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Une année chargée pour Lion Électrique

Simon Lord|Édition de la mi‑octobre 2022

Une année chargée pour Lion Électrique

Au dernier trimestre, Lion Électrique a livré 105 véhicules. Marc Bédard reconnaît que son entreprise « n’en produira pas 3000 le mois prochain ». (Photo: courtoisie)

PLAN DE MATCH. Avec l’ouverture de deux nouvelles usines — une de batteries, l’autre de véhicules — et l’objectif d’augmenter sa cadence de production, Lion Électrique a du pain sur la planche dans l’année qui vient. Mais avec un carnet de commandes bien rempli, le fabricant d’autobus et de camions électriques est confiant de pouvoir relever le défi. Survol de son plan de match.

Le gros morceau du plan de Lion Électrique pour l’année à venir, explique le fondateur et chef de la direction, Marc Bédard, sera la mise en service de sa nouvelle usine de batteries à Mirabel.

« On va prendre possession de l’usine et lancer la production d’ici la fin de l’année, dit-il. Pour nous, ça va changer la donne. »

À la fin du mois d’août, le bâtiment était pratiquement complété. Certains équipements restant à être livrés, Lion Électrique reconnaît ne pas être à l’abri de retards de ses fournisseurs, mais se dit pour l’instant « en contrôle ». Tous comptes faits, l’entreprise de Saint-Jérôme s’apprêtait à prendre possession dans les mois ou semaines suivantes, de sorte que la production devrait commencer avant la fin de l’année.

Cette usine ne sera toutefois pas utilisée pour construire des piles — les cellules elles-mêmes — mais bien pour assembler des blocs-batteries sur mesure à partir de piles individuelles.

Marc Bédard, qui qualifie son usine de « mini-Gigafactory », une référence aux usines de piles de Tesla, explique que ses installations auront une capacité de production annuelle de cinq gigawattheures. Cela se traduit par une capacité suffisante pour électrifier environ 14 000 camions et autobus de poids moyens et lourds annuellement.

L’usine, qui sera hautement automatisée, devrait conférer plusieurs avantages au fabricant.

 

Sécuriser l’approvisionnement

Avec la construction de sa propre usine d’assemblage de batteries, Lion Électrique pourra acheter des cellules de même que des composantes électroniques pour ensuite assembler elle-même des batteries construites spécialement pour ses véhicules. Grâce à cette intégration verticale, la compagnie anticipe être plus à même d’assurer son approvisionnement.

Marc Bédard note qu’il est en ce moment « extrêmement difficile pour ceux qui achètent des packs [blocs-batteries] » d’obtenir la forme et la puissance qu’ils désirent.

« En fait, juste de réussir à avoir des ‘packs’ tout court, c’est compliqué, dit-il. Tu deviens donc captif de tes fournisseurs. En faisant nos propres ‘packs’, on enlève toute une couche de défis liés à l’approvisionnement. »

En achetant des cellules et des composantes plutôt que des blocs-batteries, Lion Électrique espère ainsi améliorer ses chances de ne pas souffrir de problèmes d’approvisionnement. Marc Bédard explique que cette motivation est même aujourd’hui devenue sa raison principale pour aller de l’avant avec le projet.

« Il y a quelques années, on passait un peu pour des hurluberlus quand on parlait de carences en batteries », raconte le président, qui se dit heureux de ne pas avoir sous-estimé le problème. 

« Et on n’est pas les seuls à penser que c’est une bonne stratégie. Le fabricant de véhicules lourds Nikola (NKLA, 5,45$US) est par exemple en train d’acquérir son fournisseur de packs. »

Lion Électrique prévoit être en mesure de réaliser des économies de coût par kilowattheure de l’ordre d’environ 40 %. Un autre avantage non négligeable, estime Marc Bédard. 

« C’est ce qu’on a toujours dit et on estime que c’est encore possible, malgré la hausse du prix du kilowattheure dans le marché en général. »

 

C’est parti à Joliet

Un autre gros morceau du plan de match de Lion Électrique pour l’année à venir sera la mise en service de sa nouvelle usine de fabrication de véhicules de 900 000 pieds carrés à Joliet, en Illinois, un projet de 150 M$. Après avoir pris possession des installations au début de l’année, l’entreprise s’apprête maintenant à lancer la production d’ici la fin de l’année. 

À terme, l’entreprise y fabriquera des camions, mais l’accent sera mis d’abord sur les autobus scolaires.

« La coquille est construite, et là, on est train de recevoir l’équipement et de finaliser l’intérieur, détaille Marc Bédard. En vérité, on a déjà commencé à y fabriquer des autobus pour tester nos méthodes de fabrication, mais c’est vers la fin de l’année que la vraie production va commencer. » 

L’augmentation de la cadence de fabrication est d’ailleurs le principal défi auquel l’entreprise devra s’attaquer au cours de la prochaine année.

Car autant dans le cas de cette usine que pour celle de Mirabel, l’augmentation de la production renferme des gains potentiels, mais comporte aussi des risques.

 

Accélérer sans perdre le contrôle

Lion Électrique produit déjà des prototypes de batteries avec son partenaire, JR Automation, dans le Michigan. Elle produit naturellement aussi déjà des véhicules dans son usine de Saint-Jérôme.

Mais l’augmentation de la cadence constitue un défi de taille. Au moment de l’annonce de ses résultats du deuxième trimestre de 2022, en août dernier, la compagnie notait d’ailleurs qu’environ 418 véhicules inclus dans son carnet de commandes — une valeur totale d’environ 165 M$ — se rapportaient à des produits qui n’étaient pas encore en production commerciale. 

« Si la société n’est pas en mesure de développer et d’augmenter avec succès ses processus de fabrication tout en respectant les coûts et les délais prévus, cela pourrait nuire considérablement à ses activités, à ses résultats d’exploitation ou à sa situation financière », mettait en garde l’entreprise. 

En entrevue avec Les Affaires Plus, Marc Bédard s’est toutefois fait rassurant. « En 2023, ça va être notre mission de tous les jours, et on prend des mesures pour que tout fonctionne et que l’on puisse augmenter la production de batteries et de véhicules de façon constante et linéaire. »

L’entreprise s’est par exemple assuré d’avoir une redondance en ce qui a trait à ses fournisseurs pour éviter de faire face à des problèmes d’approvisionnement qui pourraient freiner sa production.

« Quand on augmente la cadence, les fournisseurs doivent suivre, dit Marc Bédard. Alors on s’est assuré, pour chaque composante, d’avoir plusieurs fournisseurs pour que l’on ne dépende d’aucun d’entre eux. »

 

Un carnet de commandes bien rempli

Au dernier trimestre, Lion Électrique a livré 105 véhicules. Marc Bédard reconnaît que son entreprise « n’en produira pas 3000 le mois prochain ». Il veut toutefois augmenter la cadence pour pouvoir répondre rapidement à la demande. Et son carnet de commandes est bien rempli : on y dénombrait 2 357 véhicules au début du mois d’août, soit 286 camions et 2 071 autobus, pour une valeur totale combinée d’environ 575 M$.

Si l’entreprise ne fournit pas d’estimations de croissance ni de sa hausse de cadence de production, Marc Bédard sent que l’intérêt du marché est important. 

« Gardons en tête que l’on est en train d’investir dans une usine américaine qui aura une capacité de production de 20 000 véhicules par année, alors que celle de notre usine de Saint-Jérôme est de 2 500, dit-il. Je pense qu’on est bien positionné pour aller chercher de bonnes parts de marché dans l’industrie. »

 

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Lion Électrique en bref

Employés : 1300

Véhicules offerts : 7 (camions et autobus)

Véhicules à entrer en production : 6 (camions, autobus, ambulance, camion utilitaire, camion benne)

Véhicules sur la route : 700 

Chiffre d’affaires : 29,5 M$ (T2 2022)

Véhicules livrés au T2 2022 : 105 

90 autobus et 15 camions 

91 véhicules au Canada et 14 au É.-U.