Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Peut-on revenir vers les marchés émergents maintenant?

Morningstar|Publié le 01 avril 2024

Peut-on revenir vers les marchés émergents maintenant?

(Photo: 123RF)

Après deux années de pertes, les actions des marchés émergents (ME) sont en train de rebondir, car le resserrement monétaire s’est atténué et les investisseurs se tournent vers les actions dont les multiples sont considérablement moins chers que ceux des marchés développés. Toutefois, Philippe Langham, spécialiste de longue date des marchés émergents, estime qu’il n’est pas certain que ces marchés se soient redressés et qu’il faudra peut-être attendre un certain temps avant de parler d’un véritable marché haussier.

«Il n’est pas encore certain que les marchés émergents aient véritablement amorcé leur retour», déclare Philippe Langham, gestionnaire principal du Fonds d’action de marchés émergents RBC F, d’une valeur de 6,3 milliards de dollars et médaillé d’or 5 étoiles, et gestionnaire de portefeuille principal et responsable des actions des marchés émergents chez RBC Global Asset Management (R.-U.) Limited, dont le siège est situé à Londres. «Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons assisté à quelques faux départs : les performances des marchés émergents se sont temporairement améliorées, avant de retomber. Je pense qu’une fois que la reprise aura véritablement commencé, la reprise dans les pays émergents, sur la base de ce que nous avons vu dans les cycles précédents, se poursuivra. Mais je ne suis pas sûr que la reprise ait déjà commencé. Il est donc trop tôt pour dire que le rebond très récent sera durable».

 

Les marchés émergents évoluent par cycles

Les analystes ont remarqué que cette catégorie d’actifs a tendance à suivre des cycles longs, d’une durée de plusieurs années. Il y a eu quatre grands cycles de performance des marchés émergents au cours des trois dernières décennies, avec des durées allant de six à douze ans, observe Christoffer Enemaerke, gestionnaire de portefeuille au sein de l’équipe des actions des marchés émergents de RBC Global Asset Management. Dans un document de recherche sur les perspectives des marchés émergents pour 2024, Enemaerke ajoute que les cycles de forte performance par rapport aux marchés développés (DM) ont été suivis de performances relativement faibles et que le cycle faible le plus récent a duré 12 ans avec une croissance annuelle des bénéfices nulle.

«Au cours des 35 dernières années, nous avons connu deux cycles haussiers très longs au cours desquels les marchés émergents ont nettement surpassé les marchés développés et deux cycles baissiers très longs au cours desquels les marchés émergents ont nettement sous-performé les marchés développés», explique Philippe Langham, qui a 32 ans d’expérience dans le secteur financier. «Ces cycles ont eu tendance à durer plusieurs années, et nous les avons observés sur une période de six à douze ans. Nous pensons que ces cycles très longs vont probablement se poursuivre et que nous venons de traverser une très longue période de sous-performance».

Depuis le début de l’année (21 mars), le Fonds d’action de marchés émergents RBC F a affiché une faiblesse relative à court terme, avec un rendement de 3,35%, contre 4,97% pour la catégorie des actions des marchés émergents. Cependant, le fonds a été très performant sur les périodes de trois, cinq et dix ans. Il a enregistré des rendements annualisés de -1,59%, 2,94% et 6,95%, respectivement. En revanche, la catégorie a enregistré des rendements annualisés de -3,96%, 1,38% et 4,24%.

 

Quels sont les moteurs de la performance des actions émergentes ?

Plusieurs facteurs déterminent les actions des pays émergents. Tout d’abord, note Philippe Langham, il y a la croissance des bénéfices mesurée par rapport au dollar américain, et ensuite la performance du dollar américain par rapport à d’autres devises. «Les marchés émergents ont tendance à mieux se porter lorsque le dollar américain est faible ou en baisse. Les marchés émergents ont tendance à mieux se porter lorsque le dollar américain est faible ou en baisse, et il y a un vent contraire lorsque le dollar américain se renforce», explique Philippe Langham, qui ajoute que le dernier cycle a été caractérisé par un dollar américain fort. «Au cours des deux dernières années, le dollar américain est resté globalement stable par rapport aux monnaies des pays émergents. La tendance générale du dollar américain par rapport aux autres monnaies du monde s’est maintenue. Mais certains signes indiquent que le dollar américain est peut-être en train de plafonner».

Les politiques monétaires sont un autre facteur à prendre en compte. «Pour la première fois, les taux d’intérêt des pays émergents ont convergé avec ceux des marchés développés. C’est sans aucun doute un élément positif pour les pays émergents et cela réduit le coût du capital. Historiquement, nous avons également constaté une relation entre la baisse des taux d’intérêt et la croissance des bénéfices. Nous considérons la baisse des taux d’intérêt comme un facteur positif important pour les actions des pays émergents», déclare Philippe Langham, ajoutant que des facteurs tels que les bénéfices des entreprises, la croissance du PIB et d’autres variables macroéconomiques jouent également un rôle important.

En effet, la croissance de la classe moyenne et l’augmentation des revenus sont des moteurs essentiels pour certains pays émergents. «Sur le long terme, la croissance du PIB des marchés émergents a eu tendance à être plus rapide que celle du DM. Deux des facteurs clés sont l’urbanisation et la croissance de la classe moyenne. En termes d’urbanisation, dans des pays comme l’Inde et l’Indonésie, nous pensons qu’il reste encore beaucoup à faire. Et à mesure qu’une plus grande partie de la population accède à la classe moyenne, le pouvoir d’achat augmente et la combinaison de la croissance des salaires et de l’amélioration de l’accessibilité a eu tendance à stimuler la demande intérieure», observe Philippe Langham. «L’élément clé du passage à la classe moyenne est que les consommateurs ne dépensent plus la majorité de leur argent dans les produits de base et les nécessités et que leur pouvoir d’achat discrétionnaire augmente soudainement», ajoute-t-il, «La pénétration des produits discrétionnaires tels que les voitures commence soudainement à augmenter à mesure que de plus en plus de consommateurs entrent dans la classe moyenne».

 

Les marchés émergents offrent des réductions plus importantes

Pour les investisseurs, l’attrait principal réside dans le fait que les actions des pays émergents sont bien moins chères que celles des pays développés. «Elles se négocient globalement avec une décote de 35 à 40% par rapport aux marchés développés. Cette décote s’est progressivement accrue au cours de la dernière décennie. Nous sommes passés d’une décote de 15 à 20% à environ 40%, où nous nous trouvons actuellement.

La question est de savoir s’il s’agit d’une opportunité d’achat. “Les arguments en faveur d’une bonne performance des actions des pays émergents à moyen terme, par rapport aux marchés développés, sont très solides et s’appuient sur ce que nous avons observé par le passé. Les deux facteurs clés qui soutiendront les marchés émergents sont une croissance plus forte des bénéfices et un dollar américain plus faible. Historiquement, ces deux facteurs ont été très importants. En termes de calendrier, cependant, il est difficile de savoir quand exactement cette opportunité se présentera. Mais nous pensons qu’à moyen terme, c’est-à-dire sur cinq à sept ans, cette opportunité est très forte.

 

Principaux secteurs des marchés émergents

Du point de vue de l’investissement, Philippe Langham estime que les secteurs de la consommation de base, de la consommation discrétionnaire et des services financiers sont attrayants. ‘Ce sont les secteurs que nous privilégions. Et au sein de ces secteurs, nous pouvons trouver de très bonnes entreprises qui, selon nous, disposent d’avantages concurrentiels durables et se négocient à des niveaux de valorisation attrayants’.

Bien que Langham soit essentiellement un sélectionneur de titres ascendant, d’un point de vue sectoriel, le portefeuille est dominé par une pondération de 27,2% dans les valeurs financières, suivies par 24,7% dans la technologie, 12,98% dans la consommation cyclique, 11,31% dans la consommation défensive et 8,66% dans les soins de santé. Sur le plan géographique, la Chine représente la plus grande part du portefeuille avec 22,2%, suivie de Taïwan avec 16,2%, de l’Inde avec 15,9% et de la Corée du Sud avec 10,4%.

 

Comment choisir les actions des marchés émergents

Lorsqu’il recherche des entreprises, Philippe Langham les passe au crible, tout d’abord pour s’assurer qu’elles sont bien gérées, qu’elles sont dignes de confiance et qu’elles ont de bons antécédents. Deuxièmement, il recherche des entreprises disposant d’un avantage concurrentiel durable qui leur permettra d’être présentes au cours des cinq à dix prochaines années. Troisièmement, il recherche des entreprises tournées vers l’avenir et qui investissent dans la recherche et le développement ainsi que dans les infrastructures. En tant qu’investisseur qui a tendance à conserver les entreprises pendant de nombreuses années, Philippe Langham ne recherche pas nécessairement des entreprises bon marché par rapport à leur valeur intrinsèque, mais plutôt leur potentiel de croissance sur de nombreuses années.

Gérant un portefeuille de 47 titres, Philippe Langham cite une des principales participations dans Tata Consultancy Services. (TCS), la plus grande société indienne de services informatiques, présente dans plus de 40 pays. ‘Elle a réussi à composer ses bénéfices à raison de 15 à 20% par an au cours de la dernière décennie’, explique Philippe Langham. ‘Pourquoi les aimons-nous ? Tout d’abord, la direction est dirigée par la famille Tata, qui pense à très long terme. Deuxièmement, la culture de l’entreprise est très marquée par l’esprit d’entreprise. Enfin, l’avantage concurrentiel de l’entreprise repose sur des facteurs tels que sa taille, sa réputation et l’importance qu’elle accorde à l’innovation. Elle génère un retour sur investissement de 40%, avec de faibles besoins en capitaux’. Il note que l’essentiel des revenus provient de clients existants et que l’entreprise bénéficie d’un taux d’attrition du personnel très faible par rapport à ses concurrents.

L’action cotée à Mumbai se négocie à un multiple cours-bénéfice de 32,4 fois. ‘Ce n’est pas très élevé pour une entreprise dont le retour sur investissement est de 40%.’

Un autre favori est FEMSA (Fomento Economico Mexicano) SAB de CV (FMX), SA, un conglomérat mexicain. ‘Ces dernières années, ils ont vendu leurs investissements non essentiels. Son principal actif est OXXO, le premier réseau de magasins de proximité au Mexique’, explique Philippe Langham, qui ajoute que l’entreprise possède également Coca-Cola FEMSA SAB de CV, qui représente environ 30% des recettes de FEMSA. ‘Elle a vendu la plupart de ses investissements non essentiels au cours des deux dernières années. La société est désormais beaucoup plus concentrée.’

Philippe Langham accorde une grande importance à la société, car elle génère un RCI d’environ 40% et détient plus de 50% des parts de marché dans le secteur des magasins de proximité. ‘Elle se trouve dans un secteur qui connaît une très bonne croissance. Et grâce à sa taille, elle dispose d’un fort pouvoir de négociation avec les fournisseurs. Dans l’ensemble, elle dispose d’une équipe de direction très solide et expérimentée’. Il note que l’entreprise bénéficie de la hausse des revenus, le Mexique attirant des acteurs mondiaux qui quittent la Chine pour s’installer au Mexique, afin de se rapprocher du marché américain.

Présente dans le portefeuille depuis environ six ans, l’action se négocie à un multiple cours-bénéfice de 21,8 fois, selon Bloomberg.

 

Prévisions pour les marchés émergents

Pour ce qui est de l’avenir, Philippe Langham maintient que les perspectives de croissance et de bénéfices des pays émergents sont solides. ‘Elles sont en grande partie dues à l’amélioration des marges, qui partent d’un niveau cycliquement bas. Et les arguments en faveur d’un affaiblissement du dollar américain, en particulier par rapport aux monnaies des pays émergents, sont également très solides. Ces deux facteurs sont les plus importants pour soutenir l’amélioration des performances à l’avenir.’