(Photo: 123RF)
ENTRE LES LIGNES. Comme titre, j’aurais aussi bien pu utiliser cette citation de l’écrivain George Santayana: «Ceux qui ignorent l’histoire sont condamnés à la répéter.»En observant ce qui se déroule autour de nous, je ne peux m’empêcher de trouver que notre mémoire collective financière est bien courte. Pourtant, au cours des vingt dernières années, les investisseurs ont connu quelques épisodes particulièrement traumatisants.
Le premier a été l’éclatement de la bulle technologique en 2000-2001. Puis, il y a eu les événements tragiques de septembre 2001.
Quelques années plus tard, nous avons subi la crise financière de 2008-2009. Évidemment, nous avons récemment eu droit à la pandémie de COVID-19, encore une source de grande incertitude.
Nous avons pu tirer des leçons de ces événements. De la bulle techno, nous avons appris que toute bulle part d’une bonne idée. Celle-ci a débuté avec l’avènement d’Internet et des possibilités extraordinaires que cette technologie ouvrait.
Par contre, toute bonne idée peut être poussée beaucoup trop loin et mener à des excès considérables. À la fin des années 1990, les investisseurs n’en avaient que pour les sociétés technologiques et tout ce qui touchait de près ou de loin à Internet. Ils avaient oublié l’importance des bénéfices et surtout que l’évaluation des titres de sociétés a une incidence cruciale sur les rendements futurs qu’on peut espérer d’un investissement.
Du 11 septembre 2001 et de la pandémie de 2020, on tire la leçon qu’on ne peut jamais prévoir ce qui peut arriver en Bourse. Il faut toujours être sur ses gardes et prêt au pire, se préparer pour l’imprévisible.
La crise financière de 2008-2009, pour sa part, est venue du champ gauche:du marché immobilier. Désillusionnés par les marchés boursiers, de nombreux investisseurs ont choisi d’investir dans des actifs tangibles, tels que l’immobilier. À l’époque, le raisonnement populaire était que le prix des maisons ne pouvait pas baisser et que l’achat d’une maison était une source infaillible d’enrichissement. Sous cette fausse prémisse, les banques ont été beaucoup trop indulgentes dans leurs prêts, les institutions financières ont acheté massivement des placements constitués de regroupements d’hypothèques (cotés AAA par les firmes de cotation) et de nombreuses personnes se sont mises à spéculer sur l’achat de maisons et de condos comme s’il s’agissait de cartes de hockey. Je me souviens que les Américains faisaient la file pour avoir la «chance»d’acheter un nouveau condo, sans considérer la location (pourquoi louer s’il est évident que le prix de ce condo augmentera rapidement au cours des prochains mois ?). Certains achetaient plusieurs propriétés sans même prendre le temps de visiter. Pendant ce temps, les banques se battaient entre elles pour prêter aux taux les plus alléchants. J’aime bien cet adage:«Ce que l’homme sage fait au début, l’idiot le fait à la fin.»Cette phrase décrit bien ce qui s’est passé pendant les années folles de l’immobilier qui ont mené à la crise financière de 2008-2009.
Pourtant, en dépit des cicatrices qu’ont laissées tous ces événements récents, il me semble que de nombreux investisseurs d’aujourd’hui ont oublié leurs leçons. Un constat qui, à mon avis, s’appuie sur plusieurs exemples.
On achète sans trop se préoccuper de l’évaluation, que ce soit des titres boursiers ou des maisons. J’ai entendu plusieurs anecdotes au cours des dernières semaines selon lesquelles des maisons se vendaient sensiblement au-dessus du prix demandé par le vendeur. On s’arrache aussi les premiers appels publics à l’épargne (PAPE), comme si on était à nouveau à la fin des années 1990. Comme à cette époque, de nombreuses personnes ouvrent ou ont récemment ouvert des comptes de courtage pour s’adonner au «day trading». L’utilisation de la marge pour investir atteint, pour sa part, des niveaux record.
Warren Buffett a écrit ceci dans le rapport annuel de 2017 de Berkshire Hathaway:«Moins les gens conduiront leurs affaires prudemment, plus nous devrons agir prudemment avec les nôtres.»Il me semble qu’il y a des parallèles inquiétants entre ce qui se passe aujourd’hui et ce qui s’est produit à quelques reprises au cours des vingt dernières années. Il est impossible de prédire l’avenir, mais on peut tout de même mesurer les conditions actuelles et tenter de tirer des leçons de l’histoire, sans quoi on risque de subir les mêmes conséquences que dans le passé.
EXPERT INVITÉ
Philippe Le Blanc est chef des placements chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.