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La règle des 15 000$ à la retraite

Institut de planification financière|Publié le 23 juillet 2021

La règle des 15 000$ à la retraite

(Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. L’optimisation du décaissement des actifs à la retraite est un processus en continu qui sera influencé par un très grand nombre de variables. Pensons par exemple à :

 

  • la nature des actifs détenus (REER, CELI, sommes immobilisées, sommes détenues dans une société par actions, immobilier, etc.)
  • la présence d’un conjoint
  • la présence d’un régime de retraite à prestations déterminées
  • l’importance relative des prestations de régimes gouvernementaux, soit le Régime de rentes du Québec (RRQ), la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et le Supplément de revenu garanti (SRG)
  • la présence de sommes détenues dans une société par actions
  • l’état de santé
  • les objectifs en termes de revenus
  • la présence de considérations successorales

 

On se doute également que la fiscalité jouera un rôle très important dans ce processus. On tentera habituellement de minimiser, évidemment légalement, le fardeau fiscal, parce que personne ne devrait payer plus qu’il ne le faut.

 

Optimisation fiscale

L’optimisation fiscale du décaissement passe par plusieurs stratégies potentielles :

 

  • report des impôts sur les actifs en retardant les retraits REER ou FERR
  • ordre de décaissement des différents types d’actifs
  • fractionnement des revenus de retraite (revenus de pension admissible, RRQ, REER conjoint)
  • conversion d’une partie des REER en FERR dès 65 ans afin que les retraits subséquents se qualifient à titre de revenu de pension admissible
  • retrait annuel du FERR ou du FRV d’un montant de 2 000 $ à compter de 65 ans, si le particulier ne bénéficie pas déjà du crédit pour revenu de pension admissible (avec une rente d’un régime de retraite, par exemple)
  • répartition optimale des actifs (par exemple, détenir ses placements à revenu fixe dans un REER)

 

En matière d’optimisation fiscale, la nature des recommandations pourrait s’avérer très différente selon l’objectif de l’exercice. Est-ce qu’il s’agit de minimiser le fardeau fiscal de l’année en cours, ou plutôt de minimiser le fardeau fiscal moyen durant toute la vie?

 

Objectif : report maximal des impôts?

En reportant toujours au maximum les impôts, le particulier réagit possiblement à son aversion à l’impôt et sera attiré par le fait de vivre des années sans en payer, même si au final, la facture fiscale totale sur la pleine durée de sa retraite pourrait s’avérer plus élevée.

Pour illustrer ce propos, imaginons un jeune retraité célibataire de 60 ans en excellente santé. Ce dernier disposera essentiellement de 4 sources de revenus à la retraite : ses REER, ses CELI, les prestations du RRQ et celles de la PSV. Il choisit de reporter les prestations de retraite du RRQ jusqu’à 65 ans. Il devra donc décider, entre les âges de 60 et 65 ans, d’effectuer des retraits de ses REER ou de ses CELI ou de combiner les deux. Imaginons enfin que ce jeune retraité détient suffisamment de sommes au CELI pour soutenir son niveau de vie pour ces 5 années. Il pourrait être tentant d’effectuer exclusivement des retraits du CELI et, possiblement, ô combien satisfaisant de n’avoir aucun impôt à payer pour ces années. Le problème potentiel est que les REER, qui n’auront pas été touchés durant ces 5 années, pourraient finir par être imposés à un taux moyen d’imposition beaucoup plus élevé.

 

La règle des 15 000$

C’est dans de telles situations que la règle des 15 000 $ pourrait s’appliquer. Essentiellement, si dans une année le revenu imposable est inférieur à 15 000 $, on pourrait considérer des retraits REER (ou FERR) qui amèneraient les revenus imposables à 15 000 $. Ce faisant, on effectuerait des retraits REER sans véritablement payer d’impôts.

 

De (très) nombreuses mises en garde

Comme toute règle simple (ou simpliste), celle-ci peut s’avérer, à juste titre, (très) critiquable. Voici quelques bémols :

 

  • Est-ce que le seuil devrait être de 15 000 $, de 20 000 $ ou autre?
  • On ne devrait pas se limiter à analyser l’impact fiscal, mais l’ensemble des impacts potentiels du retrait REER (par exemple, l’impact sur le SRG au-delà de 65 ans ou sur la prime d’assurance médicaments).
  • Peut-on avoir accès à des dividendes d’une société par actions? Dans ce cas, le seuil sera différent.
  • En présence d’un conjoint, d’autres éléments devraient possiblement être considérés.

 

Cette règle est donc loin d’être parfaite! Mais elle peut aider à illustrer qu’à la retraite, une année sans verser un sou d’impôts n’est pas toujours synonyme d’optimisation fiscale.

 

Martin Dupras, A.S.A., Pl. Fin., M. Fisc., ASC, Fellow de l’IQPF