Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Un cadeau aux conséquences fiscales

Charles Poulin|Édition de novembre 2024

Un cadeau aux conséquences fiscales

CF Crozier & Associates, une société d’ingénierie ontarienne, a offert jusqu’à 20 000 $ à titre de mise de fonds pour l’achat d’une propriété à 36 de ses employés. (Photo: Adobe Stock)


Les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour retenir leurs employés. Une société d’ingénierie ontarienne leur offre même jusqu’à 20 000 $ à titre de mise de fonds pour l’achat d’une propriété. Mais ce cadeau d’un employeur a-t-il des conséquences fiscales pour la personne qui le reçoit ?

L’article paru dans le Globe and Mail, début octobre, en a fait sourciller plusieurs. L’entreprise ontarienne CF Crozier & Associates a offert, depuis quatre ans, jusqu’à 20 000 $ à 36 de ses employés pour qu’ils puissent s’acheter une propriété en échange de leur loyauté pour au moins trois ans.

Il ne serait pas tellement surprenant qu’une entreprise québécoise décide de faire de même… ou le fasse déjà. Mais ce type de prime n’est pas sans coût pour l’employé qui la reçoit.

« Ça peut être bénéfique pour l’employé, mais chose certaine, ce n’est pas un cadeau sans conséquence fiscale », souligne Vincent Fortier, CPA et directeur principal en fiscalité à Raymond Chabot Grant Thornton.

Avantage imposable

Autant Vincent Fortier qu’Anik Bougie, cheffe de pratique à la planification financière et à la fiscalité à la Financière des professionnels, sont catégoriques. Il s’agit d’un avantage imposable.

« Si l’employé le reçoit en espèces, il ne partira pas avec 20 000 $ à la banque pour sa mise de fonds, observe Anik Bougie. En plus des sommes qui seraient retenues en impôt, un avantage imposable est assujetti aux cotisations sociales. »

Portes de sortie

Il existe toutefois des portes de sortie qui permettraient à un employé de ne pas retrancher quelques milliers de dollars à la prime que son patron lui offre.

Les deux premières sont le REER et le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), deux régimes enregistrés qui permettent de réduire le revenu imposable. Le REER permet d’utiliser la somme pour le régime d’accession à la propriété (RAP), tandis que le CELIAPP a été conçu spécifiquement pour l’achat d’une première propriété.

Dans les deux cas, souligne Vincent Fortier, l’argent doit être envoyé directement dans le compte enregistré.

« Tant que ça ne transite pas dans les mains de l’employé, il n’y aura pas de retenue d’impôt à la source, indique-t-il. Il va tout de même y avoir des déductions à la source pour les charges salariales, autant pour l’employeur que pour l’employé. »

Attendre à la fin de l’année

Une stratégie qui permettrait d’éviter les charges sociales serait d’effectuer le versement directement dans le compte enregistré de l’employé à la fin de l’année si celui-ci a atteint les plafonds de cotisation au Régime des rentes du Québec (RRQ), au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et à l’assurance-emploi.

Attention, prévient toutefois Anik Bougie. Ce n’est pas à l’employeur de s’assurer qu’il reste suffisamment de droits de cotisation pour le REER de l’employé.

« Pour ce qui est du CELIAPP, le droit de cotisation est acquis en fonction de l’année où il a été ouvert, rappelle-
t-elle. Si on l’a ouvert uniquement en 2024, il sera possible de ne cotiser que 8000 $ à son CELIAPP. Pour quelqu’un qui a ouvert son compte en 2023 et qui n’aurait pas cotisé encore, il y aurait 16 000 $ d’espace. C’est donc plus limité comme stratégie. »

Il faut également garder en tête que le plafond du RAP est passé de 35 000 $ à 60 000 $ depuis le 16 avril, mentionne Vincent Fortier.

Prêt à l’employé

L’autre solution envisageable serait de transformer le « cadeau » en prêt à l’employé.

Il y aura un avantage imposable, mais celui-ci sera calculé sur les intérêts payés entre le taux prescrit de l’Agence du revenu du Canada (actuellement à 5 %) et le taux réellement payé par l’employé.

« Disons que l’employeur fait un prêt à 0 %, explique Anik Bougie. On aurait le taux prescrit à 5 %, l’employé paye 0 %. L’employé aurait, annuellement, un avantage imposable d’un intérêt réputé de 5 % sur le montant du prêt. Si on prend 20 000 $ de prêt avec 5 % de taux d’intérêt prescrit, on est à 1000 $ d’avantage imposable, donc qui s’ajoute sur le revenu imposable par année. Si l’employé a un taux marginal d’imposition (TMI) de 35 %, il sera imposé de 350 $ par année. »

L’employeur pourrait de plus renoncer au capital par la suite. Dans ce cas, ajoute-t-elle, le montant de la renonciation serait alors ajouté au revenu de l’employé.