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L’indicateur Buffett, pertinent, mais imparfait

Simon Lord|Édition de la mi‑Décembre 2022

L’indicateur Buffett, pertinent, mais imparfait

L'indice a été proposé pour la première fois en 2001 par l’investisseur Warren Buffett. (Photo: Getty Images)

Proposé pour la première fois en 2001 par l’investisseur vedette Warren Buffett, l’indicateur Buffett continue d’être au-dessus des moyennes historiques. Un mauvais présage pour les marchés américains? Tour d’horizon d’un ratio qui continue d’attirer l’attention.

Mathématiquement, l’indicateur Buffett est plutôt simple. On l’obtient en divisant l’ensemble des capitalisations boursières d’un pays par son produit intérieur brut.

Au moment de proposer ce ratio, dans un article publié dans Fortune et co-rédigé avec la journaliste Carol Loomis, le sage d’Omaha estimait qu’il s’agissait « probablement de la meilleure mesure unique de la situation des valorisations à un moment donné ».

Il expliquait alors que si le ratio approche 200 %, comme cela a été le cas en 1999 et en 2000, « vous jouez avec le feu ». Autrement dit, les marchés sont surévalués. Et si l’indicateur pointe davantage vers les 70 % ou 80 %, l’achat d’action pourrait au contraire s’avérer profitable pour les investisseurs.

Et c’est précisément ce à quoi sert l’indice : à avoir une idée de la valorisation du marché. Est-il surévalué? Sous-évalué? Ou peut-être est-il simplement bien évalué?

« Dans l’ensemble, c’est une bonne mesure qui permet de mettre le marché en perspective dans nos démarches pour déterminer s’il est cher ou non », explique Guy Côté, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale. 

« Ce n’est pas l’indice ultime, mais ça nous donne une indication. »

 

Au-dessus de la moyenne 

En février 2021, l’indicateur Buffett a atteint un sommet historique en franchissant la barre des 200 %. Depuis, les marchés ont reculé, et l’indicateur est lui aussi retombé. 

À la mi-octobre, avec un PIB américain annualisé de 25,5 billions de dollars et une valorisation de 39,1 billions de dollars pour l’ensemble des marchés, selon des chiffres du site web Current Market Valuation, le ratio était de 151 % pour les États-Unis. 

« Ça reste au-dessus des moyennes historiques, mais avec les bourses qui baissent, on revient dans une fourchette plus raisonnable dans laquelle le marché est mieux évalué », indique Guy Côté, qui se sert l’indice dans ses analyses. Il note toutefois que l’utilisation de celui-ci au Canada est plus délicat compte tenu que les marchés canadiens sont plus cycliques, puisque davantage basés sur les ressources. 

Le gestionnaire note également que le ratio ressemble passablement au ratio cours-bénéfice. « On peut et on devrait d’ailleurs le regarder en même temps que l’indicateur Buffett puisqu’on ne devrait jamais se fier à seulement un ratio en isolation. » 

Car l’indice Buffett, comme tous les autres, n’est pas sans pièges.

 

Quelques bémols 

Warren Buffett était le premier à l’admettre : son ratio est imparfait. « Le ratio a certaines limites », écrivait-il dans son article dans Fortune. 

Le premier bémol est que les marchés publics ne représentent pas l’ensemble des entreprises d’une économie, explique Lucas Blouin, gestionnaire de portefeuille adjoint chez Gestion de portefeuille stratégique Medici. 

« La ratio ne tient compte que des entreprises publiques. Mais la proportion d’entreprises publiques et d’entreprises privées peut changer dans le temps. Et s’il y a plus d’entreprises publiques, le ratio sera plus élevé », note Lucas Blouin. Mais cela ne signifie pas nécessairement que le marché est surévalué, ou du moins, plus dispendieux. 

Le second bémol que note le gestionnaire de portefeuille est que le ratio fait abstraction de la profitabilité des entreprises : « Ce qui donne de la valeur aux entreprises, c’est le fait qu’elles dégagent des profits. » 

C’est donc un des premiers éléments – la profitabilité – dont il dit tenir compte dans ses analyses. Pour cette raison, s’il veut déterminer si le marché est surévalué, il aura tendance à regarder davantage le ratio cours-bénéfice pour l’ensemble du marché. 

« Mais encore là, on ne prend pas de grandes décisions d’investissement en fonction de ratios comme ceux-là, dit le gestionnaire de portefeuille. Parce que même si le marché dans l’ensemble est surévalué, ça ne veut pas dire qu’il n’existe aucune entreprise intéressante à détenir en portefeuille. » 

Le troisième bémol est tout aussi important. Lucas Blouin note que les entreprises sont de plus en plus internationales. « C’était une réalité en 2001, mais c’est encore plus vrai aujourd’hui. »

Une entreprise, par exemple, peut détenir des entrepôts en Europe. Mais bien que cette activité économique ne soit pas comptabilisée dans le PIB américain, la valeur de l’entreprise, elle, en tiendra compte.

« C’est une autre discordance à noter, dit Lucas Blouin. Au final, si l’indicateur n’est pas mauvais dans l’ensemble, je dirais qu’il faut l’utiliser avec parcimonie, et surtout, en combinaison avec un nombre d’autres indicateurs. »