Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Les qualités des investisseurs qui se démarquent

Stéphane Préfontaine|Édition de juillet 2019

EXPERT INVITÉ. Des étudiants en finance me demandent souvent quelles qualités sont requises pour devenir un très bon investisseur. C’est une question centrale non seulement pour les jeunes qui cherchent à orienter leur carrière, mais aussi pour ceux qui cherchent un gestionnaire de portefeuille. Voici mes observations sur les qualités qui mènent au succès.

1. Honnêteté intellectuelle et personnelle

Recherchez l’objectivité et la vérité, peu importe votre ego ou celui des autres. Donnez son dû à qui le mérite, acceptez la critique constructive et admettez vos erreurs ; vous augmentez ainsi vos chances de trouver le meilleur investissement. Ray Dalio, de Bridgewater, parle de vérité et transparence « radicales ».

2. Curiosité vorace/« Machine à apprendre »

L’investisseur à succès ne compte pas ses heures. Il aime vraiment apprendre au point où ce n’est plus un travail, mais bien une passion. C’est une personne qui se pose continuellement des questions et possède un penchant naturel à vouloir comprendre une foule de sujets, à aller au fond des choses et à résoudre des problèmes. En somme, elle a le feu sacré de l’étudiant perpétuel.

3. Connaissances transversales

Avec un CFA ou une maîtrise en finances, les étudiants ont un bon début de parcours. Mais il leur reste un long chemin pour se démarquer, qui consistera à développer un ensemble de connaissances transversales tout au long de leur vie, y compris l’histoire, la psychologie, les sciences, la politique, la philosophie, les cultures et le droit.

4. Éthique de travail

Il faut aimer consacrer une quantité considérable d’effort et de préparation pour résoudre un problème ou analyser une situation. Sans travail acharné ni recherche approfondie, il est impossible de générer suffisamment de conviction pour prendre des positions significatives dans certains titres individuels ; sans positions significatives, il est difficile d’obtenir des rendements supérieurs à long terme.

5. Tempérament

Les qualités intellectuelles ne suffisent pas. Certains des meilleurs théoriciens de la finance sont de piètres investisseurs. La raison réside à mon avis en des qualités de tempérament, qui mettent en cause des couches différentes du cerveau :

> Jugement : c’est un sujet vaste et complexe, mais disons simplement que cela s’acquiert par la pratique lorsqu’on est confronté à des problèmes de nature diverse et qu’on apprend, dès un jeune âge, à les résoudre par l’observation et la réflexion, dans un esprit ouvert et souple.

> Discipline : elle a entre autres deux composantes. Premièrement, il faut savoir faire des efforts et des sacrifices en vue d’en récolter les fruits plus tard. Dans le cas de l’investissement, essentiellement on retarde la consommation et on prend un risque dans l’espoir d’obtenir un bénéfice supérieur dans le futur. Deuxièmement, il faut créer un processus décisionnel, avec notamment des listes de contrôle et une documentation rigoureuse, pour s’assurer de ne pas corrompre sa pensée par ses émotions.

> Patience : ne soyez jamais pressé. Pouvoir attendre la balle facile sans subir de pression indue, c’est la clé du succès en investissement. C’est plus difficile à faire qu’à dire. Charlie Munger, l’associé de Warren Buffett, parle de « patience extrême » où il pouvait attendre avec ses liquidités de nombreuses années sans rien faire, pour ensuite investir décisivement. Il a ainsi généré un rendement moyen annuel de 19,8 % de 1962 à 1975 comparé à 5 % pour le Dow Jones, une surperformance annuelle d’environ 15 %.

> Courage et résilience : investir implique de prendre des risques avec de l’information incomplète. Bien investir implique d’acheter à contre-courant, ce qui est temporairement en défaveur, mais de bonne qualité. On peut diminuer les risques en s’informant davantage, mais il reste que le courage est toujours requis. La résilience est nécessaire face aux échecs normaux qui font partie de la vie d’un investisseur.

> Indépendance : ne pas avoir psychologiquement besoin d’être en tout temps validé ou populaire est crucial. Être capable d’avoir « l’air fou » pendant un certain temps sans flancher ; cela permet d’aller à contre-courant au bon moment et d’attendre le redressement d’une situation.

> Le sens de la compétition et de l’opportunisme : savoir quand et où investir en choisissant ses batailles ; reconnaître quand on a un avantage informationnel, ou quand on peut s’insérer favorablement dans une distorsion de marché.

> Humilité : quiconque investit comprend qu’il s’agit essentiellement de prédire l’avenir et qu’il y a très peu de certitudes. Mieux vaut aborder cela avec humilité, en pensant en termes de probabilités et en gardant toujours en tête qu’on peut se tromper. Être trop catégorique ou se vanter de ses succès n’aide pas à obtenir une bonne moyenne à long terme. En revanche, connaître et accepter ses limites aide.

EXPERT INVITÉ
Stéphane ­Préfontaine
, ­LLM, ­MBA, est président de ­Préfontaine ­Capital inc.