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Plusieurs «ours» financiers renommés sont récemment sortis de leur tanière pour vociférer contre l’optimisme qui s’est emparé des marchés au début de 2023, qu’ils jugent factice et malvenu. Tous considèrent que le grand marché baissier de 2022 n’a pas fini de sévir et qu’il faut s’attendre à beaucoup de malheurs encore. Voici ce qu’en pensent Michael Burry, Nasseem Taleb, Nouriel Roubini et Jeremy Grantham?
« Vendez! », « Disneyland, c’est fini! », « Trop de dettes! », « Liquidation massive! »
Les présages négatifs qu’annoncent ces ours prennent dans certains cas un tour télégraphique. Par exemple, Michael Burry a publié au début de février un gazouillis destiné aux investisseurs : « Vendez. » Au cours de janvier, il a comparé le rebond des marchés au ralliement éphémère qu’a connu le S&P 500 à la suite de l’effervescence des dot.coms, avertissant les investisseurs que l’indice pourrait s’écraser encore de 50% sous les 1900 points (au 28 mars, l’indice était à 3 968 points).
Nouriel Roubini dénonce les niveaux démesurés de dettes qui se sont empilées dans le système économique. « Il y a tellement de dettes dans le système qu’une tentative de réduire l’inflation ne provoque pas seulement une crise économique, mais aussi une crise financière », a déclaré l’économiste à Kitco News à la mi-janvier. « Elles vont se nourrir l’une l’autre, et face à une crise économique et financière, la Fed et les autres banques centrales vont devoir se dégonfler et ne pas augmenter autant les taux d’intérêt. »
« Toutefois, a-t-il poursuivi, cela ne sauvera pas l’économie d’une récession. Si l’on ne parvient pas à ramener l’inflation à son niveau cible, les anticipations d’inflation risquent de ne plus être ancrées, ce qui déclencherait une crise de dette stagflationniste. » Selon lui, il faut s’attendre encore à une chute des cours de 30% et le seul refuge demeure l’or. Il prévoit d’ailleurs qu’il montera à 3000 $US l’once.
La lecture de Nasseem Taleb est très simple. « Le marché boursier est beaucoup trop surévalué pour des taux d’intérêt qui ne sont pas de 1%, juge-t-il. Je pense que nous pourrions avoir un effondrement de beaucoup, beaucoup de prix. L’argent ne coule plus à flots. Disneyland, c’est fini. »
Début mars, l’équipe de stratèges de Morgan Stanley a aussi lancé cet avertissement : « Le marché boursier et le marché du crédit luttent contre la trajectoire probable de hausse des taux de la Réserve fédérale. La valorisation des actions est à un niveau extrême. »
Les évaluations sont encore loin des moyennes historiques
Jeremy Grantham, co-fondateur de la firme d’investissements GMO, qui a prévu avec exactitude les chutes de 2000, 2008, 2018 et 2022, a publié sa plus récente analyse le 24 janvier dernier. Elle présente des arguments bien formulés prédisant une poursuite de la chute des marchés.
Il y déclare d’entrée de jeu que la partie la plus facile du krach boursier est complétée. La deuxième partie reste à venir puisque, « bien que l’effervescence la plus excessive de la bulle boursière a été nettoyée, les valorisations sont très loin encore de leurs moyennes à long terme ». Il s’attend à ce que la correction se poursuive encore en ajoutant qu’il faut prévoir qu’elle nous amènera même en dessous de la tendance à long terme, comme il en a toujours été dans les épisodes majeurs de repli.
L’immobilier représente un risque réel
Le mot de l’heure est « polycrise », selon Jeremy Grantham, et la partie la plus potentiellement dommageable réside dans l’immobilier à cause de sa large empreinte dans l’économie réelle. La crise de la bulle immobilière mondiale a commencé à se manifester, notamment au Canada et en Australie, mais il faut se rappeler que les chutes immobilières prennent deux à trois fois plus de temps que les actions pour se déployer.
Jeremy Grantham reconnaît que les chances d’une poursuite de la déconfiture boursière sont moins élevées qu’elles ne l’étaient au début de 2022. Mais trop de risques perdurent dans le système, juge-t-il, pour qu’on y échappe : l’inflation qui persiste, les taux qui remontent encore, la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les prix de la nourriture et de l’énergie. « Rarement autant de facteurs sévèrement négatifs ont été présents simultanément », écrit-il.
Plus récemment, dans une webdiffusion du 16 mars de Rosenberg Research, M. Grantham prenait en compte le facteur additionnel des troubles bancaires actuels, disant qu’ils pourraient accroître les dommages d’une explosion des bulles. Dans cette entrevue, il a dit prévoir une autre chute de 24% des marchés à 3000 points — si les É.-U. sont chanceux. Mais le S&P 500 pourrait également s’écrouler à 2000 points, a-t-il prévenu, soit une autre chute de 50%, le même niveau que Michael Burry prédisait en janvier.