« Bien des gens courent après les dividendes, mais il faut s’assurer que le dividende est soutenable. Comprendre le ratio de distribution, qui permet de l’évaluer, devient donc primordial. » François Bélanger, conseiller en placement, BMO Nesbitt Burns. (Photo: courtoisie)
INDICATEUR CLAIR. Notre stratégie repose en tout ou en partie sur les dividendes ? Vous auriez avantage à connaître le ratio de distribution et à savoir l’interpréter. Cet indicateur vous permettra de déterminer si vos revenus sont sûrs, ou si, à l’inverse, vous risquez de vous faire couper l’herbe sous le pied.
Plusieurs investisseurs connaissent et prennent le temps de calculer le rendement du dividende, remarque François Bélanger, conseiller en placement chez BMO Nesbitt Burns. Cet indicateur se calcule en divisant le dividende à recevoir pour une année par le prix de l’action. « L’ennui, c’est que certains de ces investisseurs vont se baser seulement sur cet indicateur et vont sauter trop vite aux conclusions en se disant “Oh, c’est bon, le rendement du dividende est de 10 %” », note le conseiller.
Rien ne dit, toutefois, que le dividende versé sera le même à l’avenir. C’est là que le ratio de distribution prend toute son importance. Il permet d’aider l’investisseur à comprendre si le dividende versé par une société est soutenable ou, au contraire, s’il est à risque d’être réduit.
Comment le calculer
Pour obtenir le ratio de distribution, il suffit de diviser les dividendes annuels versés aux actionnaires par le bénéfice net (revenu après impôts). On peut ensuite multiplier le résultat par 100. Le ratio de distribution d’une entreprise qui a versé 50 000 $ en dividendes, par exemple, et dont le bénéfice net est de 100 000 $, serait donc de 50 %.
Qu’est-ce qui est considéré comme soutenable, et qu’est-ce qui l’est moins ? La réponse est en partie une affaire de jugement. De manière générale, un ratio au-delà du 50 % commence à être élevé. Au-delà de 70 %, il faut souvent y voir un drapeau rouge, explique Ann Levasseur, conseillère en placement, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille à Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Il faut aussi comprendre que la « normalité » d’un ratio donné diffère d’un secteur à un autre. Un investisseur devrait donc éviter de comparer deux entreprises actives dans deux secteurs différents.
Dans le cas des banques, par exemple, le ratio de distribution se situe habituellement entre 40 % et 50 %. Dans un domaine comme celui des services publics, où les revenus sont stables et les besoins de nouveaux investissements, relativement faibles, le ratio de distribution peut atteindre 65 % ou 75 % sans que cela soit nécessairement suspect. Idem pour le secteur des oléoducs et des gazoducs, où les contrats assurant les revenus sont souvent signés longtemps à l’avance.
À l’opposé, dans le domaine des technologies, le ratio sera souvent nul ou faible parce que les entreprises sont en forte croissance et réinvestissent une forte portion de leurs profits en R-D ou pour réaliser des acquisitions. « On parle ici de sociétés de croissance et non de valeur explique François Bélanger. Le ratio est alors moins pertinent. On devrait se servir du ratio de distribution surtout pour les entreprises matures. »
Quel que soit le secteur, une chose est certaine : quand on voit un ratio de plus de 100 %, il faut se poser de sérieuses questions, explique François Bélanger. « C’est sûr que ce n’est pas soutenable, même à court terme, parce que l’entreprise devra s’endetter pour continuer de verser son dividende. »
Prendre du recul
Le ratio de distribution est un indicateur qui permet d’évaluer la soutenabilité du dividende. Il ne s’agit toutefois pas du seul, met en garde Ann Levasseur. Un investisseur devrait donc éviter de ne tenir compte que de ce ratio à l’exclusion d’autres mesures. « Si nous voulons réellement évaluer rigoureusement la soutenabilité du dividende d’une entreprise, il y a d’autres facteurs à considérer », dit la conseillère de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, insistant sur le fait qu’il est essentiel d’évaluer la santé globale de la compagnie. Si une entreprise est en train de piquer du nez, son dividende pourrait bien ne pas être soutenable même si son ratio de distribution est faible.
Elle conseille également aux investisseurs d’analyser l’historique des fluctuations du ratio dans le temps. Quelle trajectoire a suivi le ratio d’année en année ? Est-ce que le ratio a varié soudainement à la hausse ou à la baisse ?
Si le ratio a subi un changement important, l’investisseur aurait avantage à tenter de déterminer pourquoi, suggère Ann Levasseur. La cause est peut-être évidente — une crise économique —, mais elle peut aussi l’être moins : les fluctuations pourraient par exemple résulter de changements d’environnement ou de stratégie d’affaires, ou encore de préférences des consommateurs. Un rachat d’action important, par ailleurs, pourrait aussi amener une diminution du ratio de distribution en augmentant le bénéfice par action. « En somme, il faut se questionner et aller plus loin dans nos recherches, dit Ann Levasseur. Le ratio de distribution est informatif, mais il ne faut pas s’en contenter. »