Conjuguer épargne et grossesse


Édition de Mars 2024

Conjuguer épargne et grossesse


Édition de Mars 2024

Par Catherine Charron

Si la baisse du revenu familial est inévitable, certaines stratégies peuvent toutefois être adoptées afin de minimiser les répercussions que l’arrivée d’un enfant peut avoir sur les économies du parent qui demeurera le plus longtemps à la maison. (Photo: 123RF)

Ce n’est pas seulement au chapitre du salaire que les hommes et les femmes ne sont pas égaux en matière de finances personnelles. Une nouvelle enquête montre qu’en moyenne, le patrimoine des Québécois est 30 % supérieur à celui des Québécoises.

Être en couple et donner naissance à un bébé sont les principaux facteurs qui plomberaient le matrimoine, si on se fie à l’étude menée auprès de 4800 personnes par Maude Pugliese, chercheuse à l’Institut national de recherche scientifique (INRS), et son équipe. En effet, l’écart de richesse est presque inexistant entre les répondants jamais mariés et sans enfant des deux genres.

« Quand [les femmes] ont des enfants, ce sont elles qui prennent le plus souvent des pauses du travail plus ou moins longues. Donc, non seulement on va souvent arrêter d’épargner, mais on va peut-être même devoir piger dans notre épargne », a dit la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les expériences financières des familles et les inégalités de patrimoine, en entrevue avec La Presse canadienne.

Des propos qui font écho à ceux de trois expertes. Si la baisse du revenu familial est inévitable, certaines stratégies peuvent toutefois être adoptées afin de minimiser les répercussions que l’arrivée d’un enfant peut avoir sur les économies du parent qui demeurera le plus longtemps à la maison.

 

Anticiper la baisse de revenu

D’entrée de jeu, Andrée-Anne Paiement, conseillère en gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale, rappelle que chaque situation familiale comporte ses spécificités qui influeront sur la stratégie à adopter, comme le statut matrimonial du couple.

« Ça peut avoir des répercussions importantes sur notre planification du congé parental. Les conjoints de fait ne sont pas encadrés par le Code civil du Québec.

Advenant une rupture, même s’il y a eu des promesses, un parent peut être laissé dans une situation alarmante », souligne-t-elle.

C’est pourquoi elle recommande aux couples en union libre de signer une convention de vie commune afin de statuer comment les dépenses seront réparties si les choses devaient mal tourner. C’est un sujet qui peut vite devenir conflictuel, puisque les revenus de la famille vont fort probablement baisser à l’arrivée de bébé.

Pour apprécier l’ampleur du manque à gagner, il est primordial de bien comprendre à quoi ressembleront les prestations que le couple touchera.

Au Québec, il aura notamment droit au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), un régime de remplacement de revenu qui permet aux parents de prendre soin de leur nouvel enfant. Selon différents paramètres, chaque parent pourrait recevoir entre 55 % et 75 % de son salaire, jusqu’à concurrence de 94 000 $ en 2024.

À noter que les dividendes que se versent les entrepreneurs ne font pas partie des revenus assurés par le RQAP. Ainsi, idéalement, « il est bon de vérifier s’il est plus judicieux de se verser un salaire plutôt que des dividendes lors des 12 mois précédant l’arrivée du bambin, dans le but de bénéficier de cette prestation », suggère Alexandra Desroches, planificatrice financière et conseillère associée au cabinet Jean-Maurice Vézina, IG Gestion privée de patrimoine.

Elle ajoute que l’Allocation familiale et l’Allocation pour enfants versées par Ottawa pallieront aussi en partie la perte de revenu. « En cotisant à nos REER durant l’année précédant la venue au monde de bébé, par exemple, cela diminue les revenus imposables. Plus les revenus imposables sont bas, plus intéressant est le calcul des allocations familiales pour un an », indique la conseillère.

Pour tenter d’y voir plus clair en amont selon leur situation, les parents peuvent toujours se tourner vers le Calculateur de prestations pour enfants et familles de l’Agence du revenu du Canada, suggère Andrée-Anne Paiement.

 

Réviser le budget

Ainsi, à moins que le patron, en de rares occasions, verse une compensation pour couvrir la différence, le parent qui restera à la maison au cours de la première année de vie de son enfant verra son salaire diminuer.

Si son employeur ne lui accorde rien, il doit vérifier s’il demeure néanmoins couvert par son assurance collective, prévient Sabrina Landry, planificatrice financière à la Sun Life. « C’est souvent prélevé sur la paye. Chaque police est différente, mais en général, il peut payer une prime », dit-elle.

Là encore, certaines entreprises épongent la facture pendant que leur salarié s’occupe de leur poupon.

En ayant ces chiffres en main, les parents devront tenter d’établir un budget « réaliste », encourage Andrée-Anne Paiement, qui est aussi CPA. Elle leur suggère d’anticiper dans cet exercice une fenêtre de retour au boulot plus grande afin de se préparer à toutes éventualités. « On ne sait pas comment ça va se passer avec l’enfant. Il vaut mieux se prévoir un coussin de sécurité. »

La rareté des places en garderie peut par exemple retarder la reprise du travail à la date escomptée, souligne Sabrina Landry. « J’en connais, des mamans qui n’ont pas de revenus, car leurs prestations sont terminées, et qui n’ont pas réussi à trouver de service de garde », rapporte Alexandra Desroches.

Aux entrepreneurs et aux professionnels incorporés, Andrée-Anne Paiement rappelle que malgré leur absence prolongée pour prendre soin de leur poupon, « les acomptes provisionnels », eux, devront tout de même être acquittés.

Au moment de revoir leur budget, les parents devront aussi se pencher sur leur capacité individuelle à épargner, insiste la CPA : « On doit aussi calculer le montant que la personne qui demeurera le plus longtemps à la maison ne pourra épargner. Ça crée des iniquités. »

D’autant que certains peuvent même être obligés de vider leur bas de laine déjà accumulé pour parvenir à joindre les deux bouts, souligne Alexandra Desroches. « C’est une période difficile pour beaucoup », soulève la planificatrice financière.

 

Dur, dur d’épargner ?

Dans un monde idéal, les parents doivent garder l’habitude de mettre des sommes de côté, quitte à réduire le montant versé dans l’épargne, insiste Andrée-Anne Paiement.

Cela dit, le REER n’est peut-être pas le véhicule le plus avisé où déposer son argent pour le parent dont le salaire sera le plus affecté par le congé parental, estime Sabrina Landry. Non seulement les fonds disponibles sont moins importants, mais le remboursement d’impôt n’aura pas les mêmes retombées. Si le congé parental s’étale sur deux années d’imposition, elle suggère de mettre les liquidités disponibles pour l’épargne retraite dans un CELI, puis d’attendre à l’année fiscale suivante pour le glisser dans le REER.

Le parent dont les revenus seront moins affectés par l’arrivée du bébé peut aussi contribuer — toujours en respectant ses propres droits de cotisation — à un compte REER de conjoint, ajoute Sabrina Landry. Ce produit d’épargne permet de réduire l’écart de patrimoine et les déductions faites lorsque les sommes seront retirées par son ou sa partenaire, si son taux marginal d’imposition est moindre.

Alexandra Desroches recommande de se renseigner sur les conséquences que cette « période d’absence [aura] sur les années de services donnant droit à une rente. Il y a des modalités de rachat d’années au retour au travail, dans le but de ne pas “perdre” les cotisations au fonds de pension dans l’année du congé parental. »

Chose certaine, ce plus mince salaire nuira à la cotisation au REER, rappelle Sabrina Landry. « Le RQAP n’est pas considéré comme un salaire. Si, en 2023, je suis en maternité, ça signifie que mes droits de cotisation en 2024, basés sur 18 % du revenu de l’année précédente, vont être plus bas que si j’avais continué de travailler. » Il n’existe pas vraiment de stratégie pour s’y substituer.

Les répercussions ne seront toutefois pas aussi importantes sur les fonds perçus du Régime des rentes du Québec, souligne Alexandra Desroches. Dans sa forme actuelle, on « retire du calcul de la rente jusqu’à 15 % des revenus de travail les plus faibles ».

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