EXPERT INVITÉ. Nous avons appris récemment le décès du mathématicien britannique Edward H. Simpson (1922- ...
EXPERT INVITÉ. – Nous avons appris récemment le décès du mathématicien britannique Edward H. Simpson (1922-2019). Ce dernier s’est d’abord distingué pendant la Seconde Guerre mondiale comme décodeur au service de la Royal Navy, ayant permis l’interception de nombreux navires de ravitaillement destinés aux troupes du général allemand Rommel.
À la fin de la guerre, il termine son doctorat à Cambridge, puis publie en 1947 un article dans la revue Nature, «La mesure de la diversité», lequel propose une formule statistique (ou «indice de diversité») d’une simplicité remarquable destinée à mesurer la biodiversité.
Cette formule a ensuite été utilisée en économie pour mesurer la concentration des secteurs industriels aux fins de la lutte contre les monopoles. Éventuellement, la formule de Simpson a été reprise afin de déceler la concentration au sein des portefeuilles de placement. Un portefeuille bien diversifié se remettra assez facilement de la chute de une ou de plusieurs entreprises en portefeuille. Par contraste, un portefeuille concentré qui aurait le malheur de détenir l’équivalent de Nortel ou d’Enron pourrait voir son rendement à long terme réduit substantiellement, alors qu’une perte trop lourde sera très difficile à récupérer.
C’est ici qu’intervient l’indice de diversité, qui aide à déterminer la concentration excessive. En outre, le nombre de titres détenus peut largement surestimer la diversification d’un portefeuille. Imaginons par exemple le portefeuille A, qui détient 100 titres, mais dont la valeur est concentrée à 99 % dans un seul d’entre eux, le reste étant réparti également entre les 99 autres titres.
Portefeuille A :
Titre / Pondération
Action 1 / 99 %
Actions 2, 3, 4… 100 / 1 % au total
La formule suivante permet d’ajuster le nombre de titres en portefeuille selon la répartition plus ou moins large des actifs : Indice de diversité = 1/somme (pondération des titres 2)
Appliquée sur le cas plus haut, voici ce que ça donne : 1/(0,992 + 0,012) = 1,02. L’indice de diversité du portefeuille A est 1,02 titre. Ainsi, même si le portefeuille A peut sembler diversifié puisqu’il détient 100 titres, il est en réalité l’équivalent d’un portefeuille d’un seul titre.
Regardons maintenant le portefeuille B, un portefeuille équipondéré de 100 titres.
Portefeuille B :
Titre / Pondération
Actions 1, 2, 3… 100 / 1 % chacune
Cette fois-ci, l’indice de diversité est exactement de 100 titres, ce qui signifie que le nombre de titres est le juste reflet de la diversification du portefeuille.
Pour illustrer l’indice de diversité plus concrètement, nous l’avons calculé pour trois indices boursiers bien connus (voir le tableau).
Alors que l’indice S&P/TSX des actions canadiennes inclut presque 250 titres, son indice de diversité est de moins de 50 titres. La Bourse américaine est mieux diversifiée, alors que les 500 titres de l’indice S&P500 équivalent à la diversité d’un portefeuille équipondéré de 116 titres. Finalement, on obtient une diversification maximale avec l’indice mondial d’actions MSCI ACWI, dont l’indice de diversité se chiffre à plus de 300 titres.
On peut également calculer la diversification par secteurs pour chacun de ces trois indices. La Bourse canadienne a un indice de diversité sectoriel de six (sur un maximum possible de onze secteurs au total), contre huit pour les actions américaines et neuf pour l’indice d’actions mondiales. On peut donc dire qu’ajouter les actions américaines et internationales réduit substantiellement le risque de concentration, à la fois des titres individuels et des secteurs.
En conclusion, les indices de diversité par titres et par secteurs fournissent une bonne indication de la solidité d’un portefeuille. De nombreux investisseurs, dont le portefeuille est constitué d’une poignée de titres seulement, courent selon moi un risque qu’il ne rapporte aucun rendement espéré additionnel. Le plus étonnant, c’est que la diversification internationale n’est pas tellement plus coûteuse que d’investir en actions canadiennes seulement. Vous pouvez investir avec un FNB d’actions canadiennes, comme le BMO S&P/TSX composé plafonné, et y ajouter des FNB complémentaires pour les actions américaines et internationales, ou encore choisir un FNB indiciel mondial et dans les deux cas payer des frais de 0,25 % ou moins. La prochaine fois que vous rencontrez votre conseiller financier, vous devriez lui demander quel est l’indice de diversité de votre portefeuille.
EXPERT INVITÉ
Raymond Kerzérho CFA, MBA, est le directeur de la recherche de PWL Capital. Il enseigne également la finance à l’Université McGill.