, CPG, en ce moment), rappelle Olivier Giroux.
«Ce qu’on peut faire, c’est de jouer sur quel type d’actif se retrouve dans quel type de compte, avance toutefois Émile Khayat. Si par exemple on a des placements non enregistrés, on met ce qui est le moins imposé là-dedans et ce qui est le plus imposé dans son CELI.»
Il existe également quelques produits d’assurance qui donnent des avantages fiscaux, ajoute-t-il. Mais à cause des frais de chargement (frais administratifs du programme) associés à ce type de produit, ça devient un véhicule de dernier recours pour la majorité des gens, estime-t-il.
Autres options
Le REER ne devrait donc pas être un spectre pour les futures finances du couple de Sébastien.
En plus de recommander de continuer ce qu’ils font déjà (maximiser REEE ET CELI), il existe quand même d’autres options que sa conjointe et lui pourraient explorer, même si ce n’est pas la panacée.
La première que suggère Olivier Giroux est de faire travailler les liquidités du couple en ouvrant un CELIAPP aux enfants lorsqu’ils auront 18 ans… ce qui peut être plus ou moins long avant d’investir, car Sébastien ne nous a pas mentionné l’âge de sa progéniture.
Il serait ainsi possible, à terme, d’y placer 80 000$ (8000$ maximum par an pour cinq ans pour deux enfants) dont les rendements seraient complètement à l’abri de l’impôt.
Bien évidemment, ni les sommes investies ni les reports d’impôt ne seraient au bénéfice de Sébastien et sa conjointe. Il fructifierait plutôt dans les mains de leurs enfants.
Si jamais leur générosité dépasse les frontières familiales, ils pourraient également faire un don à cause qui leur tient à cœur. En plus de venir en aide à un organisme, ils pourraient profiter d’un crédit d’impôt, mentionne Olivier Giroux.
Sinon, il reste les comptes non enregistrés dont le gain en capital sera imposé à 50% (au TMI de Sébastien au moment de la vente) ou encore les placements garantis, dont les intérêts seront imposés à 100% de son TMI.
On entend tellement parler des REER qu’ils finissent par se transformer en une bibitte pas très sexy. Mais force est d’admettre que leur double avantage (report d’impôt et rendement) est aussi difficile à égaler que la meilleure recette de votre chère maman. Ou qu’un départ sur un coin de rue en Tesla, même si votre «concurrent» se balade en Porsche ou en Ferrari.