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Les finances personnelles ne sont pas que des maths

Charles Poulin|Édition de la mi‑novembre 2023

Les finances personnelles ne sont pas que des maths

(Photo: 123RF)

Les finances personnelles, est-ce seulement une question de mathématiques ou y a-t-il quelque chose de plus profond qui fait qu’on accroche ou qu’on décroche ?

Les Affaires voulait comprendre, en ce début de novembre, qui est le mois de la littératie financière, pourquoi une grande partie de la population ne prenait pas ses finances personnelles en main, laissant ainsi passer une occasion de sécuriser leur présent, leur avenir ou encore de réaliser les objectifs qui leur tiennent à coeur.

Après tout, ce n’est pas l’information qui manque, avec tout ce qu’on peut trouver sur le Web, ni les outils, avec toutes les fintechs qui voient le jour depuis quelques années. Sans parler des conseillers financiers, planificateurs financiers, fiscalistes, comptables et tous les autres professionnels disponibles sur le marché.

La littératie financière comporte trois éléments, note Annick Kwetcheu Gamo, fondatrice et directrice générale de Code F, un organisme spécialisé en éducation financière. Les connaissances, les compétences et la confiance. À son avis, on insiste beaucoup sur les deux premiers éléments, mais pas assez sur le dernier.

«Pour moi, il faut se défaire de l’idée que pour adopter de saines habitudes de gestion de ses finances personnelles, il faut simplement savoir compter ou ce qu’est un taux d’intérêt et comment ça fonctionne, tranche-t-elle. Il faut que les gens comprennent l’importance de développer leur confiance en leurs aptitudes en matière de finance. Une personne doit se sentir assez à l’aise pour prendre les meilleures décisions financières pour elle-même.»

 

Motivation importante

Pour avoir pleinement confiance dans les décisions financières à venir, Annick Kwetcheu Gamo estime que les gens doivent déterminer leurs motivations profondes quant à leurs objectifs de vie et à leurs finances personnelles.

«Il faut véritablement se demander pourquoi ça ne nous intéresse pas, plaide-t-elle. Malgré tout ce qui existe, plein de gens ne prennent pas ou prennent peu d’actions pour gérer leurs finances personnelles.»

Il y a bien sûr les personnes qui ont une relation traumatique avec l’argent, qui ont une appréhension qui provient de leur enfance. «J’ai beaucoup de clients qui pleurent seulement en entendant le mot budget, raconte Annick Kwetcheu Gamo. Pour eux, c’est un symbole de privation.»

Mais pour d’autres qui ont les moyens et n’ont pas de barrières intrinsèques, simplement parler d’argent semble leur passer six pieds par-dessus la tête. «Il faut alors mettre le doigt sur ce qui motive réellement une personne et dresser un plan financier en conséquence», dit-elle.

 

Portrait de vie

Parler de retraite si une personne n’a pas l’intention de prendre sa retraite (oui, ça existe !), lui parler de REER est probablement l’équivalent d’échapper son allume-feu au fond du lac.

Dans ce cas-là, il faut aborder avec cette personne ses objectifs de vie à 50, 60 et 70 ans, indique Annick Kwetcheu Gamo. OK, elle sera encore au travail. Mais quel est le portrait global ? Va-t-elle vouloir ralentir un peu? Si oui, a-t-elle pensé comment elle comblera ce manque de revenus ?

«Il faut lui demander “À quoi ressemblera ta vie ?” soutient-elle. Y aura-t-il eu un changement de carrière, des enfants ? Il faut brosser un portrait de vie qui contient les objectifs de la personne. On revient encore avec ses motivations profondes.»

 

Desserrer la cravate

À ce sujet, Annick Kwetcheu Gamo entend et aperçoit les signes que ce ne sont pas tous les conseillers et planificateurs financiers qui sont disposés et ouverts à ce type de discussion plus poussée avec leurs clients.

Elle en veut pour preuve les nombreuses personnes qui viennent la consulter en affirmant que leur conseiller financier leur parle seulement lors de la saison des REER ou qu’il est très axé sur la vente de produits.

Elle parle aussi des pages Facebook qui prodiguent des conseils sur les finances personnelles, dont certaines regroupent plus de 100 000 abonnés.

«Si les gens vont sur Facebook pour recevoir de l’aide, c’est parce qu’ils ne se sentent pas écoutés par leur conseiller, croit-elle. Je crois que les conseillers et planificateurs auraient parfois avantage à se desserrer la cravate.»