(Photo: John Schnobrich pour Unsplash)
ENTRE LES LIGNES. Peu d’investisseurs se préoccupent des dividendes que leur versent leurs entreprises lorsque les marchés grimpent, comme c’est le cas depuis plusieurs mois. Que m’importe un dividende de 0,25$ l’action quand un titre s’est apprécié de 10,00$ au cours des derniers mois ? Il ne faut pas oublier une chose:les dividendes génèrent une proportion importante des rendements à long terme des marchés boursiers.
Saviez-vous, par exemple, qu’au cours des 20 dernières années, de la fin 1999 à la fin 2019, les dividendes ont procuré pas moins de 42,4 % du rendement de 6,25 % enregistré durant la période par le principal indice boursier canadien, le S&P/TSX Total ? Même pour l’indice S&P 500 Total américain, plus du tiers des rendements des 20 dernières années est provenu des dividendes des titres qui le composent (voir le tableau).
Je crois que les rendements boursiers seront sensiblement moins élevés dans les prochaines années qu’ils ne l’ont été au cours des 10 dernières (en raison, notamment, de leur évaluation historiquement élevée présentement, d’une hausse probable des taux d’intérêt au cours des prochaines années et de la possibilité que les taux d’imposition des entreprises augmentent). Les dividendes pourraient donc prendre une importance accrue dans les années à venir. Par ailleurs, j’ai remarqué que plusieurs de nos sociétés avaient majoré leur dividende ces dernières semaines et je suis d’avis que cette tendance pourrait très bien se poursuivre durant plusieurs années.
Un bel exemple est la société Metro (MRU, 53,15$), que nous détenons dans nos portefeuilles depuis plusieurs années. À son plus récent trimestre clos le 31 décembre, la direction a annoncé une majoration de 11,1 % de son dividende trimestriel, à 0,25$ l’action. Il s’agit d’une 26e hausse annuelle consécutive du dividende de la société. À son cours récent, le titre offre un rendement en dividendes de 1,8 %. Compte tenu de la solide santé financière de la société et de sa capacité à dégager des flux de trésorerie libres substantiels, je crois qu’elle continuera d’accroître son dividende annuel dans les années à venir.
Certains diront qu’un rendement moyen en dividendes de 1,8 % n’est pas très attrayant. Je contrerais en comparant cela à un rendement en intérêts de près de 1 % pour une obligation 10 ans du gouvernement canadien. De plus, un dividende est fiscalement plus attrayant qu’un revenu d’intérêt:pour un particulier canadien imposé aux taux les plus élevés, un intérêt est imposé à environ 53 % alors qu’un dividende déterminé canadien est imposable à environ 40 %. De plus, contrairement aux intérêts sur les obligations qui restent fixes, les dividendes de sociétés ont tendance à augmenter d’année en année.
Flexibilité financière Cela dit, je ne suggère pas aux investisseurs d’acheter un titre simplement en fonction du dividende versé par une entreprise et par le rendement de ce dividende. De nombreuses sociétés versent des dividendes qui surpassent leurs flux de trésorerie libres, ce qui est insoutenable à long terme et pourrait les placer en difficulté financière au moindre revers. Aussi, certaines entreprises choisissent de ne pas verser de dividende afin de s’assurer une flexibilité financière pour réaliser des acquisitions ou pour racheter des actions.
Je recommande plutôt de concentrer votre attention sur les flux de trésorerie libres des entreprises, ce qui reste dans leurs poches après qu’elles ont investi dans leur fonds de roulement et dans leurs immobilisations. Ce sont ces flux libres qui confèrent une flexibilité financière à une entreprise et qui leur permettent d’envisager les meilleures options pour l’utilisation de son capital, que ce soit de rembourser sa dette, de réaliser des acquisitions, d’investir dans sa croissance interne, de racheter des actions ou de verser des dividendes.
Dans les conditions de marché actuelles, peu d’investisseurs semblent accorder d’importance aux dividendes des entreprises. Je soupçonne que cela pourrait changer lorsque la vague spéculative sera derrière nous.
Concentrez votre attention sur les flux de trésorerie libres des entreprises, ce qui reste dans leurs poches après qu’elles ont investi dans leur fonds de roulement et dans leurs immobilisations.
EXPERT INVITÉ
Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez Cote 100 et éditeur de la Lettre financière Cote 100.