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Hermès, Louis Vuitton, Gucci, Cartier, Prada, Ferrari… Qui n’a pas déjà rêvé de posséder une voiture, un sac à main, une montre ou un collier d’une marque de luxe? L’attrait pour ces produits ne se dément pas malgré le ralentissement économique mondial qui pointe à l’horizon. Des experts expliquent comment tirer partie de l’engouement continu pour les objets de valeur.
Si on dit que la clientèle aisée qui peut se procurer des produits de luxe est peu affectée par les cycles économiques, est-ce que les titres de l’industrie peuvent être considérés comme «défensifs»et constituer un rempart efficace contre une éventuelle récession ? «Il y a des éléments qui nous font penser qu’avec ce que nous vivons actuellement, l’industrie du luxe gardera son côté défensif», estime Nicolas Budin, responsable de la gestion des actions européennes à Myria AM, société de gestion de l’Union financière de France (UFF, 13,70 €, Bourse de Paris), une banque spécialisée dans la gestion de patrimoine.
Parmi ces éléments, il souligne que l’épargne accumulée durant la COVID aux États-Unis, en Europe et au Japon totalise 3500 milliards de dollars américains (G$US). «Ça ne veut pas dire que toute cette épargne sera dépensée exclusivement dans le luxe, mais c’est un matelas qui permet aux gens d’investir par exemple dans un sac Louis Vuitton, qui perdra un peu moins de sa valeur avec le temps», illustre-t-il.
Ce dernier explique toutefois que dans l’écono-mie mondiale, l’industrie du luxe reste relativement petite. Selon le Forum économique mondial, le produit intérieur brut de tous les pays du monde a totalisé un peu plus de 94 000 G$US l’an dernier; une croissance de 3,2% est attendue cette année, qui devrait ralentir à 2,7 % en 2023.
Quant à l’industrie des produits de luxe, sa taille a été évaluée à 288 milliards d’euros (290 G$US) l’an dernier par la société Bain & Company qui, selon un scénario optimiste, entrevoit une croissance entre 10 % et 15 % cette année, pour un marché total de 320 à 330 milliards d’euros (322 à 332 G$US). L’étude prévoit que d’ici 2025, le marché du luxe aura une valeur de 360 à 380 milliards d’euros (363 à 383 G$US).
De son côté, Statista estime que les revenus de l’industrie mondiale du luxe atteindront 312,6 G$US cette année, selon des données mises à jour en juin. Ces revenus devraient atteindre 382,2 G$US en 2025 et 406,7 G$US deux ans plus tard. Cela donne un rendement annuel moyen composé de 5,4% pour la période 2022-2027.
À la Bank of America, l’analyste Ashley Wallace estime que sur le marché américain, la demande pour les produits de luxe, tout en demeurant élevée, a commencé à ralentir en septembre. «Au troisième trimestre, le taux de croissance annuel composé sur trois ans s’est chiffré à 16 %. Toutefois, en septembre, il n’a été que de 13 %, comparativement à 15 % en août et à 18% en juillet», dit-elle.
«Le luxe progresse plus rapidement que l’économie mondiale dans son ensemble. Ça ne fonctionnerait pas jusqu’à l’infini, mais en ce moment, sur un horizon de dix ans, c’est le cas», dit Nicolas Budin, ajoutant que beaucoup de gens, notamment en Chine, accèdent à un niveau de vie de classe moyenne comparable à celui des pays occidentaux. Comme le pays constitue à lui seul le tiers de la consommation mondiale de produits de luxe, il soutient que c’est un élément vraiment important dont il faudra tenir compte si les autorités chinoises allègent la politique du zéro COVID.
Selon John Plassard, directeur à Mirabaud, groupe bancaire et financier international basé à Genève, l’industrie du luxe n’est pas totalement immunisée contre les récessions, mais ce serait une erreur de vendre les participations dans les grands noms du secteur malgré les turbulences macroéconomiques du moment.
À son avis, des entreprises comme Hermès (RMS, 1361 €, Bourse de Paris) et Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH) (MC, 661,30 €, Bourse de Paris) ont en effet le pouvoir d’augmenter les prix, ce qui peut protéger les titres contre une forte inflation sans affecter la demande pour les produits de leurs marques. Au moment de dévoiler les résultats financiers du troisième trimestre, la direction d’Hermès a par exemple affirmé qu’elle allait relever les prix de ses produits de 5 % à 10 % en janvier prochain, ce qui se compare à une augmentation moyenne de 4 % cette année. Le chef de la direction financière de l’entreprise, Eric du Halgouet, a précisé que la hausse normale des années précédentes était plutôt de l’ordre de 2 %.
Nicolas Budin confirme:«Ces entreprises arrivent à refiler les hausses des cours des matières premières ou des salaires sans aucune difficulté. Dans le luxe, la marque peut avoir un poids jusqu’aux deux tiers de la valeur du produit. C’est un actif primordial. La demande pour ces produits fait en sorte que l’effet d’une augmentation des cours des matières premières ou autre est réduite par rapport à des produits moins haut de gamme», explique-t-il.
S&P Global Luxury
Si l’industrie du luxe peut constituer un rempart contre l’inflation et les turbulences sur les marchés boursiers, un indice mondial de sociétés de produits de luxe, le S&P Global Luxury, a tout de même encaissé une perte de 30% depuis le début de l’année, comparativement au recul de 20 % pour l’indice phare de la Bourse de New York, le S&P 500.
L’indice englobe 80 titres de l’industrie mondiale du luxe. Au 30 septembre, il regroupait entre autres 34 entreprises américaines, 8 à Hong Kong, 7 en France, 7 en Italie et 6 en Corée du Sud. Les principales capitalisations boursières sont LVMH, Compagnie financière Richemont (CFR, 101,55 francs suisses, Bourse de Zurich), Tesla (TSLA, 225,80 $US), Hermès International et Kering (KER, 474,50 €, Bourse de Paris).
Au cours des dix dernières années, cet indice a généré un rendement annuel moyen composé de 8,05 %, selon des données fournies par S&P Global. Les investisseurs qui souhaiteraient acheter ce panier de titres peuvent le faire par les fonds négociés en Bourse (FNB) offerts par l’entreprise Amundi, nommés Amundi S&P Global Luxury UCITS, sous les symboles GLUX (en euros) et LUXU (en dollars américains).
Pierre Bismuth, directeur général et responsable des gestions à Myria AM, possède une participation dans le FNB GLUX depuis 2014. «Je le suis très bien depuis huit ans. Le panier n’est pas immunisé contre les récessions ni contre les coups de mou des marchés des actions, mais sur une longue période, la performance est assez incroyable et permet de jouer à fond la diversification géographique et des dynamiques de marché», dit-il, ajoutant que l’indice est pondéré par tailles de capitalisations boursières, ce qui fait en sorte que les plus grandes entreprises y sont les mieux représentées.
Nicolas Budin ajoute que la faiblesse de l’indice S&P Global Luxury cette année provient de titres «moins luxueux», comme le fabricant de chaussures Nike (NKE, 92,13 $US) et les entreprises de vins et spiritueux Pernod-Ricard (RI, 175,80 €, Bourse de Paris) ou Diageo (DGE, 3531 livres sterling, Bourse de Londres).
Ce dernier est aussi adepte de la sélection de titres individuels et mise en ce moment sur les entreprises très présentes en maroquinerie, secteur qui offre des marges bénéficiaires supérieures à 40 %, comparativement à 10 % pour la joaillerie.
Le gestionnaire utilise aussi l’indice MSCI World Consumer Discretionary, un indice mondial qui regroupe les titres de moyenne et de grande capitalisation de l’industrie de la consommation discrétionnaire dans 23 marchés développés, à titre de référence pour analyser la performance de ses participations dans l’industrie du luxe.