À la retraite, on dispose de moins de temps pour se remettre des aléas de la Bourse. Nous avons demandé à quatre ...
À la retraite, on dispose de moins de temps pour se remettre des aléas de la Bourse. Nous avons demandé à quatre experts de nous présenter deux titres relativement plus résistants aux soubresauts des cycles boursiers.
LA SÉLECTION DE STEVE BÉLISLE
Gestionnaire de portefeuille, Gestion de placements Manuvie
Telus
(Tor., T, 53,41 $)
« Pour les gens retraités, mieux vaut éviter la trop grande volatilité et les risques élevés », reconnaît M. Bélisle. Son choix se tourne donc vers le secteur des télécommunications canadiennes et, plus précisément, l’entreprise Telus. « C’est un titre peu cyclique, sans trop de dettes et dont les activités sont relativement stables. » Il ne croit pas, par ailleurs, que l’arrivée de nouveaux concurrents puisse chambouler outre mesure l’ordre des choses. (À noter que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC] mène des consultations dans le cadre de son Examen des services sans fil mobiles et qu’il déposera son mémoire final en mars 2020.) « Lors de ces consultations, le Bureau de la concurrence du Canada a émis des recommandations pour un modèle hybride, où de nouveaux entrants pourraient louer des portions de réseau et s’engager à investir dans des infrastructures. » La démarche est raisonnable, selon lui. Sur un horizon de 15 ans, elle ne risque pas de nuire à la profitabilité des principaux acteurs de l’industrie. Il juge l’évaluation du titre attrayante, surtout en comparaison avec les entreprises dans les secteurs des services publics ou des fiducies immobilières. Après d’importants investissements dans les infrastructures, l’entreprise de Vancouver devrait ralentir la cadence, une des raisons pour lesquelles M. Bélisle aime particulièrement Telus au sein de son secteur. « Cela devrait libérer davantage de flux de trésorerie, ce qui, généralement, contribue à générer une croissance du dividende qui est supérieure. » En 2019, la direction a annoncé qu’elle estimait pouvoir augmenter le dividende annuel de 7 % à 10 % jusqu’en 2022.
Brookfield Infrastructure Partners
(Tor., BIP-UN, 72,37 $)
M. Bélisle aime la fiducie immobilière qui détient, opère et administre un portefeuille diversifié dans plusieurs catégories d’actifs partout dans le monde. « Ils ont des ports maritimes, des réseaux ferroviaires, des autoroutes à péage, etc. » Leurs tours de cellulaire, qui prennent de plus en plus d’importance en Asie, en Inde et en Europe, sont des actifs attrayants. « Vous pouvez augmenter le nombre de sociétés de télécommunications qui utilisent votre tour sans avoir à investir davantage, la croissance interne se fait d’elle-même. De plus, le loyer peut être majoré si l’utilisation augmente, par exemple lorsque les entreprises passent du 3G au 4G ou 5G. » Il signale par ailleurs que l’entreprise donne une bonne exposition aux marchés émergents, comme le Brésil et l’Inde, notamment. Cela lui permet de réaliser des rendements sur le capital supérieurs aux principales entreprises de services publics canadiennes. « Les rendements sont beaucoup plus attrayants pour un risque somme toute assez modéré », dit-il. Le gestionnaire de portefeuille vante aussi les qualités de la direction et son habileté à acquérir des actifs à bas prix, qui ont non seulement de bons rendements, mais qui recèlent aussi d’intéressantes perspectives de croissance interne. Brookfield Infrastructure Partners veut augmenter ses distributions de 5 % à 9 % par année.
LA SÉLECTION DE CIMON PLANTE
Gestionnaire de portefeuille Financière Banque Nationale
H&R REIT
(Tor., HR-UN, 21,34 $)
« C’est une fiducie immobilière très bien diversifiée qui compte plus de 460 propriétés. Elle a des immeubles industriels, des commerces de détail, des immeubles de bureau et du résidentiel », présente d’emblée M. Plante. Il voit d’un oeil favorable la diversification géographique de cette fiducie qui est présente à la fois au Canada et aux États-Unis, dans une proportion respective de 60 % et 40 %. « L’entreprise a un très gros projet avec Tishman Speyer de plus de 1 800 logements et de 15 000 à 30 000 pieds carrés d’espace de commerce de détail qui verra le jour à Long Island City (État de New York), à l’automne prochain. » M. Plante aime tout particulièrement l’échéance moyenne des baux d’environ 10 ans de ce titre. « Comme elle a beaucoup d’immeubles à locataire unique, cela lui permet de négocier des baux de plus longue échéance que la moyenne des fiducies immobilières ». Cette plus longue durée lui donne plus de latitude dans la gestion du risque en arrimant ses dettes aux échéances des baux. Plusieurs de ses immeubles sont relativement récents, ajoute-t-il. Le repli des prix du pétrole, qui a eu un impact sur les marchés immobiliers de Calgary et Houston, a pesé sur le titre. « L’estimation de la valeur marchande des propriétés par rapport au cours de l’action actuel fait état d’une aubaine d’environ 20 %. » M. Plante souligne que la société distribue près de 90 % de ses bénéfices sous forme de dividende. « À court et à moyen terme, je crois que leur dividende devrait être plutôt stable. »
Supérieur Plus Corp.
(Tor., SPB, 11,53 $)
« À l’heure actuelle, l’entreprise compte sur deux secteurs d’activité : la distribution de produits chimiques spécialisés et celle du propane. Ce dernier secteur représente 65 % du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) », précise M. Plante. Il souligne que l’entreprise distribue du propane partout au Canada (60 %) et aux États-Unis (40 %) et que, dans ce créneau d’activité, elle peut compter sur une clientèle qui est très fidèle. La hausse du nombre de mises en chantiers de maisons neuves est favorable à la croissance des activités de distribution de propane. « C’est une industrie qui est hyper fragmentée qui compte plusieurs petites entreprises. Supérieur Plus va croître par acquisitions et rapidement faire d’importantes économies d’échelle, anticipe le gestionnaire de portefeuille. » Il signale que la direction a fait savoir qu’elle planifiait réaliser de 7 à 10 acquisitions en cours d’année. « Elle réussit à un peu mieux performer que la concurrence et à profiter de sa taille. Chaque acquisition augmente les ventes et les bénéfices nets de l’entreprise, car elle a déjà les infrastructures en place. » Il précise par ailleurs que l’entreprise a récemment annoncé qu’elle n’allait pas se départir de sa division de produits chimiques spécialisés. Il croit toutefois que cela pourrait toujours survenir et que ce ne serait pas une mauvaise chose. « Comme cette division est plus sensible aux cycles économiques, une vente éventuelle pourrait apporter plus de stabilité à ses bénéfices en plus de réduire sa dette. » Il estime que la division pourrait se vendre entre 900 millions de dollars et 1,1 milliard de dollars.
LA SÉLECTION DE VINCENT FOURNIER
Gestionnaire de portefeuille Claret
Metro
(Tor., MRU, 54,07 $)
L’épicier, qui détient également l’enseigne Jean Coutu, a tout ce qu’un retraité peut rechercher dans un titre boursier de qualité, croit M. Fournier. Ce fleuron québécois se trouve dans un secteur défensif de l’économie qui est passablement à l’abri des soubresauts boursiers, souligne le gestionnaire de portefeuille chez Claret. « La réalité, c’est que les gens doivent se nourrir. Et la diversité de l’offre de services de Metro, notamment pour ce qui est du prêt-à-manger, cadre bien avec ce que les gens recherchent de nos jours. » Les Walmart et Amazon vont réussir à obtenir leurs parts du marché, mais ils ne prendront pas la place des épiciers, selon lui. « Metro a très bien su segmenter sa clientèle grâce à ses différentes bannières (Super C, Adonis, Food Basics) et augmenter ainsi ses marges de profits. » M. Fournier juge que Metro est une entreprise au bilan sain, qui est extrêmement bien gérée et qui excelle dans ses opérations. « Ses chiffres sont éclatants et l’entreprise se démarque de ses pairs. Chaque année, elle réussit à mieux faire travailler le capital humain et financier ; sa marque maison est un succès phénoménal. » Il ajoute aussi que la croissance des ventes des magasins comparables, une donnée clé pour mesurer la croissance interne d’un détaillant, place Metro parmi les meilleurs épiciers du Canada. Il précise que sa marge bénéficiaire, d’environ 4,4 %, n’a rien à envier à celle de Walmart, la référence en la matière à 4,3 %. « Le seul hic, précise-t-il, est que le cours du titre est un peu cher à quelque 17 fois le ratio cours/bénéfice et à 11 fois le BAIIA. »
Parkland Fuel Corp
(Tor., PKI, 46,95 $)
« C’est une entreprise dont le modèle d’affaires me fait penser à Couche-Tard. Sauf qu’au lieu de se concentrer sur le dépanneur, elle se concentre davantage sur la station-service ; elle est plus intégrée verticalement », précise M. Fournier. Il souligne que Parkland est une société qui distribue du carburant et du propane au Canada (surtout dans l’ouest du pays) et aux États-Unis. L’entreprise compte sur un réseau de plus de 1 800 stations-service, opérant sous différentes bannières (Ultramar, Esso, Chevron, etc.). « Dans les dix prochaines années, bon an, mal an, tu vas encore devoir chauffer ta maison et mettre du gaz dans ta voiture. » Il reconnaît toutefois que la croissance des ventes pour le carburant a atteint une sorte de plateau. Il souligne aussi que l’entreprise a effectué un virage il y a quelques années en diversifiant davantage ses activités. « Elle est aussi dans la distribution du propane, de mazout et de dérivés du pétrole utilisés commercialement. Elle a aussi procédé à plusieurs acquisitions et leur intégration s’est très bien faite. » Il note que les flux de trésorerie ont toujours été considérablement à la hausse ces dernières années. « En regard des flux de trésorerie, le titre demeure peu cher (7,3 fois les prévisions des 12 prochains mois). » La seule ombre au tableau concerne leur taux d’endettement, mais le gestionnaire de portefeuille considère que cela est normal pour ce type d’entreprise. « Elle a beaucoup d’actifs. L’utilisation de la dette peut être nécessaire lorsqu’on fait des acquisitions. Historiquement, l’entreprise a toujours su bien la gérer. »
LA SÉLECTION D’ALEXANDRE LEGAULT
Vice-président, gestionnaire de portefeuille Allard, Allard et Associés
Walgreen’s Boots Alliance
(NYSE, WBA, 52,34 $US)
Le titre de la chaîne de pharmacies américaine a été passablement bousculé en Bourse l’an dernier, reconnaît d’emblée Alexandre Legault. La compression du remboursement des coûts des médicaments par les assureurs et la consolidation dans l’industrie (qui a entraîné la perte de l’entente privilégiée qu’avait Walgreen’s avec Aetna assurances) ont pesé sur le titre. « Ce qui fait qu’aujourd’hui, le titre se négocie à 9 fois les bénéfices de l’an dernier et qu’il offre un rendement du dividende élevé de 3 %, environ le double du rendement des obligations canadiennes de 30 ans. » Le cours actuel signifie que le marché anticipe une décroissance des bénéfices, observe le gestionnaire de portefeuille. « Son bilan financier est solide, plus que chez ses compétiteurs. La population est vieillissante. Chaque jour il y a 10 000 nouveaux retraités. Les chaînes CVS et Walgreen’s détiennent plus de la moitié du marché de la pharmacie. » Il fait également remarquer que Walgreen’s est considérée comme un aristocrate du dividende, car il fait partie d’un groupe sélect d’entreprises qui ont augmenté leur dividende annuellement depuis au moins 25 ans. En fait, la société augmente son dividende depuis 40 années consécutives. Le titre est donc intéressant pour un retraité qui cherche du revenu, selon le gestionnaire de portefeuille. « C’est une entreprise bien établie et bien positionnée, dans un secteur où la démographie est une source de croissance. La moyenne historique de son ratio cours/bénéfice est tout juste sous les 20 fois. Et là, le titre se négocie à moins de la moitié, soit à 9. »
Financière Manuvie
(Tor., MFC, 26,09 $)
La plus importante compagnie d’assurance vie est un titre chouchou de M. Legault, malgré l’appréciation du titre. En raison des forts rendements boursiers des dernières années, le gestionnaire de portefeuille juge qu’il n’y a pas beaucoup d’entreprises ayant à la fois les caractéristiques qu’il recherche et un prix attrayant, comme la Financière Manuvie, qu’il a déjà présentée à Les Affaires dans le passé. Bien établie dans un secteur difficile à percer, elle jouit d’une forte barrière à l’entrée. « Dans les compagnies d’assurance, c’est celle qui est la mieux capitalisée. Elle a un bilan solide. Son ratio cours/valeur comptable est l’un des plus bas du Canada, à 1,1. Elle a été capable de faire croître sa valeur comptable d’environ 7 % par année depuis 10 ans. » La compagnie génère également de généreux flux de trésorerie et continue de racheter des actions. Ses activités en Asie, qui représentent près de 40 % de ses bénéfices d’exploitation, sont le plus gros vecteur de croissance de l’assureur torontois. L’actif sous gestion est en forte croissance, souligne M. Legault, et atteint aujourd’hui 1,15 billion de dollars.