Les quatre cavaliers de l’apocalypse: la complexité, la concentration, l’endettement et le manque de liquidité. (Photo: 123RF)
La complexité, la concentration, l’endettement et le manque de liquidité sont pour un investisseur les quatre cavaliers de l’apocalypse, menaces éternelles qui peuvent ravager les portefeuilles et saper les plans les mieux mûris par des investisseurs diligents et leurs conseillers. Malheureusement, ce sont ces quatre cavaliers qui procurent aussi de l’argent à Wall Street, créant ainsi dans la gestion des placements un bras de fer continuel entre ce qui est à l’avantage du pourvoyeur et ce qui est bénéfique à l’investisseur.
Regardons par exemple le chouchou de Jack Bogle: le fonds indiciel traditionnel. Ce placement évite les quatre cavaliers à tous les niveaux. Il est simple, diversifié, extrêmement liquide et sans effet de levier, alors que le fonds spéculatif typique est complexe, concentré, et généralement illiquide, et il a souvent recours à l’effet de levier. Ces différences se reflètent dans leurs prix. La sophistication que l’on voit dans un fonds spéculatif permet au pourvoyeur de faire payer des prix plus élevés, alors que la simplicité du fonds indiciel fait de ce dernier une marchandise qui se vend à un prix inférieur. Voilà pourquoi le coût permet un premier tri aussi efficace dans le choix de ses placements: non seulement les placements à coût plus faible font économiser de l’argent, ils gardent aussi les quatre cavaliers à distance, et augmentent ainsi les chances de succès d’u investisseur.
Les quatre cavaliers fournissent un critère utile pour évaluer le potentiel qu’a un placement de bien servir l’investisseur. Dans ce contexte, nous avons été consternés de voir l’ordre du jour d’un récent rassemblement de gestionnaires d’actifs de haut niveau, qui souhaitait traiter le sujet des placements alternatifs, de l’attrait et du succès des fonds communs actifs et concentrés, et de l’émergence d’une nouvelle génération de maisons de courtage qui faisait du commerce des actions un jeu, tout en perpétuant tout de même la pratique traditionnelle des comptes sur marge qui est l’apanage des maisons de courtage. Chacune de ces activités est une invitation à un ou plus des quatre cavaliers.
Les placements alternatifs ne sont pas toujours meilleurs
Le sujet central était celui des placements alternatifs. Les avantages théoriques des alternatives sont séduisants. Quelque chose qui va d’un côté alors que le reste d’un portefeuille va de l’autre pourrait protéger les investisseurs aux périodes difficiles. Toutefois, après plus de deux décennies d’expérimentation avec les placements alternatifs dans l’espace des fonds communs de placement, il n’est pas prouvé que les investisseurs en ont tiré grand-chose. Les placements alternatifs ne sont pas promus lors des périodes haussières, où ils pourraient apporter une protection à la baisse, mais pendant les creux, limitant ainsi une participation aux rebonds éventuels. Ce fut le cas pour les placements destinés aux particuliers, dont les résultats ont été en proie aux quatre cavaliers à la fois. Même les fonds à échéance cible, pourtant gérés de façon professionnelle, n’ont pas réussi à démontrer comment les placements alternatifs peuvent être déployés dans un portefeuille de façon à fournir un avantage aux investisseurs tous coûts déduits.
Cela ne va pas empêcher Wall Street d’essayer. Un côté stupéfiant de cette conférence fut de comparer Blackstone (BX), société spécialisée dans les placements alternatifs, à BlackRock (BLK), acteur dominant dans des produits plus traditionnels, notamment les fonds indiciels. La grande morale qu’ils en ont tirée est que même si Blackstone gère moins d’actifs de clients, elle dispose d’une plus grande capitalisation. La leçon est claire : le chemin le plus facile vers le succès n’est pas de jouer un jeu d’échelle consistant à gérer des options de placement à bas prix, largement diversifiées et sans effet de levier, mais de lancer des produits plus chers et plus complexes.
Les quatre cavaliers ne font pas que caracoler dans les produits alternatifs: un fonds de placement thématique concentré a été un autre sujet de conversation à la conférence. Personnellement, j’admire les gestionnaires qui font de grosses mises sur leurs meilleures idées, mais on a déjà vu le film, et maintenant on sait que ces fonds produisent rarement de bons résultats pour les investisseurs. Rappelez-vous les fonds Janus de la fin des années 1990, qui ont attiré des flux de capitaux énormes, aidés en cela par une campagne publicitaire à haute visibilité, au sommet de la bulle technologique. La concentration amplifie les mouvements haussiers, mais elle fait ressortir les pires comportements des investisseurs, dont beaucoup ont la tentation d’acheter au plus haut prix. Jusqu’à ce que Wall Street trouve le moyen d’aider les investisseurs à mieux maîtriser ces fonds, ils apporteront plus à leurs émetteurs qu’à leurs acheteurs.
Un autre sujet brûlant était celui d’un courtier au détail où les investisseurs étaient en quête d’actions dites virales. Je suis partisan d’un meilleur accès aux marchés, mais je tremble à l’idée des conséquences que peuvent avoir dans le monde réel de fréquentes transactions boursières de produits sur lesquels on n’a fait que peu ou pas de recherches. Les implications fiscales elles-mêmes revêtent une complexité intense. Un souci plus important encore, et qui n’est pas propre à une maison de courtage particulière, est l’utilisation généralisée de l’effet de levier. Si l’on en croit les conclusions d’une enquête Yahoo Finance-Harris, dont les résultats semblent exagérés, 43% des investisseurs utilisent l’effet de levier par des options ou des comptes sur marge. Ça va mal se terminer. Les fonds communs publics ont enregistré des résultats désastreux avec cette méthode, et ce sont eux, les professionnels. Les investisseurs particuliers ont peu de chances de mieux se comporter. Bien qu’on ait beaucoup parlé des questions de liquidité avec GameStop (GME), qui a provisoirement fait l’objet de transactions réduites, les cavaliers de la concentration, de la complexité fiscale et de l’effet de levier sont tous de mauvais augure.
Les quatre cavaliers font aussi peser de lourdes menaces sur les placements privés. Les thèmes de la complexité, la concentration, l’endettement et l’illiquidité sont tous à l’œuvre ici. Bien que théoriquement il puisse être très séduisant de donner aux petits investisseurs un accès aux marchés privés, le bras de fer pour déterminer quels avantages les investisseurs en retireront tous frais payés est encore peu concluant. Comme les sociétés d’acquisition à vocation spécifique en sont le présage, les chances des petits investisseurs ont l’air sombres. Les placements privés ont les caractéristiques de quelque chose que Wall Street a hâte de vendre; il faudra un talent fou pour en faire quelque chose que les investisseurs avisés devraient acheter.