«On a appris beaucoup de choses de la dernière récession»
Stéphane Rolland|Édition de la mi‑octobre 2019Le chef des finance de BRP nous parle des avenues de croissance du fabricant de véhicules récréatifs.
BRP (DOO, 51,20 $) s’est donné les moyens pour composer avec les effets d’une récession, mais aucun signe ne montre qu’elle point à l’horizon, assure Sébastien Martel, le chef des finances. Le dirigeant nous parle également des avenues de croissance du fabricant de véhicules récréatifs et de la stratégie de la division Groupe Marin.
STÉPHANE ROLLAND – BRP a été nommée au TSX 30, une mention qui souligne le rendement des 30 entreprises qui ont le plus enrichi leurs actionnaires à la Bourse de Toronto sur une période de trois ans. À quoi attribuez-vous ce succès ?
SÉBASTIEN MARTEL – Au sortir de la récession, en 2010, nous avons porté une attention accrue à l’innovation, particulièrement aux véhicules côte à côte. En l’espace de quatre ans, nous avons gagné sept points de parts de marché, ce qui a apporté près de 1 milliard de dollars de revenus à l’entreprise. Le côte à côte n’est qu’un exemple ; nous avons aussi eu une très bonne performance avec les motoneiges Ski-Doo et les motomarines Sea-Doo.
S.R. – Comment comptez-vous continuer à croître ?
S.M – Le grand vecteur de croissance dans les prochaines années sera le côte-à-côte. Aujourd’hui, on détient entre 15 % et 16 % des parts de marchés. On continue d’investir [pour gagner davantage de parts de marchés]. Très peu de joueurs investissent autant que nous. On est bien positionné chez les concessionnaires, ce qui me permet d’être optimiste.
S.R. – Votre secteur est celui de la consommation discrétionnaire, qui est sensible à la confiance des ménages et à l’état de l’économie. D’ailleurs, ces inquiétudes pèsent sur le titre, qui a perdu près du quart de sa valeur depuis septembre 2018, même si vos revenus et bénéfices continuent de croître. En ce moment, avez-vous des indications qu’une récession est sur le point de se manifester ?
S.M. – Les derniers résultats que nous avons publiés à la fin août montrent toujours une croissance des ventes au détail. On ne voit pas de ralentissement basé sur ces résultats. Oui, il y a beaucoup de questions et d’écrits sur une possible récession, mais pour le moment, nous ne voyons pas cela dans nos résultats.
S.R. – Que ce soit le mois prochain ou dans dix ans, il y aura une récession un jour ou l’autre. En tant que chef des finances, comment vous préparez-vous à cette éventualité ?
S.M. – J’étais là en 2008-2009 et José Boisjoli (le PDG) aussi. On a appris beaucoup de choses. Nous avons dû réduire nos effectifs et, lors de la reprise, on a mis du temps avant de pouvoir mettre des innovations dans le marché. Certaines choses, comme une équipe d’ingénierie, prennent du temps à rebâtir. Quand le ralentissement est terminé, les clients veulent des innovations. Si ça nous prend trois ou quatre ans avant de pouvoir leur en offrir à nouveau, on court le risque de se faire dépasser par un concurrent. Notre stratégie est de nous donner de la flexibilité financière pour ne pas sacrifier la croissance à long terme. On le fait en nous assurant d’avoir suffisamment d’encaisse au bilan ainsi qu’en ayant la capacité d’emprunter avec notre marge de crédit. Nos conventions bancaires ne limitent pas nos actions futures. Elles sont favorables en cas de ralentissement économique, ce qui nous donne plus de flexibilité.
S.R. – Le contexte politique entourant le libre-échange est volatil. L’impact peut se faire sentir différemment d’une entreprise à l’autre, selon leur chaîne de production. Comment cela vous touche-t-il ?
S.M. – On a trois usines au Mexique. Évidemment, quand les États-Unis ont négocié le nouvel accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique, on a suivi ça avec un intérêt particulier, mais on n’était pas trop nerveux, car on savait que le Mexique était très important pour l’industrie automobile, qui est tout aussi cruciale pour l’économie américaine. Pour ce qui est du conflit entre les États-Unis et la Chine, nous nous approvisionnons très peu en Chine, pour différentes raisons. On s’approvisionne davantage en Amérique du Nord, en Europe et au Vietnam. Ça fait en sorte que nous sommes moins touchés que les concurrents qui s’approvisionnent là-bas. C’est sûr qu’on suit quand même tout ça de près, car il y a toujours un risque que ce conflit ait des répercussions sur l’économie mondiale.
S.R. – Vous avez fait trois acquisitions récemment, dans le segment des bateaux. Les revenus de votre division Groupe Marin ont légèrement décliné au cours de votre dernier trimestre. Quelle est la logique derrière votre stratégie dans cette division ?
S.M. – Le bateau, c’est une grosse industrie, beaucoup plus grande que les sports motorisés. C’est un marché très fragmenté avec beaucoup de fabricants. Par contre, c’est un secteur qui n’a pas connu beaucoup d’innovation, notamment en ce qui concerne l’intégration du moteur au bateau. Pour le moment, le moteur et le bateau sont achetés séparément et l’intégration ne se fait pas parfaitement. Ce qu’on veut faire, c’est apporter plus d’innovations et de technologies dans cette industrie. L’idée, c’est de mettre à profit l’expertise qu’on a déjà dans les sports motorisés et de changer l’industrie du bateau en aluminium.