EXPERT INVITÉ. Je participais récemment à une séance de formation à propos des régimes de retraite.
«L’avenir n’est plus ce qu’il était.» — Yogi Berra
Je participais récemment à une séance de formation à propos des régimes de retraite. Pendant deux jours, une pléiade d’experts (avocats, actuaires, consultants, gestionnaires, etc.) ont partagé les meilleures pratiques : comment les régimes sont organisés, quelles sont les responsabilités des membres de comités de retraite, comment ils établissent leurs objectifs, etc.
La personne responsable d’une caisse de plusieurs milliards nous a confié que l’un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les régimes est d’estimer le rendement espéré du portefeuille de placements.
Qu’est-ce que le rendement espéré ?
Personne ne peut prédire l’avenir. Un rendement espéré n’est donc pas une prévision. C’est plutôt une estimation qui représente la moyenne des scénarios les plus plausibles, et ce, sur une très longue période (disons 40 ans). Par exemple, le taux d’intérêt moyen de l’indice du marché des obligations canadiennes est présentement de 2,3 %. Le rendement espéré des obligations ne devrait donc pas être trop loin de ce chiffre. À l’aide de modèles, vous pouvez conclure qu’il est un peu plus élevé ou, au contraire, un peu plus faible que ce chiffre.
Quelle que soit votre estimation, vous savez toutefois d’emblée qu’elle sera inexacte. Ce n’est pas grave. L’important, c’est qu’à long terme, votre rendement espéré ne s’éloigne pas trop du rendement réalisé.
Pourquoi le rendement espéré est-il si important ? Si, comme la plupart des gens, vous ne participez pas à un régime de retraite privé, vous aurez seulement deux sources de revenus de retraite pour suppléer aux régimes publics (Régime des rentes du Québec ou Régime de pension du Canada et Sécurité de la vieillesse) : 1- votre épargne, 2- le rendement sur votre épargne.
Le rendement de votre portefeuille joue donc un rôle crucial dans la planification de votre retraite. Si vous êtes un(e) jeune épargnant(e), une différence de 1 % dans le rendement de votre portefeuille pourrait vous permettre de devancer – ou, au contraire, vous contraindre à retarder – votre retraite de cinq ans. Si vous épargnez régulièrement depuis le début de votre carrière, le rendement constituera probablement plus de la moitié de la valeur de votre portefeuille lorsque vous cesserez de travailler. Vous êtes retraité(e) ? Les paramètres sont les mêmes, sauf que vous avez atteint l’étape où votre taux d’épargne est négatif.
Il y a seulement trois grandes variables par lesquels vous pouvez contrôler vos revenus potentiels à la retraite :
1. L’épargne. Plus vous commencez à épargner à un jeune âge, plus le pourcentage de votre revenu que vous épargnez est élevé et plus vos revenus de retraite seront élevés.
2. La structure de votre portefeuille. C’est bien beau de vouloir un rendement plus élevé pour réaliser une retraite plus confortable, mais personne ne peut s’«inventer» un rendement. Nous sommes tous en quelque sorte prisonniers des rendements obtenus sur les marchés financiers.
Plus vous allouerez une proportion importante de votre portefeuille aux actions par rapport aux obligations de qualité, plus le rendement espéré de votre portefeuille sera élevé. Toutefois, «rendement espéré plus élevé» ne signifie pas «rendement garanti plus élevé». Lorsque vous courez plus de risque avec votre portefeuille, il existe toujours une possibilité que votre rendement à long terme soit décevant.
3. La date de votre retraite. Aimez-vous votre travail ? Est-ce un métier qu’on peut pratiquer à un âge avancé ou est-ce un «métier de jeune» ? Vos choix de carrière jouent un rôle primordial dans l’atteinte de votre indépendance financière à la retraite. Chaque année de plus sur le marché du travail en est une de moins à retirer de l’argent de votre portefeuille et une année de plus à y contribuer.
Pourquoi je vous raconte tout cela ?
Une grande partie du secteur des services financiers est centrée sur la vente de produits de placement. Votre réussite ne dépend pas, au premier chef, du choix du bon FNB, du bon fonds commun, du bon gestionnaire ou encore des bons titres boursiers. Elle repose d’abord et avant tout sur votre stratégie de retraite. La pierre d’assise de cette stratégie est l’épargne.
À partir du moment ou vous avez un bon taux d’épargne (disons 10 % et plus de votre revenu brut), vous pouvez passer à la prochaine étape, qui est d’établir la structure de votre portefeuille. Vos revenus de retraite qui ne viendront pas de l’épargne proviendront par défaut du rendement de votre portefeuille. Et la structure du portefeuille en détermine le rendement espéré.
Vous voulez moins de risque dans votre portefeuille ? Très bien, dans ce cas vous devrez épargner davantage pour compenser le rendement espéré moindre.
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EXPERT INVITÉ
Raymond Kerzérho CFA, MBA, est le directeur de la recherche de PWL Capital. Il enseigne également la finance à l’Université McGill. (Photo: Courtoisie)