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Titres de petite capitalisation: choisir les bons chevaux

Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑octobre 2023

Titres de petite capitalisation: choisir les bons chevaux

(Photo: 123RF)

Pendant que les géants du Web tirent les grands indices boursiers vers le haut, l’incertitude économique et la hausse des coûts de financement font mal à plusieurs entreprises à petite capitalisation, dont les titres battent de l’aile depuis des mois. Pas de panique, affirment trois gestionnaires de portefeuille spécialisés dans ce type de titres: c’est l’occasion idéale de réaliser de bonnes affaires, à condition de choisir les bons chevaux.

Difficile de trouver de bonnes nouvelles cette année en ce qui concerne les petites capitalisations, peu importe l’endroit où on porte son regard. Aux États-Unis, les deux indices qui couvrent les petites capitalisations sont en recul depuis le début de l’année (perte de 3,4 % pour le S&P 600 et recul de 1,7 % pour le Russel 2000, au 5 octobre). Pendant ce temps, le S&P 500 a enregistré un gain de plus de 11 %. Le portrait est moins contrasté au Canada, alors que le S&P/TSX petites capitalisations (fortement concentré dans le secteur énergétique) a trébuché de 6 % depuis janvier, tandis que le S&P/TSX a essuyé des pertes moindres (-2 %, toujours en date du 5 octobre).

Bien sûr, aucune comparaison n’est parfaite. Les indices de petite capitalisation ont parfois le défaut de ne pas contenir les entreprises qui performent très bien — et qui sortent donc de l’indice — ou encore d’être surexposés à certains secteurs de l’économie (comme c’est le cas avec celui de l’énergie au Canada). Dans une note publiée à la fin du mois de septembre, l’analyste Hugo Ste-Marie, de la Banque Scotia, faisait également remarquer que «sous la surface, tout ne va pas bien»pour le S&P 500, puisque la croissance est surtout générée par les «sept fantastiques»:Apple (AAPL, 178,28$US), Alphabet (GOOGL, 138,91 $US), Microsoft (MSFT, 328,62 $US), Amazon (AMZN, 129,86$US), Tesla (TSLA, 223,20 $US), Nvidia (NVDA, 459,20 $US) et Meta Platforms (META, 322,61$US).

Chose certaine, les petites capitalisations ont connu de meilleurs jours, constate Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret. «Si on regarde le S&P 600, il a atteint un sommet en novembre 2021 et il est sur une pente descendante depuis. L’indice n’enregistre pratiquement pas de croissance depuis ce moment, alors que c’est l’inverse pour les grandes capitalisations», dit-il. Le Russel 2000 et le S&P/TSX petites capitalisations ont d’ailleurs suivi une trajectoire similaire, à l’exception d’un soubresaut en avril 2022 dans le cas de l’indice canadien.

Au pays, l’écart entre les titres de petites et de grandes capitalisations s’observe d’ailleurs clairement lorsqu’on compare leur valorisation relative, notamment en s’intéressant au ratio cours/flux de trésorerie disponibles, signale le gestionnaire de portefeuille Gabriel Bouchard-Phillips, responsable de la stratégie canadienne à petite capitalisation à Van Berkom.

Selon ce ratio, les titres de petite capitalisation se négocient typiquement dans un corridor montrant un écart-type oscillant entre 0,8 et 1,2 par rapport à la valeur (de 1) des titres de grande capitalisation. «En ce moment, le ratio de 0,75 montre que les titres de petites capitalisations sont globalement sous-évalués, observe-t-il. À moyen et à long terme, il y a beaucoup de croissance à venir, mais à court terme, il y a pas mal de nuages qui assombrissent le portrait.»

 

Contexte difficile

Les déboires des petites capitalisations sur les marchés boursiers s’expliquent de plusieurs façons, soutient Philippe Côté, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Eterna, où il s’occupe notamment du fonds de petites capitalisations. «Dans un contexte d’incertitude économique comme celui qu’on connaît ces jours-ci, les investisseurs vont se réfugier dans les grandes capitalisations, dit-il. Souvent, les premières actions à être vendues sont celles des petites capitalisations.»

La hausse des taux d’intérêt fait aussi mal aux entreprises de plus petite taille, qui doivent emprun-ter pour croître ou rester à flot, ajoute Philippe Côté. «Généralement, les petites capitalisations ont davantage besoin de financement, mais quand l’économie ne va pas bien, la porte du financement se ferme, rappelle-t-il. Dans bien des cas, les petites capitalisations sont des entreprises qui sont moins diversifiées et qui peuvent plus difficilement passer au travers des contextes économiques difficiles.»«Quand il y a un recul économique, l’appétit des investisseurs pour le risque diminue, ajoute Vincent Fournier. Et quand l’appétit pour le risque diminue, il y a moins d’intérêt pour les petites capitalisations, qui sont plus risquées que les grandes.»

Le portrait actuel correspond en quelque sorte à l’«effet montagnes russes»des petites capitalisations, illustre Vincent Fournier:quand les marchés financiers se portent bien, ces titres se vendent très cher, mais lorsque le contexte économique est défavorable ou incertain, ces mêmes actions peuvent descendre et devenir peu chères.

 

Occasions à saisir

Qui dit actions au plancher dit généralement occasions à saisir. À titre d’exemple, Gabriel Bouchard-Phillips évalue que les titres qui composent son fonds de petites capitalisations canadiennes se vendent à un prix 14 % moins élevé que la valeur intrinsèque qu’il leur attribue, alors qu’il observe habituellement un écart de plus ou moins 5 % dans un marché justement évalué. «Quand on se retrouve avec des escomptes de 10 % à 15 %, on parle d’occasions d’achat exceptionnelles», dit-il. «Il y a des occasions, acquiesce Philippe Côté, d’Eterna. La plupart des évaluations de titres à petite capitalisation sont très basses.»

Il peut donc être payant de dénicher ces jours-ci des actions à petite capitalisation sous-évaluées, qu’on peut payer à bas prix tout en profitant d’un grand potentiel de croissance, souligne Vincent Fournier, de Claret. «La beauté des petites entreprises, c’est que le plafond est beaucoup plus élevé que pour une grande entreprise, affirme-t-il. C’est beaucoup plus facile de faire croître une société qui possède 3% des parts de marché de son industrie qu’une entreprise comme Pepsi (PEP, 164,74$US), qui doit arracher des parts de marché à Coca-Cola (KO, 54,09 $US) pour grossir.»

Il faut cependant jouer de prudence, disent les trois gestionnaires de portefeuille. Les titres à petite capitalisation peuvent être plus lucratifs à moyen et à long terme que ceux à grande capitalisation, mais ils sont généralement plus risqués et moins couverts par les analystes. Le défi est donc de séparer le bon grain de l’ivraie. «La clé, c’est de faire ses devoirs, qu’on les fasse soi-même ou par l’entremise d’un professionnel, affirme Gabriel Bouchard-Phillips. Pour le commun des mortels, ce n’est pas facile de distinguer la saveur de la semaine de la société qui sera encore là dans 5, 10 ou 15 ans.»

 

Choix importants

Le gestionnaire de portefeuille principal chez Van Berkom met toutefois les investisseurs autonomes en garde contre l’achat d’un fonds indiciel s’appuyant sur le Russel 2000, le S&P 600 ou le S&P/TSX petites capitalisations, puisque ce type de fonds «ne peut pas discerner la réalité d’un engouement à court terme». «Je pense que nous sommes plutôt dans un marché propice à la sélection de titres», ajoute-t-il.

«Mon expérience m’apprend que les petits investisseurs qui se lancent dans les petites capitalisations jouent plus au casino qu’ils n’investissent. Ils ne veulent pas faire un coup de circuit. Ils veulent faire un grand chelem à chaque fois qu’ils se présentent au bâton», illustre Vincent Fournier, en pensant par exemple à celles et ceux qui espèrent doubler leur mise en l’espace d’un an.

Il est plus sage de choisir un fonds qui correspond à nos objectifs de placement ou de faire les analyses nécessaires soi-même et de viser un rendement intéressant, sans être astronomique, conseillent les trois spécialistes. Autrement dit, de frapper un double à chaque présence au marbre, plutôt que de tenter la longue balle à tout coup… en risquant de se faire retirer sur élan.

 

 

CONSEILS DE L’EXPERT

Il peut être payant de dénicher ces jours-ci des actions à petite capitalisation sous-évaluées

Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille, Claret (Photo: courtoisie)

«La beauté des petites entreprises, c’est que le plafond est beaucoup plus élevé que pour une grande entreprise. C’est beaucoup plus facile de faire croître une société qui possède 3 % des parts de marché de son industrie, qu’une entreprise comme Pepsi (PEP, 164,74 $US) qui doit arracher des parts de marché à Coca-Cola (KO, 54,09 $US) pour grossir.»

 

 

À SUIVRE: TROIS TITRES RECOMMANDÉS

TROIS TITRES RECOMMANDÉS

Nous avons demandé à nos trois experts de sélectionner un titre de petite capitalisation attrayant en Bourse en ce moment. Voici leurs choix:

 

GDI services aux immeubles (GDI, 39,00 $)

Cette entreprise montréalaise reconnue notamment pour ses services de nettoyage et de désinfection a grandement profité du contexte pandémique. La valeur de son action a doublé en 2021 par rapport au creux de mars 2020 et s’est maintenue à un niveau élevé jusqu’au printemps 2022. L’histoire est cependant différente depuis le début de l’année:le titre a perdu plus de 12 % (au 5 octobre) et est pratiquement de retour à sa valeur d’avant le début de la pandémie.

«Ce qui est intéressant avec GDI, c’est que les investisseurs la perçoivent encore comme une entreprise de nettoyage, alors qu’elle offre en quelque sorte un service clé en main pour les immeubles», affirme Philippe Côté, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Eterna. Il estime que le récent recul de l’action à la Bourse de Toronto est notamment dû à la fin des exigences de désinfection très strictes, mais il souligne que l’entreprise active au Canada et aux États-Unis a bien plus à offrir. Elle se charge par exemple de la gestion et de l’entretien d’immeubles, ce qui demeure des services prisés malgré le contexte économique actuel, dit-il.

«Le titre se négocie au bas de son évaluation en partie à cause des nouvelles concernant les immeubles de bureaux qui sont désertés et le fait que les employés sont en télétravail, observe Philippe Côté. Pourtant, l’entreprise se concentre dans les édifices de meilleure qualité et ce ne sont pas ceux-là qui sont vides.»Le gestionnaire de portefeuille croit donc qu’on peut aujourd’hui se procurer le titre de GDI à bon prix et espérer une croissance intéressante dans les prochaines années. «Ce sera à l’entreprise de montrer au cours des prochains trimestres qu’elle peut continuer de prendre de l’expansion et que sa marge de profit est stable.»

 

À SUIVRE: Converge Technology Solutions (CTS, 2,84 $)

Converge Technology Solutions (CTS, 2,84 $)

Si vous cherchez une entreprise à petite capitalisation dont la valeur est grandement sous-estimée par les temps qui courent, Converge Technology Solutions est une excellente option, affirme Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret. Cette société torontoise notamment spécialisée en technologies de l’information et en services infonuagiques a connu une ascension fulgurante entre 2020 et 2022, lorsque la valeur de son action est passée d’un peu plus de 1 $ à 12 $. Le titre est cependant en recul de 43 % depuis le début de l’année (au 5 octobre) et l’action n’arrive plus à dépasser le seuil des 3 $.

«Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une entreprise qui a suffisamment changé pour justifier de telles montagnes russes, soutient Vincent Fournier. Il souligne que l’entreprise a mis sa stratégie d’achat sur pause en raison de la baisse de la valeur de son action — qui représentait auparavant une monnaie d’échange intéressante —, dans le but de ne pas diluer son actionnariat. «Ça demeure une excellente entreprise, dit-il. Elle a toujours généré des flux de trésorerie positifs. Même si elle décide d’arrêter la croissance et de se concentrer sur sa gestion, elle va générer des bénéfices.»

«Si vous achetez Converge Technology Solutions aujourd’hui, vous payez moins de cinq fois les bénéfices attendus pour la prochaine année. C’est très, très peu dispendieux pour une petite capitalisation qui a la chance de croître», conclut Vincent Fournier.

 

À SUIVRE: Computer Modelling Group (CMG, 10,16 $)

Computer Modelling Group (CMG, 10,16 $)

Contrairement à plusieurs autres titres de petite capitalisation, tout roule comme sur des roulettes en 2023 pour Computer Modelling Group, une entreprise de Calgary qui est renommée pour ses logiciels de simulation de réservoirs pour l’industrie pétrolière et gazière. L’action s’est appréciée de plus de 63 % depuis le début de l’année (au 5 octobre). «C’est une entreprise méconnue qui a subi une transformation complète au cours des deux dernières années. Elle a diversifié son modèle d’affaires pour se tourner vers l’énergie verte», fait remarquer l’associé et gestionnaire de portefeuille principal chez Van Berkom, Gabriel Bouchard-Phillips.

«La société est en train de remporter des contrats pour faire de la modélisation dans les domaines de la séquestration de carbone, de la géothermie ou encore de l’hydrogène, dit-il. Ça se reflète dans le prix du titre.»

Il ajoute que Computer Modelling est un leader dans son domaine à l’échelle internationale, que son nouveau PDG, Pramod Jain — en poste depuis mai 2022 —, est «exceptionnel», qu’elle n’a pas de dette et que ses revenus sont appelés à croître de 10 % par année de manière organique (sans compter les répercussions de la récente acquisition de la société Bluware), et vous avez devant les yeux un titre très prometteur, soutient Gabriel Bouchard-Phillips. «Oui, le titre a bien performé dans les derniers 12 mois, mais je crois qu’il y a encore beaucoup de potentiel de croissance», juge-t-il.