À PORTEFEUILLE OUVERT. LES AFFAIRES – Comment votre formation scientifique influence-t-elle votre façon de gérer ...
À PORTEFEUILLE OUVERT.
LES AFFAIRES – Comment votre formation scientifique influence-t-elle votre façon de gérer des fonds ?
Peter Hofstra – Comme je n’arrivais pas du milieu, les étiquettes traditionnelles de « croissance » et de « valeur » avaient peu de sens pour moi. Je m’intéressais davantage aux facteurs qui améliorent les chances d’obtenir une performance constante dans le temps. La croissance est ce qui définit le parcours d’une entreprise, qu’elle se négocie à 12 ou à 20 fois ses bénéfices. J’étais donc disposé à considérer des entreprises au fort potentiel de croissance, sans être trop sensible au prix payé. J’ai aussi systématisé le processus de choix de titres et la structure des portefeuilles pour encadrer les pratiques de toute l’équipe.
L.A. – Quel facteur vous apparaît plus important ?
P.H. – L’objectif est de surpasser nos indices de référence avec moins de volatilité sur des périodes mobiles de trois ans. Le meilleur moyen d’y arriver est de miser sur les entreprises de haute qualité pour minimiser le risque. Une société qui dégage des flux excédentaires et qui bénéficie d’un bilan robuste peut traverser bien des tempêtes et alimenter sa propre croissance. Nous recherchons aussi des sociétés capables de dégager un rendement de l’avoir des actionnaires d’au moins 12 %. Puisque nos fonds contiennent peu de titres, plus le potentiel nous paraît élevé par rapport au risque, plus le titre occupe une grande place en portefeuille. S’il devient trop imposant, nous vendons une partie des actions.
L.A. – Alphabet, Amazon et Microsoft figurent parmi vos principaux placements. Comment percevez-vous le risque accru de sanctions réglementaires ?
P.H. – C’est un risque à court terme pour toute l’industrie qui fait partie de notre analyse. En prenant du recul, nous croyons que l’Europe et les États-Unis ne voudront pas affaiblir ces champions occidentaux de la techno au moment où la Chine s’affirme. Les autorités doivent aussi tenir compte des nombreux services gratuits ou à petit prix que ces sociétés procurent aux consommateurs. Microsoft est souvent donnée en exemple parce que son titre avait vivoté de longues années en Bourse pendant l’enquête sur ses pratiques anticoncurrentielles, le jugement qui a suivi et la procédure d’appel. J’estime toutefois que sa mauvaise performance tient surtout au fait que la société a raté le virage mobile en cherchant à surprotéger son système d’exploitation. Alphabet devrait bien se tirer d’affaire. De plus, son titre n’est pas particulièrement cher.
L.A. – La pandémie a-t-elle bousculé vos façons de faire ?
P.H. – On n’a jamais autant fait de transactions. On ressort le Rolodex des candidates de placements quand le marché est disloqué. Nous avons acheté nos premières actions d’Amazon (AMZN, 3110,28 $ US), depuis mon arrivée à la barre en août 2019, pendant sa chute jusqu’à 1626 $ US à la mi-mars. Son évaluation était tombée à environ 35 fois les profits prévus. Dans le secteur de la santé, nous avons acheté de l’équipementier médical Stryker (SYK, 225,22 $ US). Par la suite, nous avons réduit la taille de ce placement en octobre avant les élections en raison du risque que l’Obamacare soit invalidée. Cela aurait potentiellement fait perdre l’assurance-maladie à des dizaines de millions de patients. Ce risque ayant diminué si l’on se fie aux signaux envoyés par la Cour suprême, nous avons récemment ajouté à Stryker et racheté Abbott Labs (ABT, 11,95 $ US) (vendu pendant l’été). Ces deux placements devraient maintenant profiter du retour à la normale des procédures médicales. En revanche, nous avons vendu nos actions d’Apple (APPL, 119,21 $ US) peu avant son sommet. Son titre était devenu plutôt cher par rapport au taux de croissance. Nous avons aussi délesté une partie de nos actions de Canadian Tire (CTC, 215,00 $), achetées il y a deux ans à bon prix parce que les bonnes ventes d’articles essentiels pendant la pandémie ont accéléré l’appréciation de son action.
L.A. – Vous détenez Visa aux côtés de banques dans le secteur financier. Les nouveaux modes de paiement sont-ils une menace ?
P.H. – Nous avons à l’œil les nouvelles solutions de paiement, mais le duopole de Visa (V, 208,26 $ US) et Mastercard (MA, 328,29 $ US) bénéficie encore d’un fort avantage concurrentiel. Les fonds élevés que génèrent ces deux émetteurs de carte de crédit financent les investissements dans leur plateforme pour qu’elle reste le cœur des systèmes de paiement. Ces émetteurs pourraient même avaler de nouveaux venus. Il y aura sûrement des soubresauts en cours de route, mais ces deux sociétés devraient encore procurer un rendement décent à long terme.