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Pourquoi ne faisons-nous pas confiance aux robots-conseillers?

Morningstar|Publié le 22 novembre 2023

Pourquoi ne faisons-nous pas  confiance aux robots-conseillers?

Les enquêtes montrent qu’il existe un manque général de confiance dans les algorithmes. (Photo: 123RF)

Le robot-conseil promet depuis longtemps une démocratisation financière. Mais son adoption n’a pas eu le succès escompté. Cela s’explique par les craintes liées à la sécurité des données, la méfiance et le manque d’implication humaine, sans parler de l’essor de l’intelligence artificielle (IA).

Marie Brière, responsable du service relatif à l’intelligence des investisseurs et aux partenariats universitaires chez Amundi Investment Institute, s’est longuement penchée sur le robot-conseil et ses différentes barrières à l’entrée. Selon elle, les personnes qui ont adopté cette technologie en ont tiré des avantages considérables.

Chez Amundi, nous avons introduit un robot-conseiller sur l’épargne salariale en 2017. Ce robot est basé sur des interactions homme-robot. Il commence par interroger les épargnants sur leurs objectifs et leurs préférences, puis leur recommande un portefeuille. Au fil du temps, il envoie des alertes courriel si les allocations du portefeuille s’écartent de celles qui ont été ciblées, et suggère un rééquilibrage de ce dernier. Les particuliers gardent le contrôle de leurs décisions de placement au fil du temps.

 

Quel rôle jouent les robots pour influencer le comportement financier humain?

Dans le cadre de projets de recherche, nous avons analysé le comportement dans les placements d’un échantillonnage de près de 20 000 individus conseillés par des robots, contre 60 000 clients non conseillés. Après avoir utilisé le robot-conseiller, les employés ont épargné davantage et ont été plus enclins à investir dans des actions (+9%). Un résultat important est que la plupart des épargnants ont suivi les recommandations du robot-conseiller et rééquilibré leurs portefeuilles pour maintenir leurs allocations plus proches de l’objectif fixé. Ces choix améliorés leur ont permis d’obtenir des rendements ajustés selon le risque plus élevé.

En particulier, la mise en œuvre d’une politique de rééquilibrage systématique, pratique courante chez les investisseurs institutionnels, mais rarement utilisée par les particuliers, a été très bénéfique à leur performance (+2% à 3% de rendement). Il est intéressant de noter que ces effets ont été plus importants pour les investisseurs aux portefeuilles plus modestes, ont l’accès à des conseils financiers traditionnels est moins évident. Cela suggère que l’automatisation des conseils financiers favorise l’inclusion financière.

 

Avec l’IA, certains s’inquiètent des biais des machines et des erreurs commises par les algorithmes. Cela se manifeste-t-il dans les robots-conseils?

Les robots-conseillers s’appuient généralement sur des algorithmes simples. Ils mettent sur pied une répartition d’actifs optimale sur la base d’un algorithme d’optimisation de portefeuille utilisant comme données d’entrée les rendements attendus des actifs, le risque et les préférences des individus (habituellement le temps dont ils disposent pour investir et leur aversion au risque). Chacun de ces paramètres peut être estimé de manière imprécise, ce qui peut conduire à des recommandations partiales.

D’une part, il y a beaucoup à gagner de la personnalisation de la répartition d’actifs en fonction des caractéristiques et des préférences des individus. D’autre part, il existe un risque d’engagement excessif, en particulier lorsque les marchés chutent. Les gens ont tendance à refaire fréquemment leur profil ou à modifier leur profil de risque pendant les crises. Une façon de réduire cette source d’erreur est de se concentrer sur des caractéristiques personnelles stables qui peuvent être estimées avec précision.

Nombreux sont ceux qui s’inquiètent de la sécurité des données ou qui ne font pas confiance aux conseils financiers. De quoi les investisseurs doivent-ils être conscients ?

Nous savons que la confiance est un facteur clé des décisions financières. Les investisseurs confiants sont nettement plus enclins à investir en bourse ou à suivre des conseils financiers. Mais la confiance est également un élément clé de la réussite du robot-conseil et détermine à quel point une personne consent à suivre les recommandations du robot-conseiller.

Les enquêtes montrent qu’il existe un manque général de confiance dans les algorithmes. Si la plupart des gens semblent faire confiance à leur environnement global et à la technologie, ce n’est pas encore le cas de l’IA.

Il existe toutefois différentes manières d’instaurer la confiance. La première consiste à donner aux gens un certain contrôle sur l’algorithme. Des expériences scientifiques ont montré que les prévisionnistes professionnels étaient plus enclins à adopter un algorithme imparfait lorsqu’ils pouvaient modifier ses prévisions, même s’ils étaient fortement limités dans leurs possibilités. L’un des moyens d’instaurer la confiance consiste à favoriser une interaction entre les humains et les robots, le robot proposant un conseil et l’humain étant le décideur final. Un autre moyen consiste à expliquer la recommandation, c’est-à-dire à offrir aux clients une explication de cette dernière, même si elle est basée sur un modèle complexe.

 

Comment les entreprises de robot-conseil peuvent-elles répondre à ces préoccupations et développer une plus grande adoption de leurs services ?

L’intégration d’une IA plus complexe dans les services de robot-conseil sera un défi. Toutefois, les récentes avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle explicable (IAE) pourraient s’avérer utiles.

Ce qu’on appelle l’explicabilité fait référence à la possibilité d’expliquer une recommandation, même si elle est basée sur un modèle compliqué. Mais il ne faut pas s’attendre à une transparence totale de l’algorithme qui sous-tend le robo-advisor. Il serait plus efficace de divulguer, par exemple, les scénarios économiques susceptibles de rendre l’algorithme moins performant, ou d’informer les clients sur les limites générales de l’algorithme lui-même.

Une autre évolution potentiellement intéressante consisterait à renforcer les interactions avec les clients. Certains robots-conseillers envoient des alertes lorsque le portefeuille d’un client s’écarte sensiblement de sa répartition d’actifs cibles. Ces alertes pourraient également être considérées comme une occasion de favoriser une interaction avec le client. Par exemple, elles pourraient être utilisées pour expliquer pourquoi le portefeuille a dévié de son objectif (mouvement boursier, changement de caractéristiques personnelles, etc.) ou pourquoi un rééquilibrage est recommandé. Elles peuvent ainsi devenir un outil d’éducation financière.