Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Le retour des DINK

La Presse Canadienne|Publié le 25 avril 2023

Le retour des DINK

Les DINK ont un revenu disponible supérieur à celui des couples qui vivent ensemble et dépensent leur argent pour élever des enfants. (Photo: 123RF)

Sovereign Norris et son conjoint ne veulent pas avoir d’enfants.

«Sur le plan économique, de l’environnement, avec tout ce qui se passe comme les pandémies et les problèmes mondiaux, j’ai décidé que je ne voulais pas mettre un enfant au monde», affirme Mme Norris.

«J’ai en quelque sorte toujours su que je [ne voulais pas avoir d’enfants] […] Quand j’ai rencontré mon conjoint, il ressentait la même chose.»

Au lieu de cela, le couple de Vancouver a adopté un cochon d’Inde et économise pour un chien.

Les deux choisissent de dépenser leur argent pour des dépenses de base et des choses comme les voyages et les restaurants, tout en mettant le reste de côté pour leurs investissements et leurs économies.

Le couple de millénariaux fait partie des nombreux Canadiens qui adoptent le mode de vie à «double revenu, sans enfants» — que les anglophones surnomment «DINK», un acronyme pour «dual income, no kids». Cette appellation, apparue dans les années 1980, connaît aujourd’hui une résurgence en raison des conditions économiques et sociétales.

Les DINK ont un revenu disponible supérieur à celui des couples qui vivent ensemble et dépensent leur argent pour élever des enfants.

Au Canada, la plupart des estimations fixent le coût moyen pour élever un enfant chaque année jusqu’à l’âge de 18 ans dans une fourchette entre 10 000$ et 15 000$ — un prix que de nombreux jeunes adultes ne peuvent pas ou ne veulent tout simplement pas soutenir.

Pour Mme Norris et son conjoint, les principaux attraits du style de vie DINK sont la liberté financière et personnelle qui l’accompagne.

«À Vancouver, nous vivons au centre-ville, mais nous pouvons aller sur une île voisine, nous pouvons aller dans un Airbnb et nous pouvons investir et ne pas nous sentir en retard dans la vie», fait valoir Mme Norris.

«De façon générale, nous ne voulons pas d’enfants parce que nous venons de tomber amoureux de ce mode de vie.»

Parentalité plus tardive

Don Kerr, un démographe qui enseigne au Kings University College de l’Université Western, souligne qu’une partie de la raison expliquant que les gens ont leurs enfants plus tard dans la vie, ou renoncent complètement à la parentalité, remonte aux années 1980 et trouve sa source dans le fait que davantage de femmes ont commencé à entrer sur le marché du travail au Canada.

La participation des femmes au marché du travail n’a fait qu’augmenter depuis lors, et plus de femmes occupent aujourd’hui des emplois à temps plein qui nécessitent «un engagement de temps important», note-t-il, ce qui est probablement l’un des principaux facteurs qui convainquent les personnes de ne pas avoir d’enfants ou de retarder la parentalité aujourd’hui.

La pandémie de COVID-19, qui a «bousculé» la vie quotidienne, est également un facteur contributif, observe M. Kerr. Le taux de fécondité du Canada a atteint un creux record de 1,40 enfant par femme en 2020, soit l’année où la pandémie mondiale a été déclarée, selon Statistique Canada.

Il y a probablement d’autres facteurs en jeu aujourd’hui, souligne M. Kerr, comme le coût du logement, qui est hors de portée pour plusieurs, la forte inflation et le fait que davantage de personnes se tournent vers les cliniques de fertilité à la fin de la trentaine et au début de la quarantaine.

Mais en filigrane de tous ces facteurs, poursuit M. Kerr, se trouvent les difficultés auxquelles sont confrontés de nombreux jeunes adultes lorsqu’ils tentent de s’établir économiquement au Canada — un problème exacerbé par la précarité croissante du travail.

«Les personnes qui luttent le plus économiquement à mon avis sont celles qui essaient de s’établir sur le marché du travail, affirme-t-il. Et alors, de qui parle-t-on? Nous parlons de jeunes adultes qui quittent l’école secondaire, le collège ou l’université, ainsi que de nouveaux Canadiens.»

Un projet comme un autre

Angela Iermieri, planificatrice financière chez Desjardins, souligne que les gens devraient considérer l’idée d’avoir des enfants comme n’importe quel autre projet ou objectif qu’ils ont dans la vie.

«Il faut s’informer et s’éduquer sur l’aide qu’on peut obtenir, qu’il s’agisse de l’aide gouvernementale ou de conseils sur la façon de s’aider à économiser pour [y arriver]», recommande-t-elle. Par exemple, elle suggère de recevoir des conseils d’un planificateur financier, de rechercher différentes aides gouvernementales disponibles pour les parents comme l’allocation canadienne pour enfants, de déterminer le coût de la garde d’enfants selon l’endroit où l’on vit, ainsi que de déterminer le revenu qui sera disponible lors des congés parentaux.

«Il existe des moyens pour s’aider à mettre cet argent de côté et pour se guider tout au long de ce processus, donc cela ne devrait pas être un obstacle», estime Mme Iermieri.

Quant aux personnes qui choisissent d’être des DINK, Mme Iermieri recommande d’avoir une conversation ouverte sur la façon dont le ménage envisage de gérer ses finances.

«Est-ce en fonction du ratio de revenus? Est-ce que tout va être partagé en parts égales? Le partenaire qui a un revenu plus élevé va-t-il assumer une plus grande part des dépenses ou des économies?» observe-t-elle.

«Cela doit être pour le budget d’aujourd’hui, mais aussi pour les objectifs et plans à long terme.»

Mme Norris offre des conseils similaires à ceux qui envisagent le style de vie DINK.

«Il est vraiment important d’avoir des discussions transparentes sur ses objectifs financiers», estime-t-elle.

«C’est tentant de se dire: “Oh, j’ai tout cet argent supplémentaire, je vais juste partir en voyage”. On peut le faire, mais on peut aussi faire un budget en conséquence.»