(Photo: John Tuesday pour Unsplash)
PLAN DE MATCH. Après sa tentative infructueuse d’acquérir Cogeco l’automne dernier, Rogers a fait les manchettes en mars lorsqu’il a été annoncé — coup de tonnerre — que l’entreprise ontarienne mettrait la main sur Shaw, qui concentre ses activités dans l’Ouest canadien. Est-ce un signe que Rogers se détourne du marché québécois ? Pas du tout, répond la haute direction. Survol de ses plans pour le Québec.
L’histoire a captivé les observateurs du milieu canadien des affaires l’an dernier : Rogers, un des trois grands joueurs des télécommunications du pays, présente une première proposition d’achat non sollicitée au début de septembre 2020, en tandem avec Altice USA, pour acquérir Cogeco. Cette offre, évaluée à 10,3 milliards de dollars (G$), est refusée par l’entreprise québécoise de communications et de médias fondée en 1957.
Le mois suivant, le duo essuie un deuxième refus : sa nouvelle offre, celle-là de 11,1 G$, est également rejetée par Cogeco, contrôlée par la famille Audet. En novembre, un mois plus tard, le grand patron de Rogers, Joe Natale, exprime sa déception de ne pas avoir pu arriver à ses fins. La transaction aurait permis au géant des télécoms d’acquérir une entreprise dont les activités sont concentrées au Québec.
L’aventure n’a toutefois pas sapé l’appétit de Rogers pour les acquisitions. Quelques mois plus tard, en mars dernier, les quotidiens du pays annonçaient que l’entreprise allait acquérir Shaw Communications dans le cadre d’une mégatransaction de 26 G$ approuvée par la famille Shaw. L’entreprise prévoyait ainsi débourser environ 20 G$ pour les actions de l’entreprise et environ 6 G$ supplémentaires pour éponger sa dette.
Cette transaction, qui n’a toujours pas été approuvée en tout ou en partie par les autorités réglementaires canadiennes de la concurrence, n’améliorerait pas le positionnement de Rogers au Québec, mais l’aiderait à renforcer sa présence dans l’ouest du pays.
Au Québec pour y rester
La décision stratégique prise par Rogers de se lancer dans l’acquisition de Shaw, après avoir échoué à mettre la main sur Cogeco, peut laisser croire que l’entreprise détourne son attention du Québec. Toutefois, la direction de l’entreprise ontarienne, qui n’a pas voulu revenir sur le dossier Cogeco, assure qu’il n’en est rien.
« On ne se détourne pas du Québec, au contraire! » assure Édith Cloutier, présidente de Rogers dans la province. Elle qualifie même le marché québécois d’« hyper important » pour Rogers.
« Nos racines ici sont profondes, dit-elle. On est très présents au Québec depuis 35 ans. Nous avons 3000 employés et deux millions de clients dans la province. Cette présence-là est très importante. »
Elle souligne d’ailleurs que Fido, une des trois grandes marques détenues par Rogers — les deux autres sont Rogers et Chatr —, fêtera cette année son 25e anniversaire. Un événement que l’entreprise souhaite souligner, sans toutefois révéler trop de détails.
« Fido, c’est une marque montréalaise que l’on a acquise en 2004. On veut célébrer à fond et faire un clin d’œil à nos clients », dit Édith Cloutier. Elle reconnaît toutefois que la province est un marché qui comporte ses caractéristiques uniques.
« Le Québec est distinct, car il a sa propre culture, sa propre langue et sa propre histoire, souligne-t-elle. Mais nous restons engagés à demeurer présents dans la communauté de nos clients québécois, et de bien les servir dans leur diversité. »
Compte tenu du poids démographique de la province au Canada — plus d’un cinquième du total —, le marché québécois pourrait difficilement ne pas avoir son importance, note Édith Cloutier.
« Il faut être là, il faut être présent, dit-elle. Depuis juin 2020, on est fiers de dire que 100 % de nos centres d’appels sont ici au Canada, et juste au Québec, ce sont 1600 personnes qui servent les clients québécois dans leur langue. Je pense que l’on peut dire que notre engagement est important. »
Au-delà de tout cela, le signe le plus clair du désir de Rogers de s’investir dans la province est peut-être son projet d’investissement et de déploiement de la technologie 5G sur son territoire — une affaire de gros sous.
La 5G pour se développer
Au milieu de l’été, Rogers annonçait l’expansion de son réseau 5G dans la province. Au moment de discuter avec « Les Affaires Plus », en juillet, l’entreprise avait déjà lancé son réseau sans fil dans plus de 162 régions ou collectivités du Québec, comme Montréal, Québec et Laval, mais aussi Beloeil, Sherbrooke, Repentigny et Trois-Rivières, notamment. Avant la fin de l’année, elle comptait faire passer ce chiffre à au moins 360.
« On a été les premiers à lancer la 5G au Québec, et aujourd’hui, c’est environ 20 % de la population québécoise qui est couverte par notre réseau », illustre Édith Cloutier. Elle indique que l’empreinte économique de Rogers au Québec, en 2020, a atteint plus de 2,4 G$.
« Étant une entreprise de technologie, le développement d’infrastructures, c’est notre « core » [cœur], c’est notre moteur. La 5G, dans la province et au pays, c’est la suite des choses si on veut rester présent et innovateur. D’ici 10 ans, on fera donc beaucoup d’investissements pour déployer cette technologie », explique la présidente de Rogers au Québec.
L’entreprise aimerait aussi offrir éventuellement un accès fixe sans fil à Internet par son réseau 5G.
« C’est une possibilité que l’on est en train d’étudier pour améliorer la connectivité au Québec, dit Édith Cloutier. Comme on va déployer la 5G, ce sera une occasion de mieux servir les communautés de la province et de continuer d’innover. »
Pour l’instant, l’entreprise ne désire toutefois pas dévoiler beaucoup plus de détails sur ses plans et sa stratégie puisqu’elle en est encore à l’étape de la planche à dessin.
« Nous menons des projets pilotes, dit Édith Cloutier. Mais nous en sommes encore à étudier nos possibilités, à évaluer quel est le meilleur moyen de nous y prendre et à déterminer où, exactement, nous aimerions déployer ce service », dit-elle.
Engagée dans la collectivité
Outre le déploiement de la 5G, la présidente de Rogers au Québec parle aussi de l’engagement et de l’implication communautaire de son entreprise dans la province.
« L’Interzip Rogers, une tyrolienne reliant Gatineau à Ottawa lancée cet été, est signe de notre présence dans la région, dit-elle. On soutient aussi plus de 250 étudiants du Québec par nos bourses d’études Ted Rogers. C’est 406 000 $ que l’on a ainsi donnés à des jeunes de la province depuis 2017. »
La présidente mentionne aussi ses partenariats avec le Laboratoire d’innovation urbaine de Montréal et avec le Festival international de jazz de Montréal. L’entreprise sera d’ailleurs le commanditaire exclusif du festival en matière de télécommunications pour les cinq prochaines années.
« Oui, le développement de la technologie, c’est notre « business », mais on garde aussi une présence dans le paysage québécois à travers notre engagement communautaire », dit Édith Cloutier. À son avis, il ne fait pas de doute que cette implication démontre un engagement et un attachement important de Rogers au marché québécois.
« Quand on dit que l’on veut continuer de faire partie de l’économie québécoise, on a là de bons exemples d’actions concrètes. »