ANALYSE. Le titre de Cominar est encore loin du sommet de 25,45 $ touché en juillet 2012.
ANALYSE. Rien de mieux qu’une journée entière à parler de tous les aspects d’une stratégie de relance pour redonner confiance aux analystes. C’est encore plus vrai quand la personne qui a organisé la première journée des investisseurs du Fonds de placement immobilier Cominar (CUF.UN, 13,56 $) est experte du courtage de valeurs mobilières.
Heather Kirk, que Cominar a recrutée en décembre dernier à titre de vice-présidente exécutive et chef des opérations financières, a cumulé 20 ans d’expérience chez BMO Marchés des capitaux et à Financière Banque Nationale, où elle a réalisé des financements, des mandats de conseils stratégiques en fusions et acquisitions pour des fonds immobiliers.
Les analystes qui ont assisté à la rencontre de Toronto sont donc revenus satisfaits de ce qu’ils ont entendu de la part de huit porte-parole du fonds de Québec. Six d’entre eux ont joint Cominar dans les 12 mois derniers.
Un bon plan, encore à réaliser
Cominar vise une valeur comptable de 18 $ par part et un bénéfice d’exploitation annuel de 1,30 $ par part en 2022. Le Fonds veut aussi recouvrer une cote de crédit de première qualité après 2020.
Le plan de match requiert une série d’initiatives, dont une accélération des revenus par propriété comparable, une réduction des coûts (15 millions de dollars) et des dépenses en capital, la mise en valeur de propriétés, l’optimisation de la dette et le rachat de 100 M $ ou 4 % des parts en Bourse.
Si les nouvelles orientations stratégiques plaisent, les analystes ne sont pas encore tous aussi convaincus quant aux chances de réussite.
Ainsi, Matt Komack, de Financière Banque Nationale, gonfle son cours cible de 15 $ à 16 $ parce que les perspectives de croissance présentées dégagent un nouveau sentiment de confiance.
En revanche, son collègue Mario Saric, de la Banque Scotia, relève sa cible de 13 $ à 14 $ et compare le nouvel effort de relance à un «bouton de réinitialisation». «Le Fonds a présenté une nouvelle démarche pour relever de vieux défis qui met l’accent sur un changement de culture et la gestion plus dynamique des actifs», évoque-t-il.
Si le Fonds réussissait à faire croître sa valeur d’actif net de 5 % par année d’ici 36 mois comme il le vise, son titre gagnerait un multiple d’évaluation plus élevé, ajoute M. Saric.
Malgré ces réserves, le titre de Cominar s’est apprécié de plus de 5 % au cours des derniers jours, s’offrant même un nouveau sommet annuel de 13,90 $ le 9 octobre.
Le Fonds revient de loin
Depuis 2012, Cominar a connu un parcours houleux ponctué par des carences de gouvernance, par le recentrage sur le Québec après l’achat massif d’un portefeuille de propriétés d’Ivanhoé Cambridge, par deux réductions de son dividende et par le déclin annuel de 10 % par année de la valeur de son actif net depuis cinq ans.
Le Fonds a consacré les derniers mois à un examen stratégique de son portefeuille et de son mode de fonctionnement afin de corriger les lacunes et d’accélérer la croissance.
Le titre de Cominar est encore loin du sommet de 25,45 $ touché en juillet 2012, malgré l’effet bénéfique de la rechute des taux d’intérêt sur la valeur de tous les fonds immobiliers, la conjoncture économique favorable au Québec et un précédent plan de redressement.
Néanmoins, le titre a regagné 30 % depuis son plancher annuel de 10,41 $. Son gain de 20 % en 2019 est égal à celui de l’industrie.
Ce rebond est encourageant quand on sait que les amateurs de fonds immobiliers préfèrent de loin les propriétaires d’appartements en Bourse à cause de la forte demande et de la hausse soutenue des loyers.
Par exemple, le propriétaire d’immeubles résidentiels locatifs de Mainstreet Equity (MEQ, 61,50 $), de Calgary, a bondi de 46 % depuis le début de l’année, tandis que Minto Apartment Real Estate Investment Trust, d’Ottawa (MI.UN, 22,62 $), a explosé de 56 % depuis son entrée en Bourse en juillet 2018.
Or, le portefeuille de centres d’achats de Cominar représente encore 34,7 % du bénéfice d’exploitation. Ces dernières années, le propriétaire a eu à composer avec le départ de Target et la liquidation de Sears Canada, entre autres, en plus de la concurrence du commerce en ligne.
Cominar veut donc réduire de 44 % à une fourchette de 15 % à 20 % la proportion qu’occupent les détaillants de vêtements et d’articles de mode parmi les locataires de ses immeubles commerciaux en accueillant d’autres types de commerce.
Du pain sur la planche
Cominar a encore beaucoup à faire pour assainir son bilan, croit Michael Markidis de Desjardins Marché des capitaux. D’ici 2021, le Fonds veut diminuer de 10,4 à 9,5 le ratio qui compare la dette au bénéfice d’exploitation. Ce taux serait le plus bas depuis 2015.
D’ici là, un multiple de 12 fois les fonds générés par l’exploitation prévue en 2021 semble adéquat, selon M. Markidis. Ce dernier est disposé à relever ses prévisions de bénéfices et son cours cible de 14 $ si la transformation progressait mieux qu’il ne le prévoit.
Le plan présenté est crédible, estime Pammi Bir, de RBC Marchés des Capitaux, mais ses prévisions restent en deçà de celles qui sont fournies par le Fonds.» Étant donné l’ampleur du travail à accomplir et la feuille de route inégale, nos estimations se veulent prudentes», écrit l’analyste de RBC.
L’intention d’augmenter de 20 % les loyers au renouvellement de la moitié des baux industriels dans la région de Montréal lui apparaît toutefois audacieuse.
Parmi les dix propriétés à mettre en valeur, Cominar cite souvent le potentiel de la Gare centrale, à Montréal, qui pourrait accueillir deux tours de 1 800 appartements grâce aux droits aériens qu’elle détient.
Cominar a retenu les services de la Banque BMO pour évaluer les options pour la gare, incluant une vente.
«Cominar pourrait revendre ces droits ou s’associer à un promoteur (pour ériger des tours résidentielles), mais nous préférons que le Fonds diminue sa dette avant d’envisager de grands projets. Cela aurait un impact plus durable sur la valeur au titre», fait valoir M. Bir.
Les perspectives plus solides qu’avant justifient tout de même une évaluation supérieure. M. Bir relève donc son cours cible de 12,50 $ à 14 $, soit l’équivalent de la valeur d’actif nette qu’il prévoit dans un an.
M. Markidis, de Desjardins, exprime bien la nouvelle dynamique boursière : «Les intérêts (des dirigeants et des membres du conseil) n’ont jamais été aussi bien alignés (sur des objectifs communs) et l’enthousiasme n’a jamais été aussi fort. Reste plus maintenant qu’à réaliser le plan.»