On parle rarement d'elles, même si elles font un malheur dans leur domaine respectif. À la Bourse américaine...
On parle rarement d’elles, même si elles font un malheur dans leur domaine respectif. À la Bourse américaine, Broadcom (AVGO, 275,77 $ US), Fortinet (FTNT, 79,29 $ US) et Abiomed (ABMD, 185,28 $ US) ressortent comme trois championnes de la croissance, selon un indicateur mis sur pied par Les Affaires qui tient compte de la croissance sur trois ans des revenus, des flux de trésorerie et du bénéfice par action. Nous vous présentons leur portrait.
Broadcom, Fortinet et Abiomed occupent le podium de la croissance des actions américaines. Pour trouver ces perles rares, Les Affaires a compilé l’augmentation des revenus, des flux de trésorerie et du bénéfice par action sur une période de trois ans pour toutes les sociétés inscrites au S&P 500, l’indice phare de la Bourse de New York. Par la suite, nous avons accordé un rang à chacun des indicateurs. Puis, nous avons fait une moyenne des trois rangs pour obtenir notre classement.
À partir de cette sélection, nous avons dû faire quelques modifications. Nous avons exclu les sociétés dont les flux de trésorerie étaient négatifs, autrement dit, celles qui brûlent de l’argent pour croître. C’est le cas de Netflix (NFLX, 264,75 $ US). La société de services informatiques DXC Technology (DXC, 30, 94 $ US) a également été exclue de notre palmarès.
Un expert interrogé nous a fait remarquer que le fait que la société est issue de la fusion de CSC et de la division Enterprise Services de Hewlett-Packard est venu fausser le portrait pour cette société entrée en Bourse en 2017. Le consensus défavorable à son endroit ne justifiait pas sa présence au sommet de notre échantillon.
Soulignons qu’Amazon (AMZN, 1739,84 $ US) arrive au deuxième rang de notre sélection. Comme notre prochaine manchette Investir portera uniquement sur la société de Jeff Bezos, nous avons décidé d’éviter la répétition et de plutôt vous faire connaître Abiomed. Sans plus attendre, voici nos championnes de la croissance.
1. FORTINET
Développeur de logiciels de cybersécurité
L’entreprise en bref – Fondée en 2000, la californienne Fortinet développe et commercialise des logiciels, des appareils et des services de cybersécurité, comme des pare-feu et des antivirus. Elle offre aussi des solutions pour prévenir les intrusions et la sécurité des terminaux.
Les forces de l’entreprise
Fortinet est une entreprise qui a une vision à long terme, juge Sterling Auty, analyste chez J.P. Morgan. «La société développe des produits pour tirer profit des transformations numériques», dit-il.
En fait, la direction concentre ses efforts sur la technologie infonuagique, car elle est convaincue que la plupart des organisations utiliseront de plus en plus le nuage ou des environnements hybrides pour stocker et traiter leurs données.
La société mise aussi sur des segments de marchés spécifiques tels que la connexion sécuritaire au nuage avec sa solution SD-Wan, de même que la protection contre les attaques dans le nuage.
La multiplication des failles de cybersécurité dans toutes les industries favorise également Fortinet, souligne l’analyste Mark Cash, de Morningstar.
«Comme il n’y a pas de fin à ces menaces, la demande pour ses produits de sécurité devrait rester élevée auprès des PME, des grandes entreprises et des organisations gouvernementales ainsi que des fournisseurs de services», dit-il.
Selon l’analyste Fatima Boolani, de UBS, l’empreinte mondiale de Fortinet est un autre atout, car elle lui permet d’être constante dans ses résultats. «Fortinet a démontré la puissance de la diversité géographique. La croissance des revenus dans les Amériques et en Asie-Pacifique a compensé un trimestre légèrement plus faible pour la région Europe, Moyen-Orient, Afrique (EMOA)», souligne l’analyste.
Les sources d’inquiétude
Les concurrents de Fortinet ont des relations bien établies avec leurs clients commerciaux, souligne M. Cash. Aussi, la société pourrait avoir de la difficulté à les attirer dans son giron.
Les «dépenses modérées» actuelles dans les technologies de l’information représentent un autre risque, fait valoir Dan Bergstrom, analyste chez RBC Marchés des Capitaux.
Pour sa part, Saket Kalia, analyste chez Barclays, relève deux sources d’inquiétude à la lumière des résultats du deuxième trimestre.
La première est le nombre croissant de contrats conclus par Fortinet dont les revenus sont encaissés à long terme. Bref, les clients paient plus tard, ce qui diminue les liquidités à court terme. Barclays a observé cette tendance dans les contrats récemment conclus par la société pour ses solutions FortiGuard et FortiCare.
La seconde est l’origine de l’accroissement des revenus futurs de Fortinet. Dans ses prévisions, l’entreprise estime qu’ils passeront de 2,10 G$ US à 2,12 G$ US, soit une hausse de 25 millions de dollars américains qui provient uniquement de la vente de produits, alors que les revenus issus des services ne changent pas.
Or, ce sont les services qui procurent les revenus les plus intéressants pour Fortinet, fait remarquer l’analyste.
L’avis d’un expert
Wayne Himelsein, président et chef des investissements chez Logica Capital Advisers, a liquidé son placement, confie le spécialiste de l’analyste technique établi à Los Angeles. Il souligne que le titre a connu «une course incroyable» ces dernières années.
De janvier 2015 à septembre 2018, la valeur de l’action de Fortinet a été multipliée par trois, à 92 $ US. Cette envolée a été suivie par une chute de 30 % dans les trois derniers mois de l’année passée. Certes, l’action a repris du poil de la bête depuis, mais elle n’est pas retournée au-dessus de la barre des 90 $ US (elle s’échange actuellement à 80 $ US), souligne l’expert.
M. Himelsein considère que l’entreprise représente toujours un investissement intéressant, même s’il a vendu sa participation. «On aurait pu garder l’action, dit-il, mais elle n’était plus aussi excitante et robuste qu’auparavant.»
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Fortinet
16 Conserver
12 Acheter
2 Vendre
Sources : Fortinet, Reuters, Bloomberg
Revenus annuels : 1,8 G$ US (au 31 décembre 2018)
Marge bénéficiaire : 13,94 % (T2 de 2019)
Bénéfice par action : 0,42 $ US (T2 de 2019, incluant les éléments extraordinaires)
2. ABIOMED
Manufacturier d’équipements médicaux
L’entreprise en bref – Abiomed fabrique des appareils à implants médicaux, notamment le coeur artificiel AbioCor et la pompe cardiaque Impella. Fondée en 1981, la multinationale a son siège social à Danvers, au Massachusetts, en plus d’avoir des bureaux régionaux en Allemagne et au Japon.
Les forces de l’entreprise
Même si les 12 derniers mois en Bourse ont été difficiles, Abiomed a plusieurs cordes à son arc, insiste Raj Denhoy, analyste chez Jefferies.
Le taux de pénétration de ses technologies demeure faible (environ 10 %). Les assureurs publics et privés remboursent leur utilisation. L’entreprise est en train de percer les marchés allemand et japonais. Qui plus est, elle n’a pas de concurrence, ce qui est rare pour une société. «Il y a peu d’histoires comparables à celle d’Abiomed», affirme l’analyste, qui recommande d’acheter le titre, même s’il a fondu de près de 60 % en un an.
Certes, l’adoption des produits d’Abiomed a ralenti, ce qui a refroidi l’enthousiasme des investisseurs. Par contre, l’entreprise a contre-attaqué en doublant sa force de vente afin d’accélérer l’utilisation de ses technologies dans les hôpitaux américains.
Margaret Kaczor, de William Blair, est également optimiste. «Nous continuons de croire qu’Abiomed dispose des éléments essentiels pour afficher une croissance durable de 20 % par année», dit l’analyste, en expliquant que sa stratégie de commercialisation et ses produits demeurent pertinents. Malgré le ralentissement du rythme de croissance des ventes, Mme Kaczor recommande, elle aussi, d’acheter le titre.
Les sources d’inquiétude
C’est «LA» source d’inquiétude dans le marché : le ralentissement de la croissance des ventes d’Abiomed, qui semble devenir la nouvelle norme après des années où les revenus progressaient d’environ 30 % par année.
«Il est clair que la société peine à franchir le gouffre pour atteindre la prochaine étape de la croissance. Cet impact se ressent de manière plus structurelle et ne favorise pas une reprise en V», souligne David R. Lewis, analyste chez Morgan Stanley.
En fait, le ralentissement de la croissance fait craindre à plusieurs investisseurs que les marchés d’Abiomed (en particulier celui des interventions coronaires percutanées) soient peut-être plus petits que ne l’estime l’entreprise, selon Sean Lavin, analyste chez BTIG.
Il ne jette pas l’éponge pour autant: «Nous pensons que seule une accélération de la croissance dans l’avenir fera disparaître ce point de vue dans l’esprit de nombreux investisseurs potentiels.»
L’avis d’un expert
Marc-André Marcotte, chef des opérations et partenaire pour la stratégie investissement en capital chez Sectoral Asset Management, à Montréal, aime la société, car «les fondamentaux sont excellents». La société a une technologie éprouvée, un faible taux de pénétration aux États-Unis, aucune concurrence directe et son PDG, Michael Minogue, est très compétent, énumère-t-il.
«C’est un gestionnaire hors pair, qui est très méthodique. Il prend son temps lorsqu’il lance les produits, car il mise toujours sur la qualité et non sur la quantité», explique l’expert, qui ne peut pas dire si sa firme détient le titre ou non.
Or, si cette stratégie a bien servi la société ces dernières années, affichant une croissance annuelle de ses revenus de 30 %, elle semble toutefois avoir atteint ses limites au début de l’année, avec un ralentissement marqué des ventes à 18,7 %. «Aujourd’hui, Abiomed affiche une croissance qui oscille entre 15 % et 20 % par année», souligne M. Marcotte.
Sans renoncer à sa stratégie, la direction a reconnu que l’adoption de ses technologies pourrait être plus rapide. Malgré ce mea culpa et les mesures prises pour corriger le tir, le titre a poursuivi sa dégringolade au cours des derniers mois.
Du reste, la valeur de l’action est revenue à un niveau plus normal, estime M. Marcotte. «L’action n’est pas une aubaine, mais Abiomed demeure une entreprise de grande qualité, qui a des perspectives de croissance intéressante à long terme.»
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Fortinet
3 Conserver
6 Acheter
Sources : Abiomed, Reuters, Bloomberg
Revenus annuels : 769,4 M$ US (au 31 mars 2019)
Marge bénéficiaire : 42,82 % (T1 de 2020)
Bénéfice par action : 1,93 $ US (T1 de 2020, incluant les éléments extraordinaires)
3. BROADCOM
Manufacturier de semi-conducteurs et fournisseur de solutions en cybersécurité
L’entreprise en bref – Fondée en 1961, Broadcom conçoit, développe, fabrique et fournit mondialement des produits semi-conducteurs à large bande. Les produits de la société de San Jose, en Californie, sont notamment destinés aux marchés des centres de données, des logiciels et de la téléphonie sans fil.
Les forces de l’entreprise
Broadcom se trouve dans une position dominante dans son industrie, elle qui compte des clients comme Apple (AAPL, $ US). Ce printemps, la société a d’ailleurs signé un contrat de deux ans avec l’entreprise fondée par Steve Jobs. «Bien que les détails financiers de cette entente n’aient pas été divulgués, nous estimons que c’est une annonce positive», juge Aaron Rakers, analyste chez Wells Fargo Securities.
Autre facteur favorable : Broadcom a commencé à diversifier ses activités dans la cybersécurité afin d’assurer la croissance de ses revenus à long terme. Après l’acquisition de CA Technologies, en 2018, elle a payé 10,7 G$ US en août pour acheter Symantec, le plus important vendeur de logiciels de sécurité pour les réseaux d’entreprises du monde.
Plusieurs analystes voient cette acquisition d’un très bon oeil, car elle accroît la présence du manufacturier dans les logiciels d’infrastructure, un secteur en pleine effervescence. «Broadcom prévoit que l’acquisition générera plus de 2 G$ US de revenus supplémentaires, avec plus de 1 G$ US de synergies de coûts d’exploitation dans les 12 mois suivants la clôture de la transaction», rapporte Roos Seymore, analyste à la Deutsche Bank.
Les sources d’inquiétude
La principale source d’inquiétude est la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, ainsi que le bannissement du géant chinois des télécoms Huawei du marché américain.
Les résultats du troisième trimestre (terminé le 4 août) montrent que cette inquiétude est malheureusement fondée. Broadcom a enregistré une croissance modeste de ses ventes et a réitéré ses prévisions mitigées pour le reste de l’année. La société a aussi indiqué que la guerre commerciale continue de réduire la demande de semi-conducteurs.
L’enjeu est de taille, car l’entreprise réalise 57 % de ses ventes en Asie, mais seulement 11 % aux États-Unis, souligne William Stein, analyste chez SunTrust Robinson Humphrey.
La situation ne peut qu’empirer tant que Chinois et Américains n’enterreront pas la hache de guerre, estime Ruben Roy, analyste chez MKM Partners. «Nous pensons que le bannissement de Huawei freinera probablement la dynamique de croissance au deuxième semestre pour le segment des semi-conducteurs.» Selon M. Roy, Broadcom peut limiter les dégâts grâce au segment des logiciels d’infrastructure. Cette activité représente près de 25 % des revenus de l’entreprise et elle devrait continuer à croître normalement, malgré la guerre commerciale.
L’avis d’un expert
Stéphane Rochon, stratège pour les actions chez BMO Nesbitt Burns, à Toronto, a une opinion favorable de la société, car elle «est bien intégrée». La diversification de ses activités dans la conception de logiciels de sécurité est une stratégie logique qui répond aux exigences du marché, selon l’expert qui ne détient pas le titre. «Les clients apprécient les entreprises capables d’offrir des solutions intégrées, surtout quand cela touche à la cybersécurité.» Broadcom est bien positionnée pour générer à la fois des flux de trésorerie et croître par acquisitions, juge M. Rochon. Il ajoute que ses semi-conducteurs se retrouvent notamment dans les décodeurs des câblodistributeurs. Ce marché étant relativement stable, il y a moins de concurrence, ce qui permet à Broadcom d’obtenir des marges élevées.
En revanche, la guerre commerciale fait mal à l’entreprise californienne. «Ça représente un risque, car Huawei est un important client de Broadcom», dit le stratège. Malgré tout, M. Rochon reste optimiste quant à l’avenir de l’entreprise. En excluant les acquisitions potentielles et une possible récession mondiale, il estime que Broadcom peut augmenter ses revenus de 5 % à 6 % par année, soit le double de la croissance du PIB mondial.
Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Broadcom
10 Conserver
12 Acheter
Sources : Broadcom, Reuters, Bloomberg
Revenus annuels : 20,8 G$ US (au 4 novembre 2018)
Marge bénéficiaire : 12,96 % (T3 de 2019)
Bénéfice par action : 1,71 $ US (T3 de 2019, incluant éléments extraordinaires)
Erratum: Dans notre reportage États-Unis : les championnes de la croissance, nous avons écrit que Martin Marcotte est chef des opérations et partenaire pour la stratégie investissement en capital chez Sectoral Asset Management. Il aurait plutôt fallu lire Marc-André Marcotte. Nos excuses.