CHRONIQUE. Combien de temps le cycle s'étirera-t-il encore? Les multiples sont tentants, mais le sont-ils vraiment?
CHRONIQUE. Combien de temps le cycle s’étirera-t-il encore ? Les multiples sont tentants, mais le sont-ils vraiment ? Les bénéfices ne risquent-ils pas de dégonfler demain et de faire réaliser que ce qui était attrayant ne l’était finalement pas tellement ?
Le commentaire de Financière Banque Nationale s’est présenté sous nos yeux alors que nous étions en pleine réflexion sur la hauteur des marchés : «La santé, meilleur remède pour les récessions.» Le point de vue est celui d’Endri Leno, analyste affecté au créneau.
Sa conclusion : la nature défensive du secteur devrait en faire un choix naturel pour les périodes de cycle à maturité ou de récession.
M. Leno est remonté 30 ans en arrière pour voir ce qu’avait fait le S&P Healthcare Index aux États-Unis. Il y a croisé trois récessions et quatre cycles d’économie à maturité. À des fins de compréhension, les périodes de maturité sont définies comme celles où le taux de chômage ne fait ni grimper, ni descendre l’inflation.
Résultat : dans les périodes de cycles à maturité, le sous-indice américain a en moyenne enregistré un rendement annuel de 29 %, alors que le S&P 500 donnait du 7 %. Tout aussi intéressant, dans les trois récessions rencontrées, le S&P Healthcare a en moyenne affiché une progression de +20 %, alors que le S&P 500 était plutôt à -1,2 %.
Aucun autre secteur n’affiche une telle performance. Seulement deux autres offrent des rendements qui demeurent dans le positif en période de maturité et de récession : la consommation de biens essentiels (15,1 %, 13,5 %) et la technologie (20,6 %, 3,5 %). Tous les autres secteurs tombent dans le rouge lorsque se présente une récession.
Est-ce à dire que le secteur de la santé est à toute épreuve ? Pas exactement. L’analyste fait une moyenne de périodes. Or, lors de la dernière récession, il a, lui aussi, flanché. Un recul senti de 21,7 %. Cela dit, le recul a été moindre que celui du S&P 500 (-26,2 %).
Constat : le secteur n’est pas à toute épreuve, mais, historiquement, il est de ceux qui encaissent le mieux les récessions et permettent de générer les meilleurs rendements en amont.
Oui, mais, ça brasse en santé
Oui, mais, diront certains, il se passe beaucoup de choses en santé, ces jours-ci, aux États-Unis. Les jours à venir ne seront peut-être plus ce qu’ils étaient.
Le programme Medicare demande par exemple maintenant que les hôpitaux affichent les prix de leurs interventions en ligne afin de permettre une meilleure comparaison.
En parallèle, le président Donald Trump répète fréquemment que le prix des médicaments est trop élevé aux États-Unis.
M. Leno ne croit pas qu’il y ait péril en la demeure pour les acteurs du secteur. Il estime que les démarches préconisées par le président et les démocrates pour faire baisser le prix des médicaments sont par exemple trop différentes et ne sont pas facilement réconciliables. Avec deux chambres divisées, il juge que la probabilité qu’un projet de loi sur le contrôle des prix fasse son chemin jusqu’au président semble plutôt faible.
Que faire ?
Pour celui qui croit que la prochaine récession sera légère et qui désire demeurer exposé au marché boursier (en 2008, tout le monde aurait préféré ne pas y être), une première option est probablement de jouer l’un ou l’autre des fonds négociés en Bourse (FNB) qui suivent le secteur. Il y en a un certain nombre, et on ne s’est pas attardé à chacun.
Au contraire de ce qu’anticipe M. Leno, quelque chose nous dit cependant que le président et les démocrates réussiront à s’entendre avant la prochaine élection pour mettre en oeuvre un certain nombre de mesures visant à abaisser le prix des médicaments.
Il pourrait être plus intéressant de plutôt se constituer une position dans quelques titres individuels moins exposés aux médicaments.
Dans l’univers de M. Leno, deux semblent aussi faire consensus chez les autres analystes : Akumin et IMV.
Akumin (AKU.U, 3,69 $)
La société détient 96 centres d’imagerie aux États-Unis.
L’analyste s’attend à ce que l’entreprise continue de croître par acquisitions en 2019. Elle cible particulièrement la Floride, où elle veut devenir un joueur dominant, en faisant passer son nombre de cliniques de 46 à 80-100.
Akumin profite apparemment d’un contexte où les coupes sur les remboursements des dernières années, de même qu’un fardeau réglementaire accru, ont poussé les exploitants marginaux vers la sortie à des multiples déprimés. Elle tente d’obtenir des synergies avec ses activités existantes.
Dans l’imagerie, les prix semblent apparemment se stabiliser. Les plus faibles coûts d’exploitation (moins d’imprévus, d’urgences et de cas lourds) permettent à Akumin de demander moins cher que les hôpitaux, et la volonté d’assureurs comme UnitedHealthcare d’envoyer en conséquence davantage de clients vers ce type de centre, devraient faire grimper les volumes dans le temps.
Le titre se négocie actuellement à 6,4 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) 2019 et 12 fois le bénéfice par action (BPA) de Financière Banque Nationale, alors que le plus proche comparable, RadNet (RDNT, — $ US), est à 7,8 fois le BAIIA et 28,5 fois le BPA. Sa dette n’est pourtant qu’à 1,8 fois le BAIIA 2019, alors que celle du comparable est à 3,5 fois.
La cible de M. Leno est à 5,25 $ US.
IMV Inc. (IMV, 6,62 $ US)
Plus spéculatif, ici. Il s’agit d’une société de recherche basée à Toronto qui travaille sur différents produits contre le cancer et a une plateforme de vaccins.
Les yeux sont particulièrement braqués sur un nouveau traitement contre le cancer des ovaires, qui est actuellement en essai clinique de phase 2. Si les résultats de phase 1 sont confirmés d’ici 5 à 6 mois, la société planifie de rencontrer la FDA pour tenter d’obtenir une désignation «Breakthrough» et une approbation en accéléré. L’obtention d’une telle désignation aurait probablement un effet catalyseur sur le titre. Elle permet généralement à un produit d’être approuvé en plus de cinq ans plutôt que sept ans et conduit à un taux d’approbation significativement plus élevé que les produits non désignés (44 % contre 8-10 %).
D’autres produits sont aussi dans le pipeline de développement et pourraient franchir des étapes importantes.
L’entreprise a 20 millions de dollars de liquidités et en brûle entre 4 M$ et 4,5 M$ par trimestre.
La cible de M. Leno est à 12 $.