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Les petites capitalisations boursières sont attrayantes en raison de leur potentiel de croissance. Dénicher les prochaines entreprises phares n’est toutefois pas une mince affaire.
Sans surprise, les titres de petite capitalisation sont beaucoup plus nombreux que les moyennes et grandes entreprises cotées en Bourse. Au Canada, l’univers des actions compte quelque 3 300 titres alors que ce chiffre avoisine les 10 000 aux États-Unis. « Quand on classe ces sociétés en fonction de leur capitalisation boursière, on constate que les premières sociétés de petite capitalisation arrivent au 180e rang au Canada, avec une capitalisation d’environ 2,5 milliards de dollars (G$) », observe Ian Tam, directeur de la recherche en investissement de Morningstar Canada lors d’une entrevue à la fin janvier. Tout ce qui suit entre donc dans cette catégorie d’actifs. On pourrait toutefois exclure les microcapitalisations, qu’on appelle parfois penny stocks et qui sont perçues comme des investissements spéculatifs (voir encadré). Selon le site d’information financière américain Investopedia, les microcapitalisations sont des titres dont la capitalisation boursière se situe entre 50 et 300 millions de dollars (M$).
Existe-t-il une prime de rendement liée aux sociétés de petite capitalisation par rapport à celles de grande capitalisation ? La littérature n’est pas unanime. Cela dépend aussi de la période examinée. L’argumentaire repose notamment sur l’agilité de ces entreprises de petite taille qui leur permet de déployer plus efficacement du capital et donc de faire croître plus rapidement leurs bénéfices. Ces titres sont par ailleurs moins bien couverts par les analystes financiers et firmes de courtage. Les informations disponibles ne sont donc pas toujours prises en compte par le marché et certaines entreprises se trouvent ainsi à être sous-évaluées. Enfin, les rendements des petites capitalisations sont plus volatils en raison d’un environnement d’affaires plus imprévisible, ce qui nécessite une compensation pour cette prise de risque. Une prime de liquidité pourrait également exister puisqu’il est plus difficile d’acheter et de vendre des titres de petite capitalisation sans affecter son prix en Bourse, ce qui est moins le cas des plus grandes sociétés.
« Je ne crois pas qu’on puisse parler de prime de rendement liée à la taille d’une entreprise, car les rendements excédentaires observés historiquement ne sont pas statistiquement significatifs », remarque Raymond Kerzhéro, directeur de la recherche à PWL Capital. Selon lui, les investisseurs se tournent vers cette catégorie d’actifs afin de mieux diversifier leur portefeuille. Par contre, il existerait parfois une prime valeur rattachée aux titres de petite capitalisation. Ces entreprises sont souvent moins chères et leurs ratios cours/bénéfice ou cours/valeur comptable sont bas par rapport à leur industrie ou au marché. Cela dit, toutes les petites capitalisations n’ont pas ces attributs.
Soyons honnêtes, les petites capitalisations connaissent un succès mitigé depuis une quinzaine d’années. Les rendements ajustés au risque n’ont pas été au rendez-vous, et les actions internationales et les grandes capitalisations se sont démarquées. On pointe ici du doigt la crise financière de 2008 et la baisse des taux d’intérêt alors que plusieurs caisses de retraite se sont tournées du côté des actifs non traditionnels, comme les marchés privés, notamment pour déjouer les faibles rendements des titres à revenu fixe. « Cela a permis à de nombreuses petites entreprises de contourner la complexité et les coûts d’entrer en Bourse en se tournant du côté du capital privé devenu accessible », remarque John Goldsmith, chef des actions canadiennes de Placements Montrusco Bolton. Le hic, c’est que cet accès aux capitaux s’est fait hors des marchés publics. Cela a eu pour effet de restreindre l’offre de titres de petite capitalisation et les occasions d’investissement.
Au Canada, la concentration sectorielle de l’indice de petite capitalisation dans le secteur de l’énergie et des matériaux (environ 40 % de l’indice S&P/TSX petites capitalisations) a également pesé lourd. « Les prix du pétrole ont fondu ces dernières années et l’indice de référence de petite capitalisation contient beaucoup d’entreprises du secteur des ressources naturelles qui ont été malmenées. N’oublions pas que l’énergie et les matériaux ont déjà représenté plus de 50 % de l’indice de petite capitalisation, il y a une dizaine d’années », rappelle-t-il.
Engouement postpandémie
Avec la COVID-19, la situation s’est complètement renversée. « Il était très difficile pour les investisseurs institutionnels de faire la diligence requise et de visiter les entreprises. De nombreuses sociétés privées ont alors décidé d’entrer en Bourse. En 2020, ç’a été la folie du côté des premiers appels publics à l’épargne (IPO) », souligne John Goldsmith. Ce dernier donne l’exemple de Guru (GURU), une entreprise de boisson énergisante québécoise qui a connu beaucoup de succès à son entrée en Bourse, en novembre dernier. Même chose pour les sociétés canadiennes WeCommerce (WE) et Andlauer Healthcare Group (AHG).
Nos voisins du Sud se montrent aussi plus favorables aux petites capitalisations. Rappelons que l’indice de référence de ce secteur aux États-Unis, le Russell 2000, a enregistré, au dernier trimestre de 2020, la meilleure performance de son histoire avec un rendement de plus de 30 %. Une étude du courtier BofA Securities publiée en janvier dernier milite également en faveur des titres de petite capitalisation. On y souligne que les crises financières ou les récessions vont affecter davantage les petites capitalisations, mais qu’elles réagiront plus positivement quand l’économie rebondira, comme plusieurs le prévoient en 2021. L’histoire montre par ailleurs que lorsque les démocrates sont aux commandes à la Maison-Blanche et au Congrès, les plans d’aide économique sont plus costauds et les petites et moyennes capitalisations performent alors mieux que les grandes, puisque leurs revenus sont plus liés à l’économie locale ou nationale. Enfin, l’analyse technique, qui se concentre sur les mouvements des titres selon leur prix et les volumes de transactions pendant une période donnée, favorise également cette catégorie d’actifs, souligne l’étude de BofA. Malgré des volumes de transactions plus importants ces derniers mois, le rattrapage à faire demeure considérable.
« Tant aux États-Unis que dans le reste du monde, on remarque que les revenus d’exploitation des petites entreprises sont plus dépendants du marché intérieur et des consommateurs locaux », confirme Hamish Preston, directeur adjoint, indices d’actions américaines, S&P Dow Jones Indices. D’après ses analyses, l’indice de sociétés de petite capitalisation S&P 600 est aussi plus sensible à des variations dans la croissance du PIB américain comparativement à l’indice S&P 500. Or, les pondérations sectorielles de l’indice S&P 600 montrent que les produits industriels et les biens de consommation prédominent. « Puisque ces secteurs sont perçus comme étant cycliques, cela pourrait expliquer la sensibilité d’un plus large indice comme le S&P 600 à la croissance du PIB américain », ajoute-t-il. Si la vaccination va bon train et que l’économie redécolle, les petites capitalisations devraient donc en profiter.
Quel poids dans le portefeuille ?
Avant de déterminer la proportion de nos avoirs à consacrer aux petites capitalisations, on peut se demander si les grands indices en contiennent suffisamment. « Au Canada, la plus petite capitalisation dans le S&P/TSX est d’environ 860 M$. Si on s’en tient à notre méthodologie d’inclure les titres jusqu’à 2,5 G$ de capitalisation boursière, on retrouve un peu plus de 80 titres de petite capitalisation, ce qui est non négligeable », remarque Ian Tam. Aux États-Unis, c’est tout le contraire, la vaste majorité des titres du S&P 500 étant de grandes capitalisations. D’après lui, si on veut avoir plus de contrôle sur notre exposition aux titres de petite capitalisation, on peut choisir un fonds de grandes capitalisations en gestion active ou passive (comme l’indice TSX 60 au Canada) et ensuite ajouter un fonds consacré aux petites capitalisations. « Pour un Canadien, l’effet de diversification sera plus important si on se tourne du côté des petites capitalisations mondiales, notamment parce que les revenus de ces entreprises sont liés davantage à l’économie domestique », précise le spécialiste de Morningstar.
Il importe aussi de comprendre le rôle joué par cette catégorie d’actifs. « On devrait voir cela comme un placement satellite qui peut enrichir le portefeuille de base de l’investisseur. On l’ajoute à des fins de diversification puisque sa corrélation est plus faible. Ce n’est pas une option défensive, mais plutôt axée sur la croissance. En théorie, il pourrait y avoir plus de volatilité. Toutefois, si on peut capturer de 2 % à 4 % de rendement excédentaire (alpha), cela vaut la peine », croit le chef des actions canadiennes de Placements Montrusco Bolton. La proportion de petites capitalisations pourrait constituer, d’après lui, entre 10 % et 20 % des actions du portefeuille. Donc, si on détient 60 % en actions, on en consacre entre 6 % et 12 %.
Quant au choix d’une stratégie passive ou active, on veut bien évaluer le pour et le contre. En optant pour un gestionnaire actif, on pourrait contourner certains écueils, comme la concentration sectorielle. Les frais de gestion seront plus élevés, mais la sélection de titres nécessite des compétences et du temps que n’ont pas toujours les petits investisseurs.
On doit également comprendre qu’en optant pour un fonds passif qui réplique un indice, comme le S&P/TSX petite capitalisation, certains titres vont sortir de l’indice au moment du rééquilibrage semi-annuel. Le gestionnaire indiciel va vendre leurs actions si la capitalisation boursière excède 1,75 G$. Une société qui voit sa capitalisation passer de 500 M$ à 2 G$ disparaîtra donc de l’indice même si elle a le vent dans les voiles. « En vendant toujours nos titres gagnants, cela peut tuer les rendements composés de notre portefeuille à long terme », croit John Goldsmith.
Afin d’éviter les coûts fiscaux rattachés au fait de détenir des fonds différents pour les petites, les moyennes et les grandes capitalisations, PWL Capital préconise une approche indicielle intégrée. « En détenant un fonds indiciel de marché total, comme le FNB BMO S&P/TSX composé plafonné (ZCN) pour les actions canadiennes, la migration d’un titre d’un fonds à l’autre n’a aucun effet sur la composition du portefeuille et il n’y a pas d’impôt à payer », souligne Raymond Kerzhéro. On pourrait faire la même chose avec un indice américain (FNB Vanguard, VUS) ou à l’international (FNB Vanguard, VIU).
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Attention aux microcapitalisations !
Il ne faut pas confondre les titres de petite capitalisation avec les microcapitalisations, parfois appelées penny stocks (dont le prix de l’action ne dépasse pas 5 $ US, selon la définition d’Investopedia). Acheter des microcapitalisations requiert beaucoup de temps et des compétences particulières. Dans un monde idéal, on veut discuter avec l’équipe de direction et obtenir des données financières précises afin d’analyser la rentabilité de l’entreprise et son potentiel de croissance. Ce marché est peu liquide et les rendements, hautement volatils. Les investisseurs institutionnels ne s’y aventurent pas, car ils ne peuvent pas acheter ou vendre de blocs d’actions assez importants pour leurs besoins. Bien qu’il soit difficile d’investir dans ce secteur à l’international, il existe tout de même des FNB et des gestionnaires de fonds communs qui vont le faire.