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Planification financière: pas seulement une question de chiffres

Salomon Gamache|Édition de la mi‑juin 2022

Planification financière: pas seulement une question de chiffres

À VOS AFFAIRES. Quand on parle de planification financière, on pense souvent d’abord aux aspects financiers et quantitatifs. Qu’il s’agisse par exemple d’investissement, de fiscalité ou de la retraite, ces sujets font partie de la discussion entre le planificateur financier et ses clients. Toutefois, à la base, il s’agit de relations humaines où la «psychologie de la planification financière» a toute sa place.

Un professionnel peut émettre les meilleures recommandations du monde, ses clients pourraient ne pas être réceptifs et hésiter à les mettre en pratique. L’aspect qualitatif n’est donc pas à négliger. Notre cerveau est une merveille, mais en même temps, il est loin de la perfection:les études montrent qu’il recherche parfois la facilité. Dans certaines situations, il a développé des réflexes et des raccourcis mentaux qui sont souvent très utiles, mais qui peuvent parfois porter à confusion et même provoquer des erreurs.

Les travaux des chercheurs précurseurs en finance comportementale remontent aux années 1970. En 2011, Daniel Kahneman a publié un livre résumant les recherches qu’il a effectuées au fil des décennies, souvent en collaboration avec Amos Tversky: Système 1/Système 2. Les deux vitesses de la pensée. En bref, le cerveau fonctionnerait sur deux modes de pensée, le système 1 et le système 2.

– Système 1: les décisions sont rapides et intuitives, mais possiblement biaisées sur le plan cognitif, car ce système utilise très peu le traitement mental de l’information.

– Système 2: les décisions sont plus lentes, basées sur un processus analytique et réfléchi, donc un traitement plus important de l’information.

Habituellement, c’est le système 2 de notre cerveau qui s’occupe du traitement de l’information complexe. Parfois, dans un contexte de stress, de fatigue physique ou mentale, le système 1 peut prendre les commandes et le cerveau va s’y fier. C’est pratique, car plus rapide, mais sujet à des biais cognitifs et à des heuristiques.

Les biais cognitifs sont des erreurs commises pendant le processus de prise de décision. Ils s’apparentent à des réflexes, des raccourcis mentaux utilisés pour faciliter la prise de décision dans certaines situations, comme se faire une première impression de quelqu’un en quelques secondes.

 

Biais possibles en planification financière

Voici quelques biais comportementaux que l’on peut retrouver en planification financière.

 

Placements:

– L’aversion aux pertes: vendre très rapidement un titre perdant

– L’excès de confiance: croire fortement que l’on peut battre un indice de référence ou obtenir de meilleurs résultats que les investisseurs professionnels 

– Biais de proximité et biais de familiarité: faire preuve de plus de confiance et investir dans les sociétés locales que l’on connaît, même si la capitalisation boursière du Canada ne représente qu’environ 3% du total mondial (manque de diversification)

– L’effet d’ancrage: garder en tête le prix d’achat d’un investissement qui a subi une perte et espérer que son prix remonte avant de le vendre

– Biais de confirmation et effet de mode: rechercher l’information qui vient conforter notre opinion sur un sujet, ou vouloir investir dans des investissements populaires, comme certaines cryptomonnaies, car on en entend beaucoup parler

 

Retraite

– Biais de l’effet récent et biais de persuasion: privilégier des informations récentes et avoir tendance à les projeter à long terme comme une future tendance (par exemple l’inflation au-dessus de 5 % ou le litre d’essence à plus de 2,00 $/litre)

 

Finances

– L’aversion aux pertes et l’effet du statu quo: choisir un taux d’intérêt fixe sur une dette plutôt qu’un taux variable moindre, car avec un taux fixe, on réduit la variabilité des paiements et le risque de perte

 

Assurance et gestion des risques:

– Biais de l’effet récent et biais de représentativité: s’attarder au prix de la prime d’assurance et au montant de la franchise au détriment d’une vue à long terme et de la faible probabilité de réclamation

– Biais de statu quo: ne pas revoir sa protection d’assurance, même en cas de changement dans sa situation personnelle, car une révision peut amener un changement, donc de l’incertitude

 

Tout le monde peut être sujet aux biais cognitifs, même les professionnels du domaine financier. Pour mettre toutes les chances de votre côté lors d’une première rencontre avec un planificateur financier, préparez-vous ! Mettez de l’ordre dans vos informations et vos divers documents financiers personnels et dressez-vous une liste des sujets à aborder. Aussi, il est sage de se garder informé et de conserver un bon niveau de littéracie financière, afin d’éviter le plus possible de tomber dans divers raccourcis de la pensée.